Il utilise le genre polar mais ne fournit aucune certitude, ou plutôt nous conduit d’affirmation en affirmation pour mieux nous berner. Notamment au sujet de l’auteur : qui signe ? qui publie ?
L’histoire : l’exposition dans une galerie d’art contemporain du contenu d’un casse parfait réalisé la veille du vernissage dans une agence bancaire sans déclencher l’alarme, sans aucune possibilité d’en trouver l’auteur. Le récit de ce casse est fait au cours d’un échange de messages via Internet entre l’auteur de ces messages et son correspondant, un certain Li, dont nous ne connaîtrons jamais les réponses, mais qui semble s’intéresser à l’organisation de la société occidentale où dominent les « tradistes » et les « traders ».
L’artiste, en exposant cet argent plutôt que des faux billets rend impossible tout propos sur l’art contemporain, hormis le fait qu’il est plus une affaire de processus que d’œuvre. De même Daniel Foucard rend impossible tout propos sur son livre sans en trahir les rebondissements. Et c’est la force de ce livre. Casse est l’occasion de parler de la société, de la vie politique, de l’évolution (progressiste ou rétrograde) des mœurs, des changements en cours en Chine tels qu’ils sont perçus ici, en Europe, plus généralement des relations réelles ou fantasmées entre Orient et Occident.
Le ton des messages laisse croire que nous irons de révélation en révélation, qu’aucun mystère ne subsistera, mais c’est tout le contraire qui se passe ; la littérature n’a donc pas pour fonction d’éclairer. Elle dit cependant beaucoup de nos usages, de notre monde, de ce qui bouge, d’une certaine abolition des distances, mais elle nous oblige à nous taire. A nous interroger.
Les noms des personnages semblent indiquer des pistes : Lisp l’électricien qui bricole les horloges fait penser à Lip, aux Lips, héros du monde ouvrier des années 70 ; les deux femmes du récit s’appellent Schème, terme utilisé en philosophie et en psychologie, et Simula, langage de programmation – Simple universal language – ; Li, qui peut être un prénom chinois, évoque aussi phonétiquement la deuxième personne du singulier de l’impératif du verbe lire – impératif, forme qu’on trouve souvent en fin des messages, « réponds » –, mais c’est peut-être aussi, tout simplement, le début du nom de l’éditrice de Daniel Foucard, Laure Limongi.
On appelle « casse » un hold-up, mais aussi, en typographie, un casier où l’on range les caractères en plomb, les majuscules en haut (haut de casse), les minuscules en bas (bas de casse) ; importance de l'imprimerie pour l'écrivain mais aussi du métier d'imprimeur dans l'histoire du mouvement ouvrier.
Faut-il suivre ces pistes ? Et où mènent-elles ?
Et quelle importance faut-il accorder à la dédicace (« à ma mère ») ?