En l’espace de quelques jours, la polémique industrielle de synthèse sur Christine Boutin aura enflé au point que cette dernière aura été obligée de lâcher son salaire pour la mission qui lui avait été confiée par le président. A présent, ce sont les conséquences de cette controverse qui sont intéressantes.
Au sujet de cette affaire, on pourra tout de même se poser quelques questions.
Ainsi, pourquoi diable l’ex-députée/ex-ministre Boutin a-t-elle accepté une mission aussi fumeuse que celle-là, après s’être fait débarquer avec fracas de son ministère, et une mission qui venait de ce personnage là, qui n’en est pas à son premier coup fourré ?
En effet, une mission sur « la dimension sociale de la mondialisation », c’est particulièrement flou, vague, et surtout, il doit y avoir des piles de dossiers, d’études et de thèses qui répondent déjà à cette question (pour moins cher), surtout dans cette République du Bisounoursland où chaque citoyen est imprégné de l’absolue nécessité de s’occuper solidairement de social, de redistribution et d’égalité et d’émettre son avis à ces sujets…
Et si l’on se rappelle que c’est Sarkozy lui-même qui l’avait placée là, et qui a donc, lui-même, décidé qu’elle serait rémunérée, on ne peut que se demander si le cadeau n’était pas empoisonné : on notera qu’en décembre 2009, tout ceci n’avait déclenché aucune espèce de bronca.
Sans vouloir prêter au Président un esprit à ce point machiavélique, on est cependant en droit de penser que cette mission et cette rémunération dévoilée tout récemment, fort à propos, pouvaient constituer un excellent moyen pour deux choses : flinguer Boutin, ce qui semble réussi, et, correctement utilisée, imposer une révision générale du train de vie des élus.
Pour cette seconde partie, on ne peut pas écarter non plus qu’il s’agit d’un effet secondaire totalement indésirable pour la présidence qui aurait mal calculé. Ce ne serait pas la première fois que nos élites seraient mal conseillées (certaines dissolutions sont là pour le rappeler). Dans ce dernier cas, je ne peux m’empêcher de trouver le déclenchement du débat encore plus savoureux.
Toujours est-il que, factuellement, la question de la rémunération des grosses légumes politiques, question déjà posée il y a quelques jours, revient sur le tapis, avec plus de force à mesure que la crise des déficits publics s’amplifie.
Déjà, on voit poindre d’intéressants articles sur les cumulards de la rémunération. On découvre ainsi qu’une dizaine de ministres bénéficie d’une indemnité de fonction et d’une retraite de parlementaire :
- Henri de Raincourt, 62 ans, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement
- Roselyne Bachelot, 63 ans, ministre de la Santé
- Michelle Alliot-Marie, 63 ans, garde des Sceaux
- Jean-Marie Bockel, 60 ans, secrétaire d’état auprès de la ministre de la Justice et des Libertés
- Michel Mercier, 63 ans, à la Ruralité
- Hubert Falco, 63 ans, aux Anciens Combattants
- Alain Marleix, 63 ans, aux Collectivités locales
- Hervé Novelli, 61 ans, aux PME
- Christian Blanc, 68 ans, qui s’occupe du Grand Paris (le projet pour la ville, pas le super-loto)
- Patrick Devedjian, 65 ans, qui … euh… que… disons… bref, à la Relance. Ne riez pas.
Le mieux, ici, serait de parler, faire parler et faire enfler cette liste de tous ceux qui, cumulards de la République, socialistes de droites ou socialistes de gauche, bouffent à tous les râteliers et ne se gênent donc absolument pas pour piller – il n’y a plus d’autres mots – les finances publiques en utilisant l’argument en béton armé du « C’est Légal » d’autant plus facile qu’en définitive, ce sont eux qui définissent justement ce qui est légal ou pas.
Il est aussi fort intéressant de voir que la question, essentielle, de l’exemplarité des politiciens, que le débat sur la nécessité de faire des efforts visibles et concrets en ces temps difficiles, ne sont plus des débats et des questions rapidement cachées sous le mouchoir de la Démagogie ou du Poujadisme qu’on nous resservait pourtant régulièrement lorsque de timides tentatives avaient lieu.
En gros, dès qu’il s’agissait de sabrer dans les dépenses somptuaires de l’état, de l’Elysée, du gouvernement, il y avait toujours deux ou trois malins, issus du gouvernement, de la majorité, parfois même de l’opposition, un ou deux journalistes pour écrire un papier ou brandir l’argument définitif sur le mode :
Oh, vous savez, ces économies n’en sont pas, cela ne changera rien à la situation car c’est une goutte d’eau dans l’océan, et c’est une mesure démagogue en réponse à un discours poujadiste, enfin voyons.
Argument qui avait, jusqu’à présent, permis d’avorter rapidement l’embryon de débat dans une interruption volontaire d’une grossesse républicaine incestueuse entre ceux qui votent les rémunérations et ceux qui en bénéficient.
Mais la donne, lentement, change : on ne pourra plus s’affranchir encore très longtemps de coupes franches et massives dans les dépenses publiques et ces dernières, qui seront très douloureuses, ne pourront passer sans des applications très sensibles et quantifiables aux plus hauts niveaux.
Et je n’écris pas ceci par poujadisme ou par démagogie, mais bien parce qu’encore une fois, le principe de réalité est en train de rattraper de plus en plus vite la bande de clowns qui nous gouvernent : l’absence consternante de toute réforme d’ampleur en France ces vingt dernières années, et tout particulièrement ces dix dernières semaines, inquiète franchement les marchés financiers, au point que même certains privilégiés du système s’en émeuvent, inquiétude qui va se traduire par une perte retentissante du AAA des bons français – il serait temps – et, avec, la totalité des marges de manœuvre du gouvernement en matière de financement courant.
D’ailleurs, concrètement, la dette française coûte maintenant plus cher à l’Etat (et donc aux contribuables français) que la dette allemande aux Teutons inquiets qui, eux, ont déjà largement commencé le trajet vers la cure d’amaigrissement public.
En voyant naître ce débat, on sent que l’opinion des Français est déjà largement faite, et que, contrairement à la peur panique qui saisit les dirigeants lorsqu’il faut parler rigueur, chaque citoyen du pays a bien compris que les temps à venir allaient être rudes.
Ce serait, littéralement, se moquer d’eux qu’imaginer qu’on va pouvoir remettre à plus tard la question des rémunérations, des cumuls divers et des avantages énormes dont disposent les élus.
De même qu’il va être dangereux, pire, criminel, de s’obstiner à ne pas réformer en profondeur l’ensemble des systèmes sociaux et publics français, minés par des années de laxisme, de démagogie, de gestion calamiteuse et des myriades de prébendes qui forment le béton dont on fait les blocs qui entraînent les mafieux trop bavards au fond des eaux de Sicile.
Il est plus que temps. Il est même probablement trop tard.