Cléobule est de ceux-là. Ses débuts furent modestes mais son élévation rapide. Muni du diplôme d’une modeste école d’ingénieurs et d’un doctorat dont la thèse ne révolutionna pas sa discipline, il eut le bon esprit de postuler pour un poste d’enseignant dans un IUT. Il l’obtint sans difficulté tant ces structures, nouvellement créées, manquaient de cadres. Deux ans plus tard il en était le Directeur. Passer de là à la Vice-Présidence puis à la Présidence de l’Université (de nouvelle création elle aussi) à laquelle était rattaché son Institut, fut pour lui un jeu d’enfant. Des médisants, ils sont aussi nombreux dans l’enseignement supérieur que dans les salles de rédaction, prétendirent que l’appartenance de Cléobule à une société discrète n’était pas étrangère à la rapidité de son ascension. Ces insinuations ne méritent que le mépris. Si Cléobule devint Président de son Université à trente-quatre ans, il le dut uniquement à ses compétences gestionnaires et à la solidité de convictions progressistes.
Ainsi, depuis trente ans Cléobule fait partie de la petite caste des grands commis qui gouvernent, de fait, le ministère de l’Education Nationale. Il y côtoie d’autres personnalités aussi insubmersibles que lui tel Théocrite, récemment passé du pédagogisme à l’écologisme, ou Ornuphle, peu connu du public, ce qui est bien dommage, car on lui doit des pages d’anthologie sur la nécessaire réforme du système, question qu’il maîtrise à fond puisqu’il a rédigé la presque totalité des instructions officielles des trente dernières années.
Habiles à distinguer où se trouve le manche pour ne jamais se tromper de côté, maîtres dans l’art de plier leurs discours aux lubies du Prince, fournisseurs empressés d’arguments spécieux, Cléobule et ses pareils règnent sur l’administration de l’Education Nationale. Bien plus que d’éphémères ministres, ils sont les vrais responsables d’une politique qui, en matière scolaire, a relégué la France aux derniers rangs des pays développés. Devant l’étendue du désastre on se demande avec angoisse quel Hercule politique sera en mesure de nettoyer un jour cette écurie d’Augias.
Chambolle