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Assaut du Mavi Marmara : quelle rationalité ?

Publié le 11 juin 2010 par Unmondelibre

Assaut du Mavi Marmara : quelle rationalité ?Hicham El Moussaoui - Le 11 juin 2010. Le 31 mai dernier, un commando du Tsahal a donné l’assaut sur une flottille internationale qui apportait de l’aide humanitaire à Gaza, tuant 9 passagers sur le ferry turc Mavi Marmara. Les autorités israéliennes invoquent une action de légitime défense. Une telle explication est-elle plausible ?

Une attaque justifiée ?

Israël soutient que la flottille n’avait pas d’objectifs humanitaires et que ses membres comptaient des activistes extrémistes islamiques proches du Hamas voire d’Al-Qaïda. Pourtant, l’initiative a été organisée par l’ONG Free Gaza avec la collaboration de plusieurs sympathisants internationaux de la cause palestinienne. Par ailleurs, c’est la neuvième fois que l’ONG Free Gaza essaie de briser le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza. Les cinq premières tentatives se sont terminées par un certain succès puisque l’aide humanitaire a été acheminée aux palestiniens. Les trois dernières tentatives (décembre 2008, janvier 2009, juin 2009) ont échoué après l’arrivée au pouvoir des faucons israéliens.

Toujours selon la version officielle israélienne, les soldats n’ont ouvert le feu qu’après avoir été surpris par les attaques de chaises et de barres de fer de la part des passagers du ferry turc Mavi Marmara. Tout d’abord, et avant même discuter le cas de légitime défense, les soldats israéliens n’avaient pas à se retrouver sur le ferry turc pour deux raisons : primo, les bateaux étaient dans les eaux internationales, secundo, il n’était pas établi que la sécurité d’Israël soit menacée. En conséquence, l’intrusion des soldats israéliens dans les bateaux de la flottille est un acte illégal du point de vue du droit international car le seul ordre juridique qui s'applique en haute mer est celui des autorités de l'État dont le navire bat le pavillon. Cet assaut peut être considéré finalement comme de la piraterie en haute mer. Il aurait pourtant suffit aux militaires israéliens d’attaquer le gouvernail ou les hélices du ferry turc pour l’immobiliser, mais ils ont choisi la démonstration de force.

Ensuite, était-ce un cas de légitime défense ? Il n’est nul besoin d’être un fin stratège militaire pour prévoir que l’intrusion de militaires dans un bateau y provoquera une résistance, c’est le lot de toutes les manifestations. Donc, les soldats ne pouvaient pas être surpris, ils savaient à quoi s’en tenir. Par ailleurs, le Guardian a révélé samedi dernier le rapport d'autopsie des autorités turques : où l’on découvre que les neuf victimes turques du raid israélien contre l'expédition maritime vers Gaza cette semaine étaient criblées de balles (les neuf victimes ont essuyé en tout 30 balles), ce qui dépasse un acte de légitime défense.

Des raisons cachées au massacre ?

Un fait attire l’attention dans cet événement tragique : pourquoi seul le bateau turc a connu ce massacre ? Les dirigeants israéliens soutiennent qu’il s’agit d’une preuve que le ferry turc transportait des activistes qui tendaient un guet-apens aux soldats israéliens. Mais, une telle explication ne tient pas la distance lorsque l’on dépasse l’écran de fumée qui entoure souvent les communiqués officiels. La Turquie est une puissance régionale montante qui s’est distinguée récemment par ses initiatives de médiation dans deux dossiers très chauds : la paix entre Israël et la Syrie, d’une part, et d’autre part, le dossier nucléaire iranien.

Si Israël tient à son alliance stratégique avec les turcs, il préfère néanmoins une Turquie moins entreprenante, qui s’occupe plus de ses affaires internes et suit les prescriptions des alliés de l’OTAN lorsque l’on lui demande. Ainsi, Israël voit d’un mauvais œil l’action diplomatique turque menée pour résoudre le dossier nucléaire iranien, surtout que la Turquie œuvre pour le projet de dénucléarisation du Moyen-Orient. Or, ce projet est inimaginable pour Israël puisque, seule puissance nucléaire dans la région, il l’obligerait à signer le Traité de non-prolifération (TNP) et à ouvrir ses installations nucléaires aux inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Au final, le but caché des dirigeants israéliens ne serait-il pas d’écarter Ankara de l’arène diplomatique en l’empêchant d’apparaître comme un acