Depuis quelques mois déjà, l’apparition de ces nouveaux supports du Kindle passant par le Reader n’ont pas modifié les habitudes des lecteurs et de la société en général. D’ailleurs, les professionnels et les partisans de cette nouvelle ère culturelle sont avares de chiffres lorsqu’on tente d’estimer le développement de leurs structures et en conséquence du livre numérique.
Car le livre numérique se doit de conquérir deux lectorats bien distincts. D’une part, les lecteurs investis qui sont profondément attachés au livre en tant que pilier culturel fort de notre société. D’autre part, les lecteurs moins boulimiques de textes et plus impulsifs dans l’achat qui dépend bien souvent de la célébrité ou de l’actualité du sujet traité. La nonchalance de ce lectorat à lire régulièrement ne semble pas pouvoir être endiguée par l’apparition de l’écran. Question subsidiaire : Comment imaginer un Harlan Coben, un James Ellroy, un Guillaume Musso ou un Marc Lévy dédicacer leurs livres avec un stylet ?
Les supports numériques quels que soient leurs formes, leurs couleurs, leurs poids ou leurs définitions d’écran ne provoqueront pas une hystérie collective vers la lecture.
De plus, le livre fait appel à deux facultés humaines irremplaçables et immuables: le toucher et l’odorat. Quel lecteur ne prend pas plaisir à caresser le grain du papier, à soupeser et à retourner le livre ? Et n’y a-t-il pas une certaine satisfaction à sentir un livre pour profiter au mieux des effluves d’un univers à part entière ?
Car chaque livre porte en lui un univers propre. Toute la technologie numérique, malgré sa bonne volonté mercantile, ne pourra jamais posséder l’essentiel de ce que contient un livre : l’humanité. Car numériser l’humanité est tout simplement impossible et pas souhaitable.
Le livre numérique aujourd’hui m’apparaît comme un mirage culturel qui satisfera, à mon sens, les seuls adorateurs des gadgets et les fétichistes des gigas octets. Pour preuve, le lancement peu concluant de Gallica comme grande bibliothèque numérique le démontre tant l’enthousiasme autour de cet «événement» a été bien pâlichon. Mais d’autres Waterloo de la lecture sur écran sont à venir.
Penser aujourd’hui que le format numérique remplacera à moyen ou à long terme le livre a quelque chose d’absurde, tout comme l’idée qu’il pourrait s’affirmer comme un marché juteux. L’idée fondamentale cachée sous la brume de ce faux débat, est que le livre amorce un déclin important.
Ainsi, on peut s’interroger aujourd’hui sur l’inquiétante désaffection pour le livre et ce qu’il comporte de central pour une société quelle qu’elle soit.
Car les lecteurs deviennent petit à petit une espèce en voie de disparition au coeur d’un écosystème promis à un sombre avenir. Le livre ne sera pas destitué par son faux frère numérique. Si le livre doit mourir, il disparaîtra seul sans héritier, ni félon pour lui succéder.