Actuellement, il y a des gros titres sur les propos prétendument antisémites de la doyenne des correspondants de presse de la Maison-Blanche, Helen Thomas. Les spécialistes de tout les Etats-Unis marquent leur indignation devant sa déclaration impromptue de 25 secondes faite un homme qui lui braque une caméra en pleine figure.
Thomas a présenté ses excuses publiques pour ses paroles, mais cela n’a pas suffi pour apaiser les sentiments exacerbés de ses puissants antagonistes et elle a dû prendre sa retraite, après une longue et brillante carrière.
Avant d’examiner ses propos et d’évaluer leur bien-fondé ou non, voyons d’autres évènements, très récents, qui concernent Israël.
Le 31 mai, des commandos israéliens ont tué au moins neuf bénévoles non armés qui tentaient d’amener de l’aide humanitaire à Gaza.Selon les témoignages et les preuves médico-légales, beaucoup de ces bénévoles ont été tués à bout portant, dont un jeune citoyen américain de 19 ans, tué de quatre balles dans la tête et une dans la poitrine, tirées à 18 pouces (45 cm).
Israël a immédiatement emprisonné les témoins et des centaines d’autres participants humanitaires, leur confiscant caméras, ordinateurs portables, et tous les objets qu’ils possédaient, et les a empêchés de parler à la presse pendant des jours. Parmi les personnes incarcérées, il y avait des vétérans américains décorés, et un ancien ambassadeur de 80 ans qui fut autrefois directeur adjoint du Cabinet de travail pour la Lutte contre le Terrorisme, sous l’administration Reagan.
Quand finalement ils ont été relâchés et qu’ils ont pu raconter ce qui leur était arrivé, beaucoup ont décrit des scènes d’horreur, de commandos israéliens tirant dans la tête des humanitaires, de personnes se penchant sur un blessé au ventre, de gens baignant dans leur sang jusqu’à mourir pendant que les humanitaires brandissaient des drapeaux blanc et demandaient à les secourir.
Ils ont dit aussi qu’ils avaient été frappés avec violence par les forces israéliennes, encore et encore - y compris ceux à bord des navires où, de l’avis des médias US, il n’y eut « aucune violence ».
Un homme de 64 ans, un accordeur de pianos de Californie, Paul Larudee, parle de centaines de commandos israéliens qui se sont lancés à l’abordage de son navire. Alors qu’il refusait de coopérer avec eux, les soldats l’ont roué de coups, d’abord sur le navire, ensuite quand il a été emprisonné, à terre.Finalement, il a été transporté par ambulance vers un hôpital israélien. Mais il n’y a pas été soigné, Larudee pense qu’il y a été transféré simplement parce qu’Israël ne voulait pas que la presse le voit avec son œil noir, ses articulations déboîtées, ses mâchoires meurtries et son corps couvert d’ecchymoses.
Le vétéran des Marines, Ken O’Keefe, a parlé des mêmes violences pendant sa détention par les Israéliens. Dans son cas, le public a pu voir son visage ensanglanté, meurtri, dans des clips vidéo et sur des photos, mais seulement sur Internet car les grands médias américains ont failli couvrir sa conférence de presse ou publier les nombreuses photos de ses blessures.D’autres photos tout aussi macabres, à la disposition du public états-unien mais seulement sur Internet, représentent une étudiante américaine de 21 ans dont l’œil et son orbite venaient d’être crevés par les forces israéliennes. On lui a depuis retiré le globe oculaire et posé trois plaques métalliques sur le visage, et sa mâchoire est fermée par un fil.
Henechowics, elle, n’était pas sur la flottille ; elle participait à une manifestation non violente contre l’agression israélienne quand un soldat israélien lui a lancé une grenade lacrymogène à grande vitesse en pleine figure.Un citoyen suédois, qui était avec Henochowicz, témoigne : « Ils nous ont bien vus. Ils ont bien vu que nous étions des internationaux et ils nous regardaient vraiment comme s’ils essayaient de nous frapper. Ils ont lancé de nombreux lacrymogènes sur nous à un rythme rapide. Deux sont tombés de chaque côté d’Emily, et un troisième en plein dans sa figure. »
Henechowics n’est pas la première personne avoir été touchée par de telles grenades lacrymogènes.
