C’est à peine si j’ai eu le temps de terminer de siffloter les dernières notes de White Dove, que les Sleepy Sun nous reviennent déjà avec un nouvel album intitulé Fever. Hmmmm ! Rien que le titre me fait frissonner. Pas rassasié des élans chamaniques et des vapeurs de Quechua émanant de leur précédent single, c’était tout naturellement que j’allais me jeter sur ce bonbon qui fait mal à la tête le lendemain. Ainsi pour ceux qui ne les connaissent pas, Sleepy Sun fait partie de ce que l’on nommera la vague néo-psychédélique. Enfin il ne s’agit là que d’un terme choisi par l’un de nous autres scribouillards, cataloguant comme tel chaque groupe donnant un peu trop de reverb’ ou s’amusant un peu trop longtemps sur ses pédales à effets. Pourtant, bien qu’un maigre degré de filiation avec des artistes contemporains comme The Black Angels ou Black Mountain ne soit pas à exclure, ce second album prouve que nos six petits coyotes californiens n’ont pas été élevés pour rien dans la Mecque de la musique psyché. Il y a un peu de Love et de Jefferson Airplaine qui coule dans leur veine.
Dès l’ouverture de Marina, le sextet pose les bases de son album. Une grosse distorsion lance les festivités, quelques notes poussées dans la saturation, puis vient le matraquage de batterie, aussi sec que mesuré. Le tempo ralentit et nos deux chanteurs soufflent de leurs voix suaves sur ce qui se révèle être l’une des plus belles mélodies folk entendues cette année. Mais nos petits Indiens s’emballent et font monter la cadence. Rythme tribal et danse de la pluie, les voix de Bret Constantino et de Rachel Fannan se croisent autour d’un dernier couplet héroïque qui se clôturera comme il avait commencé. Cette recette deviendra peu à peu la marque de fabrique du groupe tout au long de l’album et Wild Machines en est un autre exemple parfait. On dénote d’ailleurs cette remarquable envie de se démarquer, de ne jamais rééditer un morceau semblable que ce soit dans la narration ou bien dans la structure harmonique. Et à ce jeu, les Sleepy Sun se révèlent fortiches. Rigamaroo ressemble à une de ces vieilles comptines folk que l’on fredonnerait autour d’un feu, perdu dans le désert aride de la Vallée de la Mort alors que Desert God renverra l’auditeur autant vers le rock psyché de The 13th Floors Elevators que le stoner de Kyuss. Là où White Dove avait marqué les esprits sur Embrace, Open eyes devrait en faire de même sur ce Fever décidément brillant. Pierre angulaire stigmatisant tout le savoir-faire de notre jeune révélation, ce morceau construit en montagne russe hypnotise et captive de par sa construction en chausse-trappe, de son habillage faussement calme, de sa voix vocodée… Un track rusé dans lequel sombrerait même le plus hardi des cowboys. Et si Freedom Line ne surprend guère, réutilisant une recette rôdée tout au long de l’album, le schéma mélodique continue de fonctionner à merveille grâce à une gymnastique basse/batterie incroyable.
Fever se clôt sur l’immense Sandstorm Woman, faramineux morceau psy-folk qui soulève une dure question : « Les Sleepy Sun sont-ils des têtes à claques ? ». Une pointe de jalousie ne peut être contenue après l’écoute de ce second effort. Il aura fallu moins d’un an au juvénile band californien pour s’affirmer en tant que référence même d’un mouvement à suivre. Plus qu’une simple copie, Sleepy Sun impose un son unique, une décontraction à toute épreuve et un sens de la mélodie qui n’a rien à envier à ses pairs. Encore un disque qui devrait scotcher longtemps vos platines cette année.
Audio
Sleepy Sun – Open Eyes
Tracklist
Sleepy Sun – Fever (ATP, 2010)
1. Marina
2. Rigamaroo
3. Wild Machines
4. Ooh boy
5. Acid love
6. Desert boy
7. Open eyes
8. Freedom line
9. Sandstorm woman