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A Dora B. (Qui saura se reconnaître)
C’est un jour un peu triste, timide et réservé comme toi qui, depuis dieu sait où m’interpelle et m’invite.
C’est un matin de douce écoute, à l’heure d’une ville qui ne sait que faire de sa grisaille.
D’ici montent les soupirs de ne point se laisser gagner d’une douce torpeur dans les rayons d’un printemps qui se met en retard.
Tout le monde sait que Lure veille, avec son chapeau blanc. Tant qu’elle ne montrera pas son crâne dégarni, c’est froid et hiver qui monteront à l’assaut.
Lors vient un dialogue insolite, défiant temps et espace.
*
Toi
Bonjour,Monsieur, matinal comme tous les jours ?
Moi
Bonjour, vous allez bien?
Toi
Oui,merci, ce soleil qui remplit la chambre oxygène ma vie !
Moi
Ici la couleur dominante du jour est un gris humide. La saison ne sait encore sur quel pied danser…
Toi
Il existe un bonheur autre que celui que l'on recherche incessamment : celui de la splendeur du temps !
Je t'invite à venir jouir de ce beau temps et de la mer
Si bleue
Si intense
Tu danseras avec les petites vagues
Moi
Le bonheur vient de ce silence contemplatif : le bruit que fait une goute de pluie sur les feuilles nouvelles.
Si la mer n'était si lointaine, je danserais dans les vagues, et les mots couleraient en longues aurores délicates…
Toi
Oui, le bruit du silence !
J'adore tes paroles !
Et, comme a dit Mahomet, « si la montagne ne vient pas nous » …
Mais toi si la mer ne vient pas à toi,
Alors, essaie de venir la voir !
Moi
Mes yeux vont aux rivages comme ils veulent, mon esprit voyage en se riant des frontières, du temps, de la géographie…
Toi
Oui c'est une façon de voyager, l'imaginaire !
Moi
C'est le moyen le plus facile et le moins onéreux…
Toi
Oui, mais que fais tu des vraies sensations : de la caresse du soleil sur ta peau, des clapotis de l'eau, de son goût salé ?
Tu ne peux pas les vivre comme il se doit ?
L'imaginaire, s'il était aussi réel,je me serai gavée sans relâche de ses secrets
Mais
La réalité est meilleure !
Moi
D'autres plaisirs me courtisent : la saveur d'une eau pure, dans des vallons secrets, le long frémissement des cimes, le bruissement discret d'un torrent.
Toi
J'adore aussi !
Tu écris merveilleusement bien !
J'aime cet enchantement que tu me procures de bon matin
Moi
La mer n'a de saveur que dans la solitude des dunes, face aux rouleaux océaniques, dans le claquement d'une voile, le frémissement d'un soleil plongeant à l'horizon. C'est un plaisir rare tant les foules encombrent les quais, ignorant les voyages potentiels. Je m'en tiens donc éloigné, préférant le silence de mes montagnes.
L'écriture est un parfum que l'aube délivre, entre deux voyages immobiles.
Toi
Waw !
Je suis éblouie par la beauté de tes mots !
L'écriture est ma passion
Moi
Je ne peux hélas m'éterniser en ces lieux : je dois retourner à mes écritures journalières. Profitez bien de cette journée d'oisiveté!
Toi
Moi aussi, je te remercie pour ce bonheur inégalé de m'évader, avec toi, dans ce monde de l'imaginaire. Merci et bonne journée : bye
Moi
Bonne journée!
*
Ne m’en veux pas, amie, une mer nous sépare et ce sont des années lumières.
Les mots sont parfois si trompeurs : ils nous subjuguent, nous mènent bien au-delà de ce que nous ressentons, dans cet instant éphémère où nos yeux s’y déposent.
Glissant du vous au tu, avec la discrétion feinte, c’est une vague qui nous submerge quand nous ne pouvons et savons nous nourrir que de solitude et de silence.
Ailleurs, en d’étrange soirée blotties entre deux grilles, l’inquiétude veille, partagée jusqu’à la fatigue : suffirait-il d’une devanture pour se brancher sur notre humanité diluée en milliers de larmes, chaque jour un peu pluvieuses.
L’humanité est au-delà de nos mots, amie, au-delà de la folle étreinte de vagues, en sable et en cheveux fous dans un vent solaire.
Ce que nous avons à construire se tisse dans cet entre deux qui nous surprend.
Nous ne faisons, à chaque instant qu’occuper un logis qui nous est généreusement prêté.
Nous ne sommes nulle part propriétaire de cet espace qui nous est alloué.
Ce que nous n’avons pas encore appris : à faire de ce vaisseau spatial, si beau vu de là-haut, une aire de véritable bonheur.
A la croisée des chemins, il nous faut tout construire et revenir à l’essentiel, sans égards pour le superflu.
*
Nos pas se séparent
Laissent empreintes divergentes
Sur la grève mouillée de houle
Etranger
Miroir tendu à nos âmes en errance
Nos mains se saisissent de la bouée
Nous plongeons avec délice
Dans la fraîche invitation de l’instant
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Manosque, 2 mai 2010
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