les banques ont engagé des réflexions pour réorienter les campagnes et outils de communication traditionnels.
S’adapter aux nouvelles attentes et aux changements de comportement
S’il existe des disparités entre réseaux de banque de détail, les établissements sont globalement confrontés à un affaiblissement de l’image du secteur : entre octobre 2006 et octobre 2009, l’indice Ipsos d’image de la banque est ainsi passé de 45 à 5[1]. Cette baisse peut s’expliquer par plusieurs événements qui ont marqué les dernières années. Premièrement, la crise financière a affecté le lien établi entre les banques et leurs clients. Certains d’entre eux ont en effet subi des pertes ou vu la rentabilité de leurs portefeuilles diminuer. Dans ce contexte économique morose, il a souvent été rapporté que le secteur bénéficiait d’aides de l’Etat mais ne participait pas suffisamment au financement de l’économie réelle. Les banques ont ainsi été considérées par certains comme étant à l’origine de beaucoup des difficultés quotidiennes des consommateurs. A cela se sont ajoutées plusieurs « affaires » particulièrement médiatisées (Kerviel, Madoff, bonus des traders), un rapport de la Commission européenne (transparence des tarifs bancaires), ou encore la mise en cause du crédit revolving dans le surendettement des ménages. Ces différents événements ont provoqué une certaine distension du lien de confiance entre banques et consommateurs, qu’il est nécessaire de restaurer aujourd’hui, dans le difficile contexte actuel de sortie de crise.
D’un point de vue plus structurel, on note une évolution des comportements des consommateurs, liée à des attitudes de plus en plus consuméristes. A titre d’exemple, le développement du courtage, avec le succès d’acteurs tels que Meilleurtaux ou Cafpi, témoigne d’une volonté accrue des consommateurs de mettre en concurrence les établissements bancaires et de disposer d’une meilleure information. Cette quête d’information se concrétise aussi par la participation à des forums sur lesquels ils échangent avis et commentaires sur les différentes offres, ainsi que par l’arrivée de comparateurs, tels que je-veux-changer-de-banque.fr. Par ailleurs, l’année 2009 a été marquée par plusieurs publications d’associations de consommateurs proposant des palmarès et des études sur la tarification des packages bancaires, ou sur des aspects liés au développement durable. L’augmentation du taux d’attrition de 4% en 2007 à 6,8% fin 2008 (FBF) et la montée de la multi bancarisation (28% des Français en 2009[2]) soulignent bien un risque croissant de volatilité. A noter que le nouveau service d’aide à la mobilité bancaire, rendu obligatoire en novembre 2009, ou encore la réforme de l’assurance emprunteur, constituent de nouvelles incitations à la multibancarisation ou à la désimbrication des produits bancaires. Là encore, les campagnes de communication vont avoir un rôle déterminant dans les années à venir et les banques devront s’adapter à ces évolutions de marché.
Enfin, les stratégies de communication sont appelées à suivre le développement des nouvelles technologies qui viennent modifier le comportement des consommateurs. Aujourd’hui, la moitié des Français consultent leur compte depuis un ordinateur[3]. Il n’est plus rare d’utiliser Internet ou son mobile pour effectuer des transactions bancaires ou entrer en contact avec son conseiller, par e-mail notamment. Cependant, si toutes les grandes banques ont créé des portails web, elles sont loin d’être présentes sur tous les territoires que les nouvelles technologies ont créés. Parmi ceux-ci, on peut citer la nouvelle audience générée par les réseaux sociaux qui connaissent une croissance surprenante. Facebook compte ainsi 15 millions d’utilisateurs en France début 2010 contre 4 millions à fin 2008. L’enjeu pour le secteur bancaire réside donc dans la conquête de ces nouveaux espaces afin de capter les populations qui désertent aujourd’hui agences et médias traditionnels.
Concevoir de nouvelles stratégies de communication
Dans ce contexte, les banques s’interrogent sur les nouveaux moyens d’attirer et de fidéliser leurs clients. Une communication fondée sur un message général et diffusé exclusivement par le biais de campagnes publicitaires télévisées ne couvre plus l’ensemble de la clientèle et ne répond pas à l’évolution des critères de sélection. Ce renouveau, qui commence à émerger de manière visible, s’articule autour de trois grands axes.
Tout d’abord, les banques commencent à se positionner sur les nouveaux carrefours d’audience distincts des médias traditionnels. Les réseaux sociaux, les univers virtuels, les business games sont autant de nouveaux points de contact à exploiter. Ces canaux sont progressivement intégrés aux stratégies de communication des banques car ils permettent premièrement d’être visible auprès d’une population jeune, cible particulièrement attractive pour les banques. Mais au-delà d’une visibilité, ces nouveaux moyens de communication offrent la possibilité d’interagir directement avec les clients. A titre d’exemple, sur Twitter, le compte « Entrepreneurs » de la Caisse d’Epargne compte plus de 1000 « followers » et le compte BNPParibas.net enregistre une croissance de plus de 30% par mois[4]. De même, le Crédit Agricole a lancé un site dédié aux consommateurs souhaitant devenir propriétaire qui est associé à une « fan page » Facebook sur laquelle un forum est ouvert pour que les utilisateurs puissent échanger leurs « bons plans ». Ces initiatives seront amenées à se développer au cours des prochaines années, créant ainsi de nouvelles formes d’échanges avec les clients actuels ou potentiels.
