crédit illustration : wikipédia
« Liberté, Egalité, Fraternité» ; devise officielle de notre pays depuis la IIIème République, elle constitue également le socle de valeurs auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés.
Si d’un côté la promotion de la liberté individuelle peut entraîner une inégalité statutaire par la préférence de satisfaction de son intérêt propre, de l’autre un excès d’égalitarisme peut remettre en cause la liberté individuelle. Ce dernier point, largement développé par Tocqueville, constitue d’ailleurs le prélude à l’existence d’une opinion publique « A mesure que les citoyens deviennent plus égaux, le penchant de chacun à croire un certain homme ou une certaine classe diminue, la disposition à croire la masse augmente et c’est de plus en plus l’opinion qui mène le monde »1.
La fraternité en tant que principe moral constitue alors la valeur permettant de lever l’apparente difficulté de conciliation entre liberté et égalité.
Quelles sont les valeurs auxquelles les Français attachent le plus d’importance ?
Lorsqu’on leur présente les trois valeurs fondatrices de la République Française, c’est d’abord vers la liberté que se porte l’attention la plus forte (47%), devant l’égalité (36%) ; la fraternité n’arrive que loin derrière (14%)2 .
Ce constat pouvant paraître étonnant en pleine crise économique et alors que les différentes catégories de population pouvant sembler particulièrement privilégiées essuient des polémiques sur leur train de vie ou leur rémunération (traders, footeux et dernièrement Ministres du Gouvernement). Tout se passe comme si, dans l’opinion, les difficultés de la crise sociale et les mesures d’austérité annoncées rendaient plus insupportables les avantages de certains hyperprivilégiés. Pourtant, la liberté arrive assez nettement devant l’égalité et la fraternité.
A noter, de manière moins étonnante, que les sympathisants de droite, dans une tradition libérale, se montrent nettement plus attachés à la liberté (53%) qu’à l’égalité (30%).
Une liberté en déclin
Cette liberté paraît néanmoins précaire puisque une majorité estime qu’elle s’estime de moins en moins libre depuis une dizaine d’années (55%). Ce sentiment est particulièrement marqué chez les sympathisants de gauche (63% contre « seulement » 46% des sympathisants de droite).
Ce sentiment, largement partagé, se décline de manière différente selon la catégorie sociale.
Quand les professions et catégories sociales inférieures (PCS -) mettent en avant l’augmentation des restrictions et des interdits (53%) ainsi que les contrôles radars (49%), les PCS + soulignent les liens ténus entre les médias et le pouvoir économique et politique (45%).
D’une manière générale, le nombre croissant de restrictions, d’interdits et de recommandations dans la vie quotidienne constituent les éléments marquants de ce recul de liberté (48%). Ce sentiment est particulièrement prégnant parmi ceux qui se sentent « de moins en moins libres » (55%). La politique de lutte contre l’insécurité routière, évoquée dans une précédente analyse, et symbolisée par les contrôles radars de plus en plus fréquents, apparait également comme un élément majeur de cette diminution de liberté (40%).
Internet, dernier espace de liberté ?
Dans ce constat plutôt pessimiste, Internet peut se targuer d’apparaître comme le vecteur principal de progression des libertés (40%). Il est notamment cité en priorité par les (rares) personnes constatant un accroissement des libertés (47%).
Ce sentiment n’est pas une spécificité française : une étude menée auprès de 27.000 adultes au sein de 87 pays souligne cette même tendance3. Ainsi, près de quatre adultes sur cinq considèrent une connexion à Internet parmi leurs droits fondamentaux (79%). 87% des Internautes estiment même qu’elle devrait faire partie des droits fondamentaux de tous les peuples. Nos amis Sud Coréens (96%), Mexicains (94%) et Chinois (87%) se montrent les plus intraitables sur la question.
La plupart des Internautes se montrent élogieux quant aux évolutions permises par le net dans leur vie quotidienne, mettant notamment en avant la possibilité d’apprentissage offerte par ce support (90%), la plus grande liberté offerte (78%), un meilleur accès aux informations (47%), et la possibilité de créer du lien social (32%).
Néanmoins, dans certains pays, une majorité ne considère pas pouvoir encore exprimer leurs opinions en toute sécurité. C’est le cas de la Corée du Sud (70%), de l’Allemagne (72%), de la France (69%) et du Japon (65%). Notre pays paraît donc encore loin d’être convaincu par la liberté offerte par Internet : les Chinois 42%) sont ainsi nettement plus nombreux que les Français (28%) à considérer qu’Internet est un espace sûr pour la liberté d’expression.
Face à cette absence de liberté, plus de la moitié des Internautes interrogés (53%) se montre opposée à une régulation du réseau, et ce par quelque structure gouvernementale que ce soit. La France apparaît ici à contre courant avec une courte majorité (52%) souhaitant cette régulation.
Une progression des inégalités
La société française est également perçue comme plus inégalitaire qu’il y a 10 ans. Ce constat est plus particulièrement marqué parmi les sympathisants de gauche. Comme on pouvait l’imaginer, le prisme économique reste prégnant avec le salaire comme principale variable d’inégalité (52%), variable dont l’importance paraît encore accentuée parmi les Français soulignant la croissance des inégalités (60%).
Une chute violente de la fraternité
Peut-être une des conséquences morales de la crise économique, la fraternité parait plus que jamais en déclin : 60% des personnes interrogées la jugent moins présente dans notre pays depuis une dizaine d’années. Ce sentiment est présent dans les mêmes proportions parmi les sympathisants de droite ou de gauche.
Parmi les principales raisons de ce reflux, les conditions de vie, perçues comme difficiles, inciteraient les gens à se replier sur eux-mêmes (47%), la crise économique rendrait également les gens moins solidaires et plus individualistes (46%). Le travail associatif représenterait ici le principal renfort contre cette baisse de fraternité (42%).