La première phrase lance l'idée générale, qui est double. « Un pharisien l'invita à sa table. » Le repas évoque nécessairement le partage et l'on s'étonne de ces avances faites à Jésus par un pharisien. Est-ce dans un sentiment amical ? Qui donc est cet homme qui invite ? C'est la première intention du texte. La seconde est évidemment liée à l'antithèse des deux personnages : on peut s'attendre à la reprise d'une de ces interminables querelles de rabbi et à une forme de conspiration : le pharisien épie Jésus est guette ses défaillances.
L'irruption de la femme perturbe le déroulement du repas mais enflamme la double interrogation sur les personnes de Jésus et du pharisien. Il y a peut-être du désordre dans la succession des plats mais pas dans les idées. La nouvelle venue, sans le savoir, fournit la clé à ces deux énigmes.
La femme fait donc son entrée et se livrent aux démonstrations incompréhensibles de sa ferveur. Surpris et probablement choqué, le pharisien observe la scène. Mais il ne chasse pas la femme tandis qu'elle se livre à ce qu'il juge être des obscénités. En fait, elle ne l'intéresse pas. Son cas est clair : elle est hors la loi et n'attire plus de sanction particulière. C’est Jésus qu'il observe, avec le désir permanent de le prendre en défaut. Justement, la prostituée lui en fournit l'occasion. Car Jésus, inconscient, semble-t-il, accepte le contact avilissant. Et le pharisien tire la conséquence : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu'elle est : une pécheresse. »
Soit, il n'est pas prophète ! Et il faut même qu'il soit franchement aveugle pour ne pas identifier immédiatement la créature : les cheveux dénoués (marque d’indécence dans la société juive du premier siècle), les parfums, l'entrée intempestive, l'audace des manières, c'est assez caractéristique, non ?
Cependant, où Jésus prophétise, c'est en devinant, une fois de plus, les pensées que le pharisien roule en sa tête. D'où le ton secret et qui semble rejoindre cet homme dans ses réflexions tacites : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. » Mais n’est-il que prophète ? À la fin de l'épisode, nul ne répétera la question initiale : Jésus aura posé des actes qui dépassent largement cette vénérable fonction biblique. L'interrogation sur sa personne s'égare, ne sachant plus où prendre ses appuis : « Qui est cet homme qui va jusqu'à remettre les péchés ? » Intimidée, l'assemblée suspend ses jugements, au seuil d'un mystère entrevu, comme vaste pour elle.