Que le temps passe vite ! Tenez, il y a quatre ans et demi, un 14 janvier 2006, j’écrivais quelques lignes sur une soupe étrange et merveilleuse qui, à l’approche des médias, se mettait à mousser et qui permettait, alors que la science physique semblait jusque là l’interdire, d’atteindre le point zéro de la réflexion en quelques millisecondes seulement. Et nous revoilà, 54 mois plus tard, avec une variante : l’apéro qui mousse.
Pour la recette, encore une fois, il ne s’agit pas de faire dans le violent, l’original ou la cuisine moléculaire chère à certains téméraires espagnols. En fait, c’est même le contraire de l’innovation, ici, puisqu’on va faire dans le bêtement standard, dans un premier temps.
Pour cela, on se munira de quelques douzaines de saucissons, type banal de chez Carrouf ou n’importe. On peut en prendre un de la charcuterie locale, histoire de soutenir les petits commerces, mais ce n’est même pas essentiel. Comme on est dans un apéro, on pourra aussi se munir de quelques petites bouteilles d’un vin clairet.
L’idée, à partir de là, est d’arriver à faire mousser l’ensemble (le vin, mais aussi le saucisson et l’ensemble de l’apéro). Pour cela, on aura l’idée lumineuse de réunir, au moyen de Facebook, le plus de monde possible au milieu d’un quartier vivant et convivial, – pardon, « multiethnique » comme on dit dans les dépêches – par exemple la Goutte d’Or. Et pour parfaire l’opération, on choisira la date avec habileté, comme un 14 Juillet ou un 18 Juin.
Jusque là, pas de mousse. En revanche, dès que l’opération commencera à se savoir, il y aura bien un rigolo ou l’autre qui va s’offusquer et s’exciter, et, par ses grands moulinets oratoires, arriver à en faire parler dans la presse. Et c’est à ce moment que les choses deviennent intéressantes : comme des menthos dans le coca, le truc va mousser, pouf, d’un coup !
Et cette fois-ci, on a à faire à des clowns de compet, des rigolos d’envergure mondiale, pointures dans l’ouvrage de gueule inapproprié, joyeux soudards de la bourde communicante. Entre les articles écrits sur le mode offusqué du citoyen bien pensant, et les réactions thermonucléaires des associations anti-racistes ou épidermiques des élus locaux, c’est un festival.
La déclaration du PCF est à ce titre un régal pour l’oeil, le cerveau et les zygomatiques:
« Manœuvre grossière aux relents racistes, cette invitation est bien évidemment une provocation dans un quartier où le vivre ensemble, malgré les difficultés sociales, est devenu proverbial. »
De la provoc, du racisme, du vivre-ensemble, et de la difficulté sociale, là, on tient une phrase magique où tous les ingrédients sont réunis. Pour tout dire, ça vaut une goulée de soupe aux lardons ! Mieux, la conclusion du même PCF est un monument de paradoxe :
« cette écoeurante plaisanterie cherche à exacerber des différences qui font la richesse du XVIIIe arrondissement »
Saperlipopette ! On se demande pourquoi la différence serait exacerbée par des saucissons et du vin, alors que, quelques secondes plus tôt, on nous vantait un quartier au vivre-ensemble proverbial ! Et puis, si les différences font la richesse du XVIIIème arrondissement, y ajouter un peu plus de différence ne devrait pas nuire, non ?
À vrai dire, la manœuvre du Bloc Identitaire est quasi-transparente face à l’opacité et l’hypocrisie dégoulinantes des politiciens dans cette histoire. A présent, je peux même me fendre d’un petit copié-collé adapté de mon billet d’il y a presque cinq ans, en adaptant à la situation courante. La Presse, une fois de plus, est tombée dans le panneau.
Il est en effet plus que probable que la tenue de cet apéro à cet endroit là n’a été envisagée qu’à des fins discriminatoires, c’est-à-dire que l’opération, finalement, ne s’adresse qu’à un type de public particulier. Mais les médias s’arrêtent là et commencent à faire parler la poudre… pardon, la presse.
En effet, jusqu’à preuve du contraire, les organisateurs ne poussent pas le vice jusqu’à, munis d’entonnoirs, gaver de force les musulmans et juifs alentours venus voir de quoi il retournait de leurs saucissons cochonneux et de leur vin qui pique. Et comme l’association derrière l’apéro a probablement décidé son action en fonction de la couverture médiatique qu’elle espérait avoir, les médias par le biais de leur scandalisation lui ont précisément fourni ce qu’elle attendait.
Autrement dit, que l’apéro ait lieu ou pas, elle aura fait carton plein :
- s’il a lieu, on aura droit à des reportages, des articles de presse, et un retentissement encore plus grand. Ça va mousser !
- s’il n’a pas lieu, l’opération sera retentée, plus tard, plus fort, avec le gain appréciable du barouf que provoquera cette interdiction ; il sera facile de jouer sur le mode « En France, on n’a maintenant plus le droit de se réunir pour manger du sauciflard et du pif ! C’est un scandale ». C’est sûr, ça va mousser !
Grâce à cette magnifique pignouferie de presse, ces mêmes bien-pensants qui beuglent dans les journaux en appelant à la fraternelle non-discrimination totalitaire ont, de fait, perdu leur bataille.
Bien joué.