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Jolies Ténèbres

Par Nemotaku
Jolies Ténèbres

Jolies Ténèbres

Jolies Ténèbres, bande dessinée aux dessins remplis de traits enfantins, commence comme une histoire imaginée par une gamine de maternelle. Une jolie fille et son joli prince prennent le thé, le prince faisant la cour à sa princesse quand tout à coup ce beau décor tombe en ruine. Panique. Des tas de personnages fuient dans tous les coins pour se retrouver « dehors », en forêt. Petites créatures de quelques centimètres de haut, elles foulent du pied ou marchent à côté du cadavre d'une enfant de quelques années abandonné là et d'où ils viennent visiblement de sortir. De ce point de départ commence la survie de ce gros groupe de personnes abandonnés là en des terres qui à leur niveau peut paraître fortement sauvage.

Barbarie enfantine

L'histoire de Jolies Ténèbres part ainsi. C'est un peu morbide, un peu bizarre, difficile de trouver quoi que ce soit où se raccrocher. Très vite toutefois, quelque chose va venir titiller notre cerveau de lecteur. Si assez facilement l'on comprend que les personnages représentent tous un sentiment ou une personnalité assez basique (l'aventurière, le filou, l'innocent, le profiteur, la princesse egocentrique, celle qui se hait/n'a pas confiance en soi, …), les réactions des créatures nous font comprendre qu'en réalité celles-ci ont la mentalité d'un enfant. Attention, on parle ici de petite enfance et pas d'adolescence car Jolies Ténèbres n'est ni « Deux Ans de Vacances » ni « Sa Majesté des Mouches », non on a ici affaire à quelque chose de beaucoup plus métaphorique ; après tout nos héros sont des créatures fantastiques ; et surtout de beaucoup plus violent.

Jolies Ténèbres

Oui, violent. Mais dans un sens auquel nous ne sommes terriblement pas habitués. Quand on parle de violence, on pense immédiatement aux films gores, d'horreur voire à la violence psychologique d'un Silent Hill. Dans le cas « Deux Ans de Vacances » ou « Sa Majesté des Mouches », la violence relative des récits venait de la peur et du besoin de grandir très vite pour fonder une société. Ici, rien de tout cela, non seulement la représentation graphique de la violence est absente, aucune gerbe de sang ou quoi que ce soit qui puisse choquer visuellement, mais la situation auquel est confronté notre groupe de personnage ne semble pas trop les effrayer. La violence elle est de l'autre côté du papier, le lecteur la vit à travers les réactions et les dialogues des petits personnages.

Si ces derniers paraissent simplement amusant au début, ils deviennent au fil des pages effrayants car ils ont de la petite enfance toutes les carences : absence de morale, de notion de vie en société voire carrément de conscience de l'autre en tant qu'individu. On le sait, les enfants peuvent être extraordinairement violents entre eux ou envers les animaux ; ils excluent, coupent les pattes des fourmis, jettent les chats du haut des escaliers, … ; mais c'est ensuite que vient le rôle des adultes qui les éduquent en fixant les limites et les règles.

No future

Dans Jolies Ténèbres, c'est l'absence de limite qui pousse ses personnages à la cruauté et plus généralement à la violence. La mort pouvant se résumer à faire de l'enterrement un jeu, le sacrifice d'un individu n'a aucune importance tant que quelqu'un d'autre le remplace, … tout le génie des auteurs de Jolies Ténèbres est de proposer une gamme de personnages à la personnalité facilement identifiable et de les faire agir sans aucune limite. Sans compter ce brin de cynisme des auteurs qui viennent ajouter des petits détails d'humour noir absolument délicieux pour les amateurs. (les traces restantes dans la trousse m'ont tué)

Jolies Ténèbres

Ce qui se passe dans cette drôle d'histoire est souvent terrible mais sans coupable réel désigné, ce qui rajoute encore à l'impact de la violence. Elle est non seulement injuste, injustifiée, sans remords, sans conscience et sort le plus souvent de nulle part devenant de ce fait complètement irrationnelle. Un peu comme dans la vraie vie quand un malade mental attaque. Qui blâmer ? Comment comprendre un acte qui n'a pas de coupable ?

C'est cette foultitude de questions sans fin qui a continuellement hanté ma lecture de cette BD, un constant malaise s'est emparé de moi et il ne m'a véritablement lâché que quelques heures plus tard. Impossible pour moi de déterminer si la fin de « Jolies Ténèbres » est un happy ending ou non, impossible (forcément) d'en tirer une quelconque leçon ou morale, la seule chose qui me reste est la photo floue d'un abîme dont l'enfant serait capable si on l'abandonne. De jolies ténèbres auxquelles personne ne mérite d'être confronté.

Jolies Ténèbres est une BD puissante, cynique, une vraie bonne idée qui a su se mettre en œuvre sans fausse note, une véritable expérience scénaristique plus que graphique dont je vous recommande plus que fortement la lecture.


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