Magazine Culture

Heathcliff à la Cerisaie ! Une lecture de "la Cerisaie" de Tchékov.

Publié le 13 juin 2010 par Sheumas

L’intrigue de la pièce de Tchékov est relativement simple et en cela particulièrement touchante. Au début du printemps, une famille de nobles désargentés revient à la Cerisaie, domaine familial entretenu par leurs anciens moujiks qui se sont enrichis.

L’époque a changé et même si la maison est encore chargée de souvenirs et d’émotion, il faut songer à la vendre. En effet, plus rien n’est comme avant et un tel domaine ne peut survivre qu’à condition de muter à son tour... Les conseillers ne manquent pas : il faudrait vider les lieux, faire fructifier le capital, abattre les grands arbres, diviser le terrain en lots, construire un lotissement pour accueillir les touristes en vacances... Certains des ex-moujiks ont le sens des affaires et spéculent. C’est même l’un d’entre eux qui finit par acquérir le terrain et qui en tire une gloriole. A l’acte 4 il a des aris de heathcliff quand il prend sa revanche en acquérant les hautes de hurlevent :

« Ne vous moquez pas de moi ! Si mon père et mon grand-père sortaient de leur tombe et pouvaient voir ce qui se passe, comment leur Ernolaï, cet Ernolaï tant battu, illettré, qui allait nu-pieds l’hiver... Comment cet Ernolaï a acheté le domaine le plus beau du monde. J’ai acheté le domaine où mon père et mon grand-père ont été des esclaves... »

Plus pathétique, le plus vieux d’entre eux, Firs, préfère se laisser enfermer dans la propriété et se lamenter sur un monde évanoui. Il sort de sa cachette avant la tombée du rideau. On entend dehors les premiers coups de hache. Il n’appelle personne, il se souvient des maîtres, des usages. Il s’allonge...

C’est, de tous les personnages, celui qui intériorise le plus le tragique, les autres, les ex-propriétaires, ont fini par renoncer. Ils sont partis, libérés d’un poids, après avoir toutefois versé des larmes sur un passé définitivement enfui. 


Retour à La Une de Logo Paperblog