Le Moyen Âge. Le jeune Philippe, condamné à mort pour de petites rapines, s’évade de sa geôle d’Aquila et ne parvient à échapper aux soldats à sa poursuite que grâce à Navarre, un chevalier errant accompagné d’un faucon. Navarre dit qu’il a besoin de Philippe pour s’introduire dans Aquila discrètement mais le jeune voleur hésite entre sa dette et sa vie… C’est alors que survient la nuit : Navarre et le faucon disparaissent tous deux pour laisser place à un loup noir et une magnifique jeune femme, Isabeau d’Anjou…
Habituellement, pour ce genre d’histoire où règnent magies et maléfices, les réalisateurs listeraient d’abord les limites technologiques des effets spéciaux avant de commencer à écrire le script – voire, ils écriraient celui-ci en fonction des limitations techniques. Ici, le script a été écrit sans même y penser… puis Richard Donner fit réécrire le scénario de façon à enlever tous les passages purement fantastiques imaginés par l’auteur de départ pour obtenir un récit plus réaliste.
Surprenant, non ? Car d’habitude, c’est plutôt l’inverse qui se produit…
Cette volonté de réalisme, pour autant que ce terme puisse s’appliquer à ce type de récit, se discerne dans les moindres images. Même sans tenir compte de l’absence presque totale à l’époque d’effets de post-production servant à embellir les images – du moins tels qu’on conçoit ces effets de nos jours – l’attitude du réalisateur est pour le moins inattendue, surtout pour une production hollywoodienne, et en particulier dans un tel registre – l’heroïc fantasy.
Ici, par exemple les éclairages sont tous entièrement naturels, sauf bien sûr pour les scènes de nuit – du reste assez peu nombreuses. Il en va de même pour les animaux utilisés, qui auraient pu être des marionnettes au lieu des images de synthèse qu’on verrait de nos jours. Et c’est le même constat pour tout le reste : décors, costumes, armes,… Tous sont parfaitement authentiques, non dans le sens où ils sont tous d’époque mais parce qu’ils ne bénéficient d’aucun trucage – ou bien juste le strict minimum, du reste tout à fait artisanal.
Ainsi, le contraste entre l’histoire et sa réalisation – c’est-à-dire entre le fond et la forme – devient-il assez saisissant. Car tout ce réalisme s’oppose directement à la magie sur laquelle se bâtit tout le récit, sans laquelle il ne pourrait exister. Ladyhawke présente la particularité d’être une histoire de magie où celle-ci demeure invisible, et dont il ne reste que les impressions qu’elle fait à ceux qui en sont témoins – ces derniers ne pouvant à aucun moment être certains que ce qu’ils ont vu est bien la réalité. C’est-à-dire une magie comme elle était décrite, depuis des siècles déjà, dans les récits oraux des troubadours de l’époque.
Voilà comment Ladyhawke s’affirme comme une excellente transposition dans le domaine du cinéma, non d’une légende d’époque – comme la promotion du film l’a affirmé au moment de sa sortie dans les salles – mais bien de la magie d’une époque – celle qui est éternelle car elle ne nécessite aucun effets spéciaux, ou si peu qu’ils en deviennent anecdotiques.
Reste l’histoire en elle-même, qui sent peut-être un peu l’eau de rose, mais comme il s’agit d’une histoire d’amour il aurait été difficile de passer à côté pour commencer…
Ladyhawke, Richard Donner, 1985
Twentieth Century Fox Home Entertainment, 2002
118 minutes, env. 10 €