Sélection RELATIO dans les dna:l'éditorial de Jean-Claude Kiefer
Pauvre Afrique !
Le sommet Europe-Afrique de Lisbonne a beau se terminer en belles déclarations, il laissera un goût amer de l'autre côté de la Méditerranée. Face au continent noir, les Européens se comportent éternellement en donneurs de leçons, sans être exemplaires pour autant.
Certes, nul ne peut donner tort à Angela Merkel et aux chefs de la diplomatie danoise ou suédoise quand ils dénoncent les terribles atteintes aux droits de l'Homme, en réalité des droits totalement inexistants, dans certaines parties de l'Afrique, et notamment au Zimbabwe. Mais ces critiques, bien que fondées, sont perçues comme des diatribes contre tout un continent, en plus des pays nommément mis en cause. La réaction n'a pas tardé. Les chefs d'État africains, dont les plus modérés, ont fait bloc en se montrant solidaires de quelques figures tristement célèbres, du libyen Kadhafi au dictateur du Zimbabwe Mugabe, plus quelques autres. Apparemment, les Européens du Nord ont beaucoup de mal à s'adresser à l'Afrique, surtout quand les anciennes puissances coloniales restent prudemment et volontairement en retrait. Ou se contentent de soigner leur « clientèle »...
L'Europe, sous la casquette de l'UE chargée des relations économiques et commerciales, a des comportements tout aussi étranges. Elle aura beau signer tous les partenariats imaginables, ils resteront lettre morte tant que l'UE ne luttera pas, et avec des moyens conséquents, contre le sous-développement. Gagner ce combat est le préalable à toutes les autres politiques, tant pour l'établissement de véritables sociétés démocratiques que pour le contrôle de l'immigration.
Or, que vient de faire l'UE ? Autant pour se plier aux exigences de l'Organisation mondiale du commerce que par aveuglement néo-libéral, la Commission a dénoncé les accords préférentiels qui liaient l'Europe aux pays ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - pour leur substituer des contrats bilatéraux portant sur une ouverture des marchés quasi réciproque ! Des contrats léonins où le plus fort impose sa loi. Hormis les plus pauvres des pauvres - par la plus élémentaire des décences, quand même - les Africains ne pourraient vendre le peu qu'ils produisent qu'en levant les taxes sur les importations venant d'Europe. Avec le risque évident de voir s'écrouler leurs productions locales, notamment vivrières.
Comment la France, qui se targue de cultiver des relations spéciales avec ses anciennes colonies, a-t-elle pu laisser faire ? Toute cette politique impériale est à revoir. Quitte à se mettre l'OMC à dos - un moindre mal comparé aux maux dont souffre l'Afrique.
Et dire qu'hier à Lisbonne a été évoqué le plus sérieusement du monde un partenariat « d'égal à égal » entre l'Europe et l'Afrique... Plus hypocrite, c'est impossible.
Jean-Claude Kiefer