Benoit Bougerol, le président du SLF (Syndicat de la librairie française), est intervenu dans l'édition du 4 juin dernier de Livres-Hebdo pour rappeler la position du SLF face à l'actualité numérique et notamment l'arrivée de l'Ipad. Une tribune "Les livres, les éditeurs, les libraires sont-ils solubles dans l'iPad?" que je me permets de relayer ici, il me parait nécessaire de la diffuser bien au-delà des seuls professionnels:
"Comment ne pas savoir que l’Ipad arrive en France? Quel relais médiatique! Que de bruit savamment orchestré par Apple!... Certes le numérique apporte de nouvelles offres dans bien des domaines. Moi-même, ingénieur de formation, ancien ingénieur d’affaires à IBM, je suis depuis longtemps plongé dans cette culture informatique qui, après les PC et les Mac, Internet, le MP3, déferle maintenant sur l’écrit, presse et livres confondus. Mais comment croire que l’Ipad créerait, comme par magie, des générations de nouveaux lecteurs? Qui peut raisonnablement penser que des publics avides aient été tellement rebutés par le papier qu'ils attendaient un écran miracle pour devenir des férus de lecture? Si la presse dit voir son salut dans l’Ipad il est clair que les éditeurs de livres sont bien plus dubitatifs pour des raisons évidentes exposées par Antoine Gallimard dans son interview aux Echos. Les conditions exigées par Apple sont pour l'essentiel inacceptables: il s’agit d’imposer ses standards au marché au détriment d'une chaîne de valeurs qui permet à chacun, de l'auteur au libraire, d'être rémunéré pour son travail au service des lecteurs. Et Apple construit un système fermé pour dominer le commerce des livres comme il l'a fait dans la musique. Les libraires sont déjà des dizaines à vendre des livres numériques. Avec le portail 1001libraires.com ils seront demain des centaines. Pourquoi, dès lors, certains éditeurs placent-ils la librairie en situation de désavantage concurrentiel alors que le marché se structure? On nous promet la convergence des trois grandes plateformes pour faciliter l'accès des librairies au numérique. Très bien.Mais en même temps, certains donnentl’avantage à un seul concurrent. C’est incompréhensible! La plupart des éditeurs n’ont pas cédé aux sirènes d’Apple, heureusement! Ne pas donner les fichiers des éditeurs à Apple, éviter les distorsions de concurrence, exiger l’interopérabilité entre supports (PC, e-Books, Kindle, Ipad…), et avancer de concert avec le portail 1001libraires.com et les autres enseignes sans privilégier un seul acteur, me semblait être des préalables acceptables. Je regrette que la collectivité des éditeurs se soit fissurée. Je plaide pour une union forte pour que le livre vive, et ne soit pas réduit à un flux de données pour créer du trafic, modèle économique du trio Apple, Amazon, Google.Il faut un projet porté par une vision commune des éditeurs, des auteurs, des libraires, avec le soutien des pouvoirs publics. Les libraires y veilleront." A mots couverts, on aura reconnu d'où venait la fissure en question.