Chronique du lundi 14 juin 2010.
La mécanique des Tournées est vieille comme le monde et commence sérieusement à m’ennuyer. Il n’y a rien à espérer de ces matchs qui se situent au moment de partir en vacances pour l’hémisphère nord et au moment d’un pic physique pour l’hémisphère sud. 66 points encaissés par l’Irlande, 42 points par la France, 27 points encaissés seulement par l’Angleterre mais après un 20 à 0 qui a vu les Australiens gérer leur fin de match, qu’y a t’il à attendre de matchs aussi déséquilibrés ? Tentative d’explication…
Les Tournées ne sont pas équitables :
Que ce soit en novembre ou en juin, les Tournées ne permettent pas aux équipes de se montrer sous leur meilleur jour. A l’automne, ce sont les équipes de l’hémisphère Sud qui arrivent en fin de saison et, entre les blessés et les joueurs qui ont du mal à se remotiver, qui n’ont pas la capacité de proposer leur meilleur rugby. En juin, ce sont, en revanche, celles de l’hémisphère nord qui sont au bout du rouleau parce que les joueurs Européens ( Français et Anglais surtout ) jouent plus que leurs adversaires et ont du mal à rester dans une forme acceptable au moment d’affronter des adversaires qui, plus est, en sortant du Super 14, sont quasiment sur un pic de forme physique avec une explosivité qui a pu profiter de la combinaison idéale, préparation physique plus une dizaine de matchs où le rythme est soutenu.
Ces déséquilibres, entre le niveau des 2 hémisphères selon ces 2 périodes de l’année, font que, en plus de proposer un cadre de compétition transparent, les tests matchs accouchent souvent d’une frustration en termes de jeu. Si vous êtes supporters de l’équipe de France, vous avez, bien sûr, aimé la victoire de Toulouse en novembre dernier. Mais si vous êtes un spécialiste du rugby à l’analyse objective et neutre, vous ne pouvez être que déçu par le niveau de jeu du champion du monde en titre ce jour-là. Pareil pour ce week-end. Le match était plié après 10 minutes et le niveau des champions d’Europe ne pouvait qu’être jugé décevant.
Un tel état de fait est dramatique pour le rugby car même les plus passionnés ne peuvent que se sentir frustrés par des matchs qui ne délivrent pas tout le potentiel que l’on pourrait attendre au vu de la qualité des joueurs sur le terrain. Que faire ? Surtout pas ce que l’International Board vient de décider. Et oui, l’International Board, pour des raisons purement financières, a décidé de revenir à l’ancienne version des Tournées avec matchs de province et un seul pays visité. Ce qui veut dire que si cette règle s’était appliquée pour la Tournée 2010 de l’équipe de France, il aurait fallu jouer un 2ième test contre les Springboks et pourquoi pas un troisième. En étant réaliste et surtout en évitant de passer au travers du début de match, l’équipe de France aurait pu espérer faire jeu égal avec leur adversaire pendant une heure avant de baisser de pied face à des joueurs beaucoup plus frais à ce moment de la saison. Et qu’espérer d’un 3ième test match où l’entraîneur Sud Africain aurait fait tourné son effectif en prévision des Tri-Nations. Et le supporter dans tout ça ? Heureux de voir 3 fois la même opposition pour, peut-être, 3 fois le même résultat. A vous de me dire…
En tout cas ce qui est sûr, c’est que les Tournées en l’état ne sont pas l’avenir du rugby. Il ne faut pas oublier d’où vient ce format. Il date du début du XXème siècle, c’est à dire d’une époque où voyager de Nouvelle Zélande au Royaume-Uni prenait 1 mois en bateau. De même, le principe d’une série de tests enchaînés entre 2 équipes n’est pas la formule la plus moderne qui soit en rugby. Que ce soient les spectateurs ou les joueurs, il devient vite lassant d’avoir les mêmes oppositions et ce d’autant plus que ce type d’affrontement n’a aucune finalité. Les tests-matchs, c’est quoi ? Des matchs amicaux ? Des rencontres pour l’honneur ? Un moyen de marquer des points au classement IRB ? Au moment d’un rendez-vous planétaire aussi incontournable que la Coupe du Monde de football, le système des tests-matchs prend un vrai coup de vieux.
