Les violences faites aux femmes sont délibérées (2)

Publié le 15 juin 2010 par Nicolas Esse @nicolasesse

Suite de la traduction de l’article d’Eve Ensler
Il y a trois ans, La République Démocratique du Congo a envahi mon existence.
V-Day, un mouvement pour que cesse la violence contre les femmes et les petites filles, était invité pour partager l’expérience de femmes qui ont survécu à des actes de violence sexuelle dans ce pays. J’ai passé trois semaines à l’hôpital Panzi de Bukavu, où se trouvaient plus de 200 femmes en traitement. Plusieurs d’entre elles m’ont raconté l’histoire de leurs tortures de leurs viols collectifs. J’étais bouleversée. Elles m’ont parlé des conséquences, de la perte de leurs organes reproducteurs, des fistules traumatiques qui résultent de ces viols. (Une perforation entre le vagin et l’anus qui empêche la rétention de l’urine et des matières fécales) J’ai entendu l’histoire de bébés de neuf mois, de filles de huit ans, de femmes de quatre-vingt ans, humiliées et violées en public.

Nous avons voulu réagir. En donnant le pouvoir aux femmes sur le terrain, nous avons débuté une grande campagne d’information : « Le pouvoir aux femmes et aux filles de la République Démocratique du Congo ». Pour que cesse le viol de la plus grande ressource de ce pays. Nous avons créé cette campagne pour briser les tabous, organiser des conférences et des marches. Nous avons formé des activistes et des membres influents des communautés religieuses. Des représentations des Monologues du Vagin ont été jouées dans tout le pays, avec en point d’orgue une représentation spéciale devant le parlement congolais en ce mois de juin. Des activistes de V-Day ont porté cette campagne autour du monde et ils ont pu toucher les consciences et lever des fonds. Dans quelques mois, avec les femmes du Congo, nous pourrons inaugurer the City of Joy, une communauté pour les survivantes, où les femmes pourront être soignées, transformer leur douleur en une nouvelle forme de pouvoir. Nous avons aussi plaidé notre cause à Downing Street, à la Maison Blanche, au bureau du secrétaire général des Nations Unies. Nous avons crié au parlement canadien, au sénat étatsunien, au conseil de sécurité de l’ONU. Des larmes ont coulé, des promesses ont été faites avec beaucoup d’enthousiasme.

Pendant ces mois de maladie passés sur un lit d’hôpital ou chez moi alors que j’essayais de récupérer, ce sont bien les coups de téléphone et les rapports quotidiens en provenance de la RDC qui m’ont rendue malade. Les viols qui continuent. Les meurtres à la machette, les mutilations grotesques, les assassinats de défenseurs des droits humains. Tous ces crimes me donnent la nausée. Ils m’affaiblissent bien plus que les antibiotiques, les séances de chimiothérapie, ou les médicaments pour calmer la douleur. Et même si je suis affaiblie, le plus dur, c’est de savoir qu’en dépit des crimes perpétrés, de plus de 6 millions de mort et 500’000 femme torturée et violées, la communauté internationale semble amorphe. Après les visites et les promesses, on a simplement oublié la République démocratique du Congo […]

Photo AFP/ADIA TSHIPUKU Des femmes attendent à l’entrée de l’hôpital Panzi à Bukavu (RDC) spécialisé dans le traitement des victimes de viols, le 12 novembre 2009.