Cet ouvrage, édité comme catalogue de l'exposition réalisée par la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Paris (13 novembre 2007 - 5 février 2008) à l'occasion du tricentenaire de la mort de Vauban, fera date. Fruit des contributions de trente-huit spécialistes et chercheurs de sept pays, il illustre admirablement l'exceptionnelle personnalité du bâtisseur qui, outre ses talents d'ingénieur-constructeur, fut « un homme particulièrement attentif aux grandes questions politiques et intellectuelles de son temps ».
Il fallait à Louis XIV un bâtisseur à la mesure de ses ambitions. Sébastien Le Pestre, marquis de Vauban (1633-1707), fut l'homme de la situation. Théoricien, il ne prétendait pas l'être, même s'il consacrait beaucoup de temps à l'écriture et aux dessins manuscrits. Il était par contre un stratège avisé, et surtout un ingénieur hors pair qui avait le don de savoir anticiper les fonctions défensives de ses constructions.
Durant les quarante années qu'il consacra au service du Roi et de ses ministres Louvois et Colbert, le Commissaire général des fortifications qu'était devenu Vauban en 1678 construisit 160 forts et places fortes, sur les frontières et à l'intérieur du royaume. Le "Pré Carré" du Roi-Soleil était paré contre tous les assauts offensifs des États limitrophes...
Bâtisseur, Vauban l'était assurément dans l'âme, mais surtout dans la réalité du chantier et de son déroulement, depuis le recrutement des "remueurs de terre" ou "chaufourniers" et l'approvisionnement en matériaux et en outils jusqu'au souci de l'entretien futur des édifices.
L'ouvrage-catalogue, très abondamment illustré, propose une vision d'ensemble des interventions de Vauban en matière d'urbanisme et d'architecture, notamment dans le réseau des fortifications bastionnées qui fut construit en réponse à la volonté de rationalisation de l'art de la guerre caractéristique du règne de Louis XIV.
Il met également l'accent sur l'actualité de ce patrimoine. Déjà, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, la guerre de mouvement ayant succédé à la guerre de siège, l'utilité de la fortification bastionnée fut remise en cause, au profit de la fortification perpendiculaire imaginée par le marquis de Montalembert. Face à la puissance des nouveaux canons de l'artillerie ennemie, le système de défense à la façon Vauban s'avérait insuffisant. Le génie de Vauban n'en continuait pas moins d'être présent : « Vauban reste le modèle de l'ingénieur militaire français tout au long des XIXe et XXe siècles, alors même que son oeuvre et son enseignement basculent de l'opérationnel au culturel.(...) Serviteur modèle d'un roi illustre, Vauban est devenu l'image vivante, puis héroïsée, d'un corps d'ingénieurs longtemps en mal de reconnaissance. »
Le dernier chapitre de l'ouvrage est riche d'enseignements sur l'art et la manière de sauvegarder le "patrimoine Vauban". Certes, une telle entreprise doit faire face à de nombreuses difficultés relevant de la technique, du financement et de la requalification : comment, en tout premier lieu, préserver l'esprit de constructions conçues à des fins militaires tout en leur attribuant de nouvelles fonctions ? Mais les exemples prouvent qu'une reconversion est possible dans des conditions respectueuses à la fois des lieux et de nouveaux enjeux touristiques et culturels. Le campus universitaire de la Nive à Bayonne, le palais de justice d'Avesnes-sur-Helpe, la citadelle de Belle-Île-en-Mer, le réseau des sites majeurs de Vauban (projet européen Septentrion), etc. sont, entre autres restaurations, les témoins d'un patrimoine devenu "enjeu du développement durable". Nul doute qu'une telle perspective n'aurait pas été pour déplaire au grand bâtisseur urbaniste que fut Vauban.
"Vauban , Bâtisseur du Roi-Soleil", ouvrage collectif sous la direction d'Isabelle Warmoes et de Victoria Sanger, coédité par Somogy et la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Paris, 2007, 432 pages.