En parallèle, les banques font évoluer leur discours afin de restaurer le lien de confiance avec leurs clients. En effet, on note une nette tendance à l’évolution des messages traditionnels. Les banques s’attachent à donner des preuves de leur engagement et à montrer un visage plus humain. Plusieurs campagnes orientées sur ces thèmes ont ainsi été lancées. La Banque Populaire a, par exemple, mis en avant une série d’engagements (« Engagement n°7 : Garantir vos financements agricoles »). Pour sa part, la Société Générale a choisi de mettre en scène d’une part des collaborateurs de la banque évoquant leur travail au quotidien pour leurs clients, et d’autre part, des consommateurs qui ont été accompagnés par la banque dans la réalisation de leurs projets (« Mais qui aide Rose »). Ce repositionnement mettant davantage en avant des personnages bien identifiés a permis de souligner le rôle de l’humain dans la banque face aux difficultés du quotidien.
Enfin, plus structurellement, les établissements réfléchissent à développer de véritables stratégies de marque. Paradoxalement, alors qu’elles possèdent quasiment toutes une très forte notoriété, peu de banques ont réussi à bâtir une marque, c’est-à-dire construire une identité forte autour d’attributs spécifiques et distinctifs facilement identifiables par le client. La mise en avant d’une marque n’est possible que si celle-ci est liée à une promesse et des valeurs en adéquation avec les attentes des clients. Dans ce cadre, les actions de communication menées par les banques doivent avoir pour fonction de relayer et crédibiliser la promesse associée à la marque. La campagne menée actuellement par le Crédit Coopératif témoigne de cette volonté de mettre en avant un positionnement distinctif. En déclinant le slogan « j’en ai marre de penser qu’à moi », la banque associe son nom à des valeurs de solidarité, de partage et de responsabilité qui font échos aux préoccupations actuelles d’un certain nombre de consommateurs. On peut également citer ING Direct, qui au travers des slogans « je l’ai fait » a associé pour la première fois un message sensuel à sa dernière campagne publicitaire. Aujourd’hui, dans un contexte de plus en plus concurrentiel et incertain, la construction d’une marque forte à travers une promesse client ancrée dans le concret pourrait donc s’avérer déterminante.
Anticiper les impacts opérationnels
Toute réorientation d’une politique de communication n’est pas neutre et implique une cohérence de l’ensemble de la politique marketing. En effet, communiquer les avantages d’une marque même avec d’importants moyens ne peut être envisagé comme une action isolée. Il est nécessaire que tous les éléments du marketing mix (produit, prix, distribution, communication) soutiennent les engagements proposés et qu’ils permettent de tenir les promesses formulées. Ainsi, une communication mettant en avant un positionnement « coopératif » pourra nécessiter une mise en adéquation de la gamme de produits et services offerts afin de répondre aux exigences de la population visée, mais aussi un réaménagement des agences qui seront la vitrine de ce positionnement. Autre exemple, un jeune technophile pourra s’étonner de trouver des conseillers non familiers des réseaux sociaux ou ne répondant pas par e-mail s’il a été attiré en agence via une campagne sur ces médias mettant en avant un établissement innovant et réactif.
Les impacts interviennent même au delà du champ d’activité des directions du marketing et de la communication, car la construction d’une identité forte relève de choix stratégiques et implique toute l’entreprise. En effet, pour que les valeurs et promesses soient perçues comme réelles et distinctives, elles doivent être déclinées à tous les niveaux de l’organisation. A ce titre, la récente campagne de communication du LCL est une bonne illustration. En effet, celle-ci promet aux consommateurs un délai de deux jours pour une réponse de principe pour un crédit immobilier et de deux semaines pour les offres de prêts. Cet engagement très précis nécessite une organisation interne, des processus et des collaborateurs performants et réactifs permettant de tenir ces délais. La mise en place d’un plan de communication fondé sur des messages moins généralistes exige donc la prise en compte d’investissements dans des domaines tels que la formation des conseillers, l’évolution des processus de back-office, voire la mise à disposition d’outils spécifiques. A ce titre, il nécessite une forte adhésion au sein de la Banque.
Ces défis sont de taille, mais répondent à plusieurs impératifs de fond. Tout d’abord, éviter la fuite de clients vers des acteurs alternatifs (banque en ligne, grande distribution, acteurs de niches…), qui restent marginaux à ce jour, mais qui pourraient être amenés à se développer au cours des années à venir. Ensuite, même si cette fuite reste maîtrisée, une plus grande volatilité des clients peut impacter le modèle de rentabilité du secteur, fondé sur une relation de longue durée permettant un retour sur des coûts de conquête élevés. Enfin, il s’agit de limiter la multibancarisation, qui si elle était amenée à s’étendre, viendrait réduire l’efficacité des outils de ciblage et de connaissance clients, en ayant accès qu’à une partie de leurs activités bancaires. La politique de communication sera ainsi un levier important à la disposition des banques pour faire face aux défis qui s’annoncent.
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