Si des nations comme la Nouvelle Zélande ou l’Australie ont besoin d’argent, il y a de bien meilleures solutions à trouver que d’organiser un tour du pays pour l’équipe en visite comme un vulgaire cirque Fratinoni ou une énième rencontre entre ces 2 pays du côté du Japon ou des Etats-Unis. L’International Board doit avoir une vraie stratégie pour mettre en place une compétition complémentaire à la Coupe du Monde pour enrichir les confrontations entre les 2 hémisphères du rugby et en finir avec des Tournées qui, à l’ère de l’A380, n’ont plus vraiment de sens…
Super 14 contre Top14, un faux débat :
Dire que la défaite de la France face à l’Afrique du Sud est dû à la faiblesse du Top14 face au Super 14 comme l’a, d’une certaine manière, fait l’entraîneur Sud Africain ne correspond pas à la réalité. C’est vrai qu’il y a une différence entre les 2 compétitions mais elle vient d’abord et surtout de la durée de ces compétitions. Le Super 14 dure 2 mois et demi avec une préparation de 1 mois et demi alors que le Top14 s’étend sur 9 mois avec une préparation de 1 mois et demi seulement pour les joueurs internationaux. Mais, en plus de cela, les joueurs des équipes nationales de l’hémisphère sud ont aussi de nombreuses plages de repos entre les compétitions avec notamment, pour certains, la possibilité d’éviter les matchs de province. Ce qui fait, à l’arrivée, une différence de match qui peut aller du simple au double. A certains moment de la saison, comme le mois de juin, c’est un énorme fossé qui joue largement en défaveur de l’hémisphère nord. L’explosivité et la force physique des joueurs Sud Africains, Néo-zélandais et Australiens ne font qu’une bouchée de la fatigue et du manque de vitesse des Européens !
Autre différence, le fameux fait que, comme il n’y a pas la peur de descendre en Super 14, c’est tout bonus pour le jeu, ce qui est censé donner des armes supplémentaires à l’hémisphère sud. Mais c’est justement tout le contraire. C’est l’hémisphère nord habitué des matchs à gros enjeux qui possède un avantage. Rappelez-vous le 1/4 de finale de Cardiff où les néo-zélandais s’entêtaient à marquer un essai alors qu’ils étaient en position idéale pour réussir le drop qui aurait tout changé. Et puis surtout, jusqu’à preuve du contraire, dans une Coupe du Monde c’est toujours la force de la défense qui permet de prétendre au titre de Champion du Monde car pour remporter les rencontres il faut commencer par prendre le dessus physiquement sur l’adversaire et c’est généralement la défense qui s’y prête le mieux. C’est vrai que les joueurs de l’hémisphère sud ont une compétition idéale pour avoir du rythme ( multiplication des temps de jeu ), une technique individuelle de haut niveau ( tendance à jouer beaucoup quelques soient les situations ) et une explosivité impressionnante ( compétition courte ). Mais, de l’autre côté, les équipes de l’hémisphère nord comme la France ou l’Angleterre ont d’autres arguments à faire valoir comme la capacité à marquer des points en étant opportunistes, l’organisation défensive et surtout à se surpasser dans des conditions extrêmes.
Les joueurs du Super 14 sont de magnifiques athlètes mais pas toujours des joueurs de rugby. Une compétition comme le Super 14 est trop artificielle pour permettre à ces joueurs de véritablement progresser. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce sont les Sud Africains qui sont champion du Monde. Leurs joueurs ont la chance de disputer une autre compétition, la Currie Cup, où la victoire vaut cher et où l’engagement physique et mental est total. C’est peut-être plus dans la complémentarité entre ces 2 compétitions, ajouté à un nombre de matchs joués qui reste correct, qui fait des joueurs Sud Africains des champions du Monde en puissance en ce mois de juin 2010…