La police n'a eu aucun mal à retrouver les auteurs de ces mails qui d'ailleurs étaient signés. Certains des accusés étant eux-mêmes anciens fonctionnaires, qu’ils étaient indignés mais qu’il ne leur viendrait pas à l’esprit de s’attaquer à la personne du fonctionnaire.
Le premier avocat de la défense est un peu dépité. Son client a fait le voyage depuis les Charentes mais le Préfet au tout dernier moment a renoncé à poursuivre. "Cela me rappelle une triste époque où on enfermait des enfants dans des wagons pour les envoyer en Allemagne. Bonne journée !" Le docteur Soares a bien agacé le préfet mais en le relisant plusieurs fois, celui-ci s’est peut-être dit que devant un prétoire, les fenêtres laissant entrer l'air frais de cette fin de printemps, le style du docteur allait manquer de nervosité. L'avocat plaide quand même. C'est intéressant d'écouter la défense d'un innocent. C'est reposant. On n'a même pas à se demander qui a raison. On se dit qu’il faut être malin lorsque l’on écrit au préfet. Avec ce genre de petit jeu, on peut se retrouver vite fait au commissariat à devoir répondre à des questions sémantiques, ce qu’on a voulu dire par là, qui on fréquente, ce qu’on pense... Pour quelques semaines plus tard, faire sa petite valise pour passer la journée sous le soleil riant du tribunal de Pau, s’entendre de façon un peu lassante répéter à quel point les traditions béarnaises sont accueillantes pour les étrangers.
La deuxième avocate entame la partie avec un filet de voix très mince. C'est un bonheur de l'entendre s'affermir. La petite famille qui est à l'origine de toute cette affaire, après avoir épuisé toutes les voies de recours, déboutée de toutes parts, figurez-vous que c'est grâce à l'intervention de Mme Alliot-Marie qu'elle a fini par être régularisée. Est-ce que finalement cela ne sert pas un petit peu de malmener quelques susceptibilités ? N'a-t-on pas donné raison aux protestataires ? L'avocate s'interroge sur le sens des mots concernant le droit des étrangers, tout un vocabulaire utilisé par l'administration qui devant la Cour internationale des Droits de l'Homme parvient enfin traduit et retrouve son véritable sens : placé en centre de rétention = emprisonné, éloigné = expulsé, etc.
La troisième avocate défend une jeune femme qui a écrit au préfet : "Je demande que cesse le scandale des rafles, (...)" Maître Dominique Noguères déclare tout de go que c'est un procès politique que l'on fait ici. On n'a pas le courage de s'attaquer à RESF, on veut faire peur à ceux qui seraient tentés de soutenir son action. La référence historique est naturelle : l'occupation est la seule période de notre histoire où des enfants ont été traités de manière comparable. L'accusée, interrogée sur la police sur son mail, indique que pour elle, le sens du mot est celui que donne le dictionnaire. Il n'implique pas une comparaison avec la France de Vichy.
Le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 12 août. Pour ce qui est des peines encourues, je ne sais pas. Sur le moment, j'avais cru comprendre que les accusés risquaient une peine avec sursis et une amende de 1000 €.
Je le sais, vous seriez malheureux si je ne vous proposais l'indispensable pétition . Pour les exaltés, il est possible d'affirmer votre soutien par un chèque.
photo : Romana Klee