C’est en simple lectrice et non en spectatrice que j’écris sur cette pièce écrite en 1947 et souvent jouée depuis. Genet a toujours déclaré ne pas avoir été influencé par un crime célèbre de 1933 : celui des deux sœurs Papin, domestiques du Mans ayant assassiné leur maîtresse.
Mon billet sera détaillé sans être trop indigeste, j’espère. Un seul acte sans indication de scènes.Un seul lieu : La chambre de Madame. Meubles Louis XV, un lit, une commode et des fleurs à profusionUn seul moment : le soir.Trois personnages : Madame et ses bonnes, deux sœurs, Claire et Solange,Le texte proprement dit commence à la page 15 et se termine à la page 113., soit 98 pages de texte dramatique.Dans les 17 premières pages, Claire, en combinaison puis en robe du soir rouge, joue le rôle de Madame qui se fait habiller pour une grande soirée par Solange, en petite robe noire de domestique et gants de caoutchouc. Elle joue le rôle de sa sœur Claire.Au début Claire/Madame, houspille Solange, sa bonne, qui s’humilie puis qui se rebiffe et enfin qui se révolte et lui crie sa haine et son envie de l’étrangler. Claire/Madame : « Et ces gants ! Ces éternels gants ! Je t’ai dit souvent de les laisser à la cuisine. C’est avec ça sans doute que tu espères séduire le laitier. Non, non, ne mens pas, c’est inutile. Pends-les au-dessus de l’évier. Quand comprendras-tu que cette chambre ne doit pas être souillée ? Tout, mais tout ce qui vient de la cuisine est crachat. Sors. Et emporte tes crachats. ! Mais cesse ! »Solange/Claire : « Je vous hais ! Je vous méprise. Vous ne m’intimidez plus. Réveillez le souvenir de votre amant, qu’il vous protège. Je vous hais ! Je hais votre poitrine pleine de souffles enbaumés. Votre poitrine…d’ivoire ! Vos cuisses…d’or ! Vos pieds…d’ambre ! (Elle crache sur la robe rouge.) Je vous hais ! »La sonnerie d’un réveil les arrête. Les deux actrices reprennent leusr rôles de sœurs au service de leur maîtresse qu’elles admirent et détestent à la fois. Elles craignent maintenant son arrivée imminente et Claire reprend sa panoplie de domestique. Elles sont lasses et nerveuses et se reprochent mutuellement de n’avoir pas réussi à mener jusqu’au bout leur petite mise en scène
Dans les 33 pages suivantes : elles attendent l’arrivée de Madame avec anxiété car Claire vient de dénoncer Monsieur, son amant qui a été arrêté, sans plus de précisions. « Elle peut en mourir. Ce matin elle ne tenait plus debout. Tant mieux. Qu’elle en claque. (…) Sa beauté ! Ses diam’s ! C’est facile d’être bonne quand on est une bonne !...Mais être bonne quand on est bonne ! On se contente de parader pendant qu’on fait le ménage ou la vaisselle.»Elles se chamaillent par énervement. Elles s’accusent mutuellement de méfaits concernant leur vie avec Madame et son amant, couple autour duquel tournent leurs rêves d’évasion et leurs désirs d’amour et de meurtre à la fois. Un coup de téléphone leur apprend que Monsieur est remis en liberté provisoire et reverra Madame. Elles sont furieuses et s’affolent craignant que leur méfait soit découvert. Elles décident d’empoisonner leur maîtresse en mettent du gardénal dans son tilleul du soir.
Dans les 25 pages suivantes, Madame se lamente et veut suivre son amant jusqu’au bagne. Elle donne tous ses vêtements à ses bonnes qui essaient de lui faire boire le tilleul empoisonné mais quand elle apprend la mise en liberté de Monsieur, elle reprend son rôle de maîtresse toute puissante et court le rejoindre, ne laissant plus à ses domestiques que les fleurs de sa chambre !
Dans les 23 dernières pages, les deux sœurs, à nouveau seules, reprennent leur jeu de rôle du début avec encore plus d’exaltation. Elles s’attendent à leur tour à être envoyées au bagne pour dénonciation calomnieuse.C’est alors que Claire demande à boire le tilleul empoisonné.« Nous sommes tout au bord. Solange. Nous irons jusqu’à la fin. Tu seras seule pour vivre nos deux existences… Et surtout, quand tu seras condamnée, n’oublie pas que tu me portes en toi. Précieusement. » Elle prend la tasse et boit cependant que Solange, face au public, reste immobile, les mains croisées comme par des menottes. Rideau
C’est un huis clos étrange, violent, cruel, troublant mais éternel sur le thème récurrent du valet et de son maître, de la soumission et de la domination. Une révolte domestique dans un lieu feutré, une explosion de haine et de séduction avec la mort donnée ou voulue comme seule délivrance entrevueIl me reste à voir jouer cette pièce un jour. C'est ma première participation au challenge théâtre de Leiloona
Pour ceux qui veulent aller plus vite, voici le meilleur plus court résumé trouvé jusqu’ici, celui d’Antoine, Mon coin lecture
« Solange et Claire sont deux soeurs au service d’une bourgeoise. Pendant l’absence de leur maîtresse, elles jouent des rôles : Claire celui de “Madame” et Solange celui de Claire. Sans que l’on sache pourquoi, Claire a rédigé des lettres d’accusation qui ont conduit “Monsieur” (l’amant de “Madame”) au bagne. Celui-ci allant être libéré, les deux soeurs veulent se protéger en empoisonnant leur maîtresse. »Les bonnes de Jean Genet
(Folio, 1947/1976,113 p)