Deux avancées notables en deux jours, c’est assez inhabituel pour être signalé : tout d’abord, les ministres européens des finances viennent enfin de se mettre d’accord pour que les projets de budget nationaux soient examinés par l’Union Européenne avant l’être débattus et adoptés par les Etats membres ; ensuite, l’office statistique européen pourra désormais vérifier sur place la fiabilité des statistiques nationales qui lui sont communiquées. Deux mesures jugées inacceptables encore tout récemment.
L’Europe est donc sur la bonne voie. Mais elle avance lentement – tout le problème est là. Il faut une crise persistante pour que des propositions de bon sens soient enfin jugées dignes d’être mises en oeuvre. A croire que les crises ont du bon…
De fait, le temps pressait. Une série de défauts de gouvernance, émaillée de fraudes diverses, aura conduit à une crise financière, puis économique, parmi les plus graves de l’après-guerre. En peu de temps, elle aura menacé plusieurs pays d’un effondrement financier, et fait douter de la crédibilité de l’Euro. Ces deux dernières années auront donc vu les pompiers de tous bords s’affairer ici puis là, éteignant un incendie après l’autre sans savoir de quoi sera fait le suivant.
Et la menace subsiste – malgré les sommes énormes réunies. D’autant que les lenteurs et les blocages existent encore. Ainsi, à titre d’exemples, des désaccords sur la crise grecque, ou sur la pérennisation du fonds de soutien, pour l’instant limité à trois ans – comme si un temps si court ans pouvait suffire à résorber l’endettement public considérable accumulé par bon nombre d’Etats membres.
Nous devons donc rester vigilants :
- Tout d’abord, l’Union Européenne est encore très loin de disposer des instruments et institutions nécessaires à une politique économique concertée. L’action de la Banque Centrale Européenne, focalisée sur son objectif de stabilité monétaire, n’est pas accompagnée d’une action cohérente en matière budgétaire et fiscale. Avec l’aberration que l’on sait : une longue montée du cours de l’Euro jusqu’à des niveaux insoutenables pour les économies du vieux continent, une croissance anémique, un déficit des rentrées fiscales, des déficits publics à répétition et une dette publique devenue intenable à la faveur de la crise. Tout ceci avant un retour inévitable de l’euro à son cours d’introduction. Tant mieux pour nos économies, même si les effets en s’en feront sentir que dans quelques mois – si tout va bien. Mais on s’interroge : faudra-t-il une nouvelle rechute pour faire un pas de plus vers la mise en place d’instruments de régulation efficaces et pérennes au niveau européen ?
- Ensuite, renforcer les pouvoirs d’Eurostat ne renforce pas ceux des autorités de surveillance des marchés, ni la sévérité des institutions judiciaires, sans lesquelles aucun système de marché n’est à l’abri des dérives. Et, bien entendu, la mesure n’améliorera pas par elle-même les capacités de prévision d’économistes trop exclusivement tournés vers les grands équilibres macro-économiques, et souvent insuffisamment formés en matière financière, pour identifier à temps les risques systémiques d’aujourd’hui.
Le temps presse. Chaque occasion perdue de concertation, d’innovation institutionnelle, nous rapproche un peu plus de la prochaine crise.
A suivre…