Ce lundi, Nicolas Sarkozy tentera enfin de rencontrer Angela Merkel, à trois jours de la tenue d'un nouveau Conseil européen. Il laissera à Fillon et Woerth le soin de dévoiler la réforme des retraites.
Sarko, gaffeur à l'étranger
La semaine qui débute sera très internationale pour le Monarque. Il y a 8 jours, la chancelière allemande avait planté son homologue français à la dernière minute. Avant de partir pour Berlin, Nicolas Sarkozy rencontre le président de l'Autorité palestinienne. Ce dernier était aux Etats-Unis la semaine dernière. L'assaut de la flottille humanitaire de la Paix par l'armée israélienne voici 15 jours a laissé des traces. La France fut bien timide dans ses récriminations. Mardi, il rencontrera le premier ministre turc. La Turquie a largement durci son attitude envers Israël depuis 15 jours. Elle a même refusé de voter de nouvelles sanctions contre l'Iran la semaine dernière à l'ONU.
Mais le vrai souci de Sarkozy est ailleurs. Le Financial Times a accusé Sarkozy d'avoir annulé lui-même sa rencontre du 7 juin dernier avec Angela Merkel. La raison ? Sarkozy n'était pas prêt, et n'avait pas suffisamment préparé ses dossiers sur la gouvernance économique et la régulation bancaire. Si la nouvelle n'invalide pas les commentaires sur la mésentente franco-allemande du moment, elle aggrave la position française. Comme l'écrivait le Figaro, «un simple dîner pourrait devenir un incident diplomatique». Sarkozy a aussi critiqué le plan d'austérité allemand, de 80 milliards d'euros d'ici 2014: «Si nous rajoutons de l'austérité à de l'austérité, nous irons vers la récession» aurait déclaré notre Monarque.
Fillon et le sale boulot.
Samedi 12 juin, François Fillon a enfin confirmé l'ampleur des mesures d'austérité : 45 milliards d'euros d'économies ont été promises devant un parterre de nouveaux adhérents à l'UMP salle Gaveau, dans le 8ème arrondissement de Paris. Pour respecter la barre des 3% du PIB en 2013, François Fillon a rappelé qu'il fallait réduire le déficit public de 100 milliards d'euros. Le premier ministre table sur 50 milliards d'euros de recettes supplémentaires grâce à la reprise: «au fur et à mesure que la croissance revient, les recettes recommencent à croître». Restent 50 milliards à trouver dans les dépenses, dont 5 seulement dans les niches fiscales. Fillon a ses idées, mais ne dévoile rien.
Sur les retraites, il travaille sa rhétorique: «Il serait lâche de notre part de dire aux Français que leur retraite pourrait être assurée sans prolonger la durée d'activité et sans toucher à l'âge légal et au symbole des 60 ans» N'est-il pas lâche de n'exiger des efforts qu'aux salariés des classes populaires et moyennes ? Le premier ministre a promis de l'équité («Certains de nos concitoyens ont commencé à
travailler très jeune, et bien je veux dire que nous continuerons à prendre en compte ce critère»), et de la vérité («La vérité, elle est implacablement liée au défi démographique que nous devons relever. Et ce défi exige de travailler plus longtemps, et donc d'augmenter la durée de cotisation et l'âge d'ouverture des droits»).
Samedi, Fillon faisait vraiment le sale boulot. Il devait accueillir des nouveaux adhérents de l'UMP, caméra en face, ministres à ses côtés. Il a rappelé la première priorité de la mandature sarkozyenne : restaurer la compétitivité du pays en desserrant les carcans (des 35 heures, de la taxe professionnelle, des rigidités universitaires, de l'impôt sur les droits de succession, etc, etc...). Samedi, Fillon était-il encore premier ministre du pays, ou simple fidèle second du parti présidentiel ? «Dans l'épreuve, nous avons besoin d'unité nationale plutôt que de chamailleries partisanes.» Ou encore : «il faut travailler plus, il faut travailler mieux, il faut dépenser moins.» Il y a sept ans presque jour pour jour, le 10 juin 2003, François Fillon alors ministre des Affaires Sociales, présentait sa réforme des retraites à l'Assemblée nationale. Déjà, il se félicitait d'une concertation inédite («Je n'ai aucun exemple d'une réforme économique et sociale ayant fait l'objet, dans un passé récent, d'un tel dialogue»). Déjà à l'époque, il utilisait les mêmes formules («il n’y a pas d’autre choix que de travailler plus et mieux si nous voulons préserver nos acquis sociaux et notre position dans le monde») et les mêmes arguments: il promettait que l'allongement de la durée de cotisations (de 37 ans et demi à 40 puis 41 ans) allait favoriser l'emploi des seniors: «en privilégiant l’allongement de la durée de cotisation pour assurer le financement des retraites, c’est en quelque sorte un marché que nous leur proposons : si les entreprises ne favorisent pas cette mutation des esprits et des pratiques en faveur de l’emploi des seniors, il n’y aura pas d’autre choix qu’une hausse drastique de leurs charges pour financer les retraites.» Que s'est-il passé en 7 ans malgré ces belles déclarations ? Le chômage réel a augmenté (avant la crise de 2008), le taux d'activité des seniors a stagné (37% des 55-64 ans occupaient un emploi en 2003. Ils étaient 38% en 2008).
Pour l'avenir, Fillon propose en fait du «sang et des larmes.» On pouvait lire dans le Journal du Dimanche ce week-end un story-telling fascinant censé alimenter le suspense de la réforme des retraites. Le premier ministre, soutenu par le cumulard Jean-François Copé, défend l'allongement le plus long : 63 ans au lieu de 60 ans, ce qui induirait mécaniquement un report similaire de l'âge de la retraite à taux plein vers les 68 ans. L'aile «sociale» de la droite umpiste s'inquièterait. Déjà, la fameuse taxation supplémentaire sur les hauts revenus à plus de 11 000 euros est abandonnée car elle pénaliserait les cadres supérieurs. «Certains revenus vont être durement amputés, il ne faudrait pas perdre sur tous les tableaux» a déclaré un ministre anonyme.
Sarkozy risquerait donc de perdre sur tous les tableaux ? Pauvre Monarque.
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