Il m'agréerait de croire, amis lecteurs, que plus aucun d'entre vous n'ignore à présent l'incontestable avancée que les Tchèques ont imprimée à l'égyptologie consécutivement à l'exploration du site d'Abousir en promouvant notamment des moyens techniques les plus contemporains - je pense ainsi à la photographie par satellite mais aussi à la prospection géophysique, toutes deux devant déboucher sur la production de "photogrammes", c'est-à-dire une documentation photographique des caractéristiques archéologiques individuelles, sans oublier la modélisation en 3D des différentes sépultures antiques que la nécropole recèle -, aux fins, bien évidemment, d'être géographiquement plus précis quand il s'agit d'entamer une excavation qui permettra, in fine, d'accroître les connaissances que nous avions des pratiques sociales et funéraires aux différents moments de l'histoire pendant lesquels ce site fut l'objet d'inhumations, à savoir essentiellement : la fin de l'Ancien Empire (IVème, Vème et VIème dynasties) et la Basse Epoque (XXVIème et XXVIIème dynasties).
Est-il vraiment nécessaire d'à nouveau rappeler deux ou trois points sur lesquels j'insiste depuis le début de cette série d'interventions accordées à l' Institut tchécoslovaque d'égyptologie (I.T.E.) ?
A savoir que les Tchèques, à l'aube des années soixante, ont officiellement reçu du gouvernement égyptien de l'époque, cet extraordinaire espace de fouilles que constitue la nécropole, en guise de remerciements pour leur participation effective au sauvetage des temples de Nubie menacés d'irrémédiable engloutissement à la suite de la construction du deuxième barrage d'Assouan.
A savoir également que cette concession se situe à quelque 25 kilomètres au sud du Caire actuel, sur la rive gauche du Nil, entre le plateau désertique occidental et bien évidemment, comme d'ailleurs visible sur le document ci-dessous, la riche parce que fertile vallée alluviale.
A savoir enfin que sur cette aire de 17, 5 hectares, la
partie la plus méridionale, - ce qu'il est maintenant convenu de nommer le cimetière sud -, fait depuis 1991, c'est-à-dire, depuis le début de la dernière décennie de feu le vingtième siècle,
l'objet d'une attention toute particulière, - d'un survey comme aiment à le dire les anglophiles - ; et notamment, nous l'avons tout récemment constaté, les sépultures de très importants
hauts fonctionnaires de l'Etat : je ne citerai, pour mémoire, que le prêtre funéraire Fetekti, déjà rencontré lors de nos pérégrinations des samedis
29 mai et
5 juin derniers, et Kaaper, commandant de
l'armée, dont nous n'avons, souvenez-vous, visité que le niveau
supérieur de la tombe le 22 mai,
de manière à n'encourir aucun risque à descendre jusqu'au tréfonds de la chambre sépulcrale.
C'est dans ce même esprit d'enquête et de découverte que, tout de go, nous dirigerons nos pas ce matin vers le sud-ouest, pratiquement à mi-distance entre les deux mastabas sus-cités et que nous nous arrêterons, quelques samedis successifs, devant le complexe funéraire d'un certain Qar et de ses fils.
(Pour l'anecdote, c'est après avoir mentionné, il y a quelques instants, le procédé de la photographie satellite que m'est venue l'idée, plutôt que vous proposer un cliché monochrome dont pourtant je disposais dans ma documentation, d'utiliser moi aussi la technologie un peu sophistiquée, - pour ce qui me concerne, à tout le moins ! -, afin de tenter de réaliser une capture d'écran à partir de Google Earth ; résultat qu'ensuite j'ai annoté.)
Cette fois encore, c'est Miroslav Barta qui nous guidera avec ses différents articles scientifiques bien sûr, mais aussi, comme précédemment, un des volumes, le treizième cette fois, de la collection "Abusir" qu'avec une dizaine de collègues il a rédigé et publié en 2009 aux éditions de l'Institut tchèque d'égyptologie.
Ouvrage extrêmement intéressant dans la mesure où indépendamment même des révélations archéologiques qu'il recèle sur ce tombeau multiple fouillé entre 1995 et 2002, il fait le point sur les données géologiques et géophysiques caractérisant le cimetière d'Abousir Sud, résultats scientifiques du survey qui a été mené dans ces années-là, mais aussi se penche sur le biotope du lieu. Sans oublier qu'au travers de la richesse de la décoration de la tombe et de l'équipement funéraire des défunts, il nous permet de mieux appréhender encore la vie des élites administratives memphites à la fin de l'Ancien Empire et les conceptions qui étaient leurs à propos de l'au-delà.
J'ai ci-avant rappelé les travaux de sauvetage des temples de Nubie par les égyptologues tchèques dès 1962. De cette époque datent les rapports étroits entre eux et les géodésistes ; et de cette "vieille" collaboration est née une méthode nouvelle de photographie de la surface du sol que l'on appelle couramment "photogrammétrie".
C'est précisément le photogramme du complexe funéraire de Qar dans lequel ont été inhumés trois générations de membres de sa famille que je vous propose aujourd'hui, en guise de mise en appétit à nos prochaines visites sur le site :
au nord, la tombe de Qar et de ses trois fils ; en dessous, plus spécifiquement, celle de Inti, son puîné, et de ses propres descendants.
C'est donc à cet endroit précis du cimetière sud que je vous propose de nous retrouver la semaine prochaine, amis lecteurs, de manière à, dans un premier temps, évoquer ensemble la personnalité de Qar et , dans un second temps, de quelque peu définir l'époque à laquelle cette famille a vécu ...
A samedi ?