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France Quéré, La pécheresse de Luc 1

Publié le 13 juin 2010 par Walterman

 

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Cet épisode s'incorpore aux récits d'onction relatés par tous les évangélistes, mais Luc prend ses distances par rapport aux trois autres, qui n'offrent entre que les variations dictées à chacun par son génie propre. Ici, tout est changé : le cadre, les circonstances, les personnages, les intentions, l’esprit. La version de Luc combine à parts presque égales les quatre genres que nous avons essayés de définir :

1)   La polémique sur la loi et la grâce, repérable à la présence des pharisiens et au thème de la discussion : comme la femme adultère, la pécheresse est le prétexte d'un débat où elle reste silencieuse.

2)   La fidélité du service, puisque la femme se substitue au maître de maison insuffisant, et accomplit à sa place les rites de l'hospitalité.

3)   La prière de la foi. Ce texte offre des parentés de structure et d'attention avec les récits de l’hémorroïsse de la Cananéenne. La pécheresse arrive en état de supplication, qu'attestent ses larmes et ses gestes repentants. Jésus l’exauce, par le miracle de son pardon, et la congédie avec une formule identique à celle des textes déjà considérés. Nous avons regardé cette similitude comme un indice d'appartenance et inséré la scène à cet endroit de notre étude.

4)   La pécheresse annonce enfin les grandes confessions des onctions de Béthanie, dont elle est un fragment erratique. Car il est aussi vrai de dire qu'elle vient ici gratuitement, pour glorifier Jésus et témoigner par des gestes, éloquents comme des paroles, sa connaissance du Christ. Son geste annonce la passion et adore. Au-delà de toute requête humaine, il prend l'ampleur d'une liturgie et d'une déclaration prophétique.

Ces quatre « niveaux de sens », comme on dit en analyse structurale, s'interpénètrent dans un habile brassage. Leur pluralité cependant ne va pas sans créer quelques turbulences dans la logique du texte. Deux idées en particulier se font concurrence et s'amalgament laborieusement : la prière et la glorification, qu'il est difficile d'ajuster bord à bord. Comment en effet implorer un secours et en même temps ne pas l’implorer ? La célébration suppose une gratuité que la prière dément. Le rédacteur a juxtaposé ces thèmes visiblement sans chercher à les harmoniser ; son texte souffre d'incohérences que nous n'essaierons pas de dissiper, car cela ne pourrait se faire qu'au prix d'une véritable mutilation du récit. Nous y reviendrons.


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