Or, ce défi a été relevé avec succès par Philippe et Aymeric Rouillac, commissaires-priseurs de Vendôme, dans le cadre prestigieux du château de Cheverny, cette belle demeure qui inspira à Hergé le château de Moulinsart. La salle de l’Orangerie s’était remplie dès avant l’ouverture de la vente. Fallait-il y voir un signe favorable ? Justement. Car, parmi le public présent, se trouvaient des amateurs venus de la région, mais aussi de bien plus loin, dont bon nombre avait connu et visité Chomo dans son improbable « village Préludien » d’Achères-la-Forêt. Voilà sans doute pourquoi il régnait, dans cette salle, une atmosphère particulière, presque familiale, renforcée par la présence des enfants de l’artiste, Michel et Geneviève. Pour la circonstance, Philippe Rouillac avait laissé le marteau à son fils Aymeric qui a récemment rejoint son étude. A la manière chaleureuse dont il conduisit les enchères, nul doute que ce jeune homme ne tardera pas à se faire un prénom dans la profession. Il bénéficiait également de la complicité érudite d’un expert, Laurent Danchin, grand connaisseur, notamment, de Dubuffet, et qui fut longtemps un ami de Chomo. Sa participation à la vacation ne la rendit que plus intéressante, dans la mesure où il put commenter en détail les œuvres dispersées et pimenter ses interventions de multiples anecdotes inédites.
L’analyse de ces chiffres permet deux remarques : si quelques œuvres pouvaient, à tort ou à raison, rappeler par leur style celles d’autres artistes (Giacometti ou Germaine Richier), les plus fortes enchères se concentrèrent sur des créations que l’on peut considérer comme typiques de Chomo, ce qui, en soit, indique que ce créateur, disparu en 1999, est désormais parvenu à trouver sa place sur le marché. Par ailleurs, l’examen des œuvres montre combien, sous une apparente spontanéité, se révèle le soin apporté par l’artiste à la réalisation de ses sculptures. S’il avait fait table rase de sa formation académique, celle-ci ne lui était pas moins utile d’un point de vue technique, consciemment ou non. Ainsi en est-il du plastique fondu apposé sur ses structures de grillage, que l’on pourrait qualifier, selon le mot d’Aymeric Rouillac, de « dripping en trois dimensions » – ce procédé mis au point par Max Ernst qui le conseilla à Jackson Pollock. Le chemin de la liberté, pour un bâtisseur d’imaginaire, emprunte parfois un parcours sinueux. Et l’art de Chomo nous suggère ce que la notion d’art brut peut avoir d’ambigu et reste à définir (en tout cas, s’agissant de l’ermite d’Achères), dans la mesure où elle désigne une multitude d’approches différentes.
Je ne pouvais terminer cette chronique sans lancer un appel : Laurent Danchin, en collaboration avec Philippe et Aymeric Rouillac, s’attachent actuellement à rédiger le catalogue raisonné de l’œuvre de Chomo. Si, parmi les lecteurs de ce blog, se trouvaient des collectionneurs possédant des sculptures ou des peintures de cet artiste, je les invite à se mettre en relation avec l’étude Rouillac, Hôtel des ventes, Route de Blois, 41100 Vendôme (tel. 02.54.80.24.24), courriel : vendome@rouillac.com.
Illustrations : Chomo, photo D.R. - Tête de femme, photo © Rouillac - Mutant à trois têtes, photo © Rouillac.