Un Palestinien, Basem Ibrahim Abu Rahmed, trente ans, a été tué par un soldat israélien qui lui a lancé à bout portant une de ces grenades alors qu’il participait à une manifestation contre la confiscation de terres agricoles palestiniennes par les Israéliens. Une vidéo des faits est également disponible sur You Tube ; les réseaux US ont également fait le choix de ne pas la diffuser. Un Californien, Tristan Anderson, a été touché à la tête par une grenade similaire alors qu’il prenait des photos dans une autre manifestation. Une partie du cerveau d’Anderson lui a été retiré, et il est resté « quasi inconscient » pendant 6 à 7 mois.Il est maintenant dans un fauteuil roulant, il ne peut presque pas bouger son bras et sa jambe gauches, il est aveugle d’un œil, et son fonctionnement mental est considérablement réduit. Des photos de la scène du tir sont également disponibles sur Internet.
Depuis au moins 2006, les forces israéliennes isolent la bande de Gaza du reste du monde, essentiellement en emprisonnant un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants, leur refusant des produits alimentaires, des médicaments, et les matériaux de construction, ainsi que nous en informent des organisations comme Amnesty International, Oxfam, et Aide Chrétienne, qui déclarent qu’Israël utilisent la nourriture et les médicaments comme une arme.
L’une des innombrables victimes de ce siège illégal est Taysir Al Burai, 5 ans. Taysir souffre d’un trouble neurologique aigu et a besoin de soins 24 h sur 24. Selon The Gardian de Londres, il pourrait guérir si Israël lui permettait de partir de Gaza, mais à ce jour, les demandes répétées de ses parents ont toutes été refusées. Autre victime, Mohammad Khader, 7 mois, dont l’œdème au cerveau nécessitait un traitement spécialisé non disponible dans les hôpitaux de Gaza, démunis par le siège israélien. Les demandes de ses parents, complètement désemparés, pour les autoriser à aller à l’étranger ont été de la même manière toutes refusées. Leur petit enfant est mort, il y a quelques jours.Et de tels récits, il y en existe, encore et encore...
La déclaration « indigne » de Thomas
Pourtant, la rage qui se manifeste dans les médias des Etats-Unis est motivée par rien de tout cela. On tue des êtres humains d’une balle dans la tête, on leur écrase les yeux et une partie de leur cervelle, on frappe des personnes âgées, on provoque chez des petits enfants et des nourrissons des souffrances et la mort, des parents pleurent, mais rien de tout cela ne provoque la plus petite colère. En réalité, tout cela est considéré comme trop peu important, pas assez pour le publier.
Par contre, les articles des médias dégorgent d’indignation devant les propos « anti-Israël » prononcés par la vieille dame de 89 ans, Helen Thomas.
Dans le temps de vie de Thomas, Israël a nettoyé, ethniquement, plus d’un million de personnes, les a remplacées par des colons venus du monde entier, il a perpétré des dizaines de massacres, torturé des milliers de personnes, tué et mutilé un nombre incalculable d’enfants, coupé des membres, outragé des femmes, des personnes âgées, des déficients et des infirmes.
Il a assassiné des gens dans le monde entier, envahi de nombreux pays, espionné les Etats-Unis, tué et blessé 200 militaires américains (l’anniversaire est cette semaine), et torturé et emprisonné des Américains. Tout cela alors qu’il recevait plus d’argent américain qu’aucun autre pays de la terre.
Pendant des années, bien avant de tenir ses propos, Thomas a été la cible de ces partisans américains d’Israël malfaisants, la blogosphère sioniste regorge de ses calomnies nauséeuses à propos de son look et de son ascendance libanaise, celle-ci étant régulièrement soulignée par les médias, bien qu’elle ait vu le jour et été élevée dans le Kentucky.
Une des raisons de cette animosité féroce à son égard est le fait que Thomas est l’une des rares journalistes de tout premier plan à défier les mensonges proférés par ces néocons qui ont conduit les Etats-Unis dans des guerres qui ont semé massivement la mort, la destruction et la tragédie, et qui continuent à initier les politiques en cours, de violence et de cruauté.
Alors que ces mêmes groupes et individus qui avaient poussé les Etats-Unis à attaquer l’Iraq ont ces dernières années multiplié leurs efforts pour qu’ils déciment de la même manière les Iraniens au prétexte que l’Iran pourrait développer l’arme nucléaire, les questions que Thomas posait à Obama visaient à obtenir de lui qu’il reconnaisse qu’Israël possédait déjà l’arme nucléaire. Alors que le reste de la presse conspirait pour étouffer ce fait et bien d’autres, Thomas travaillait à le mettre en avant.
Sans surprise, de nombreuses personnes complices de ces manipulations, tel que l’ancien porte-parole de Bush, Ari Fleisher, ont mené la charge contre elle.
Il est utile de regarder la vidéo et le contexte dans lequel Thomas a tenu ses propos prétendument « antisémites ».
Un homme, tenant apparemment sa caméra droit sur son visage, lui demande de prononcer quelques mots sur Israël. Elle dit, « Dites-leur [aux juifs israéliens] de dégager de la Palestine. Rappelez-vous, ce peuple est occupé. Et c’est sa terre... ». Il l’interrompt et lui demande où ils devraient aller. Elle répond : « Qu’ils rentrent chez eux, en Allemagne, en Pologne, en Amérique, et partout ailleurs ».
Bien que Thomas ait présenté depuis ses excuses pour ses paroles hâtives et que beaucoup d’Israéliens ont le droit de vivre là où ils sont, la réalité est que les colons israéliens, effectivement, viennent d’ailleurs ; ils occupent, en fait, illégalement la terre palestinienne (un fait reconnu même par le département d’Etat des Etats-Unis) ; et le droit international exige qu’ils partent.
De nombreux commentateurs font preuve d’une colère particulière parce que Thomas a inclus l’Allemagne et la Pologne dans les endroits où les colons israéliens devraient retourner, suggérant que Hitler est toujours puissant et qu’il attend son heure.
Le fait heureux cependant, est que la Deuxième Guerre mondiale et l’holocauste nazi se sont terminés il y a beaucoup plus d’un demi-siècle. Dans la Pologne d’aujourd’hui, il y a un renouveau juif dynamique avec une Menorah haute de dix pieds éclairée dans le centre de Varsovie durant la fête de Hanoukah, et l’Allemagne est devenue, selon le New York Times, « un pays où les juifs veulent vivre ». En réalité, ces dernières années, les juifs ont préféré immigrer en Allemagne plutôt qu’en Israël.
L’appel de Thomas au retour des colons en Amérique (cette destination a été omise dans bien des articles) est loin d’être outrancier étant donné que de nombreux colons de Cisjordanie viennent effectivement des Etats-Unis.
Dans l’ensemble, la couverture de l’incident s’est largement écartée de la pratique journalistique normale qui veut que l’on cite les deux protagonistes à un différend. Ceux qui soutiennent Thomas y sont complètement absents, même si You Tube montre une vidéo infâme mais présentant de nombreux commentaires lui apportant un soutien. Par contre, les détracteurs de Thomas, presque tous des sionistes, sont omniprésents mais généralement, ils ne parviennent pas à divulguer les conflits d’intérêts fréquents chez les speakers.
Par exemple, Howard Kurtz du Washington Post, cite Jeffrey Goldberg, sans mentionner que Goldberg est un citoyen israélien qui a servi comme geôlier dans une prison israélienne qui garde en détention des centaines de détenus palestiniens sans aucune charge contre eux, certains ayant été tués de sang-froid par le commandant de la prison.
Les grands groupes de presse ne semblent pas s’être intéressé non plus à l’homme qui prend Thomas en vidéo, le rabbin David Nesenoff, qui a filmé une autre vidéo, offensive, le montrant lui et un autre homme se faisant apparemment passer pour un prêtre catholique bouffon, avec des immigrants mexicains.
De même, des bulletins d’informations qui nous apprennent qu’un lycée a annulé son invitation de Thomas pour intervenir à une conférence de remise de diplômes, ont omis de dire à leurs lecteurs que de nombreux parents de ce lycée, et lycéens, avaient souhaité que Thomas vienne faire la conférence, et omis de dire que ce groupe non cité représentait une majorité dans l’école. Les gens de ce groupe ont créé une page Facebook, « Helen Thomas aurait dû être notre conférencière » et ils y notent :
« Le but de notre groupe est de protester sereinement mais fermement contre le fait qu’une petite minorité ait eu le pouvoir d’imposer sa volonté à un groupe plus large en se lançant, ou en menaçant de se lancer, dans un discours perturbateur. Notre groupe affirme sa confiance dans le débat raisonnable et son sentiment que dans ce scénario, une nette minorité a pu l’emporter sur une grande majorité en dénaturant les questions et le débat. »
On ne sait qui prendra le siège au premier rang qui était celui de Thomas lors des briefings de la Maison-Blanche. Vu les prouesses de la presse actuellement, il est probable que les partisans d’Israël poussent en ce moment un ouf de soulagement.
Alison Weir
11 juin 2010 - The Palestine Chronicle - traduction : JPP
13 juin 2010 - Info-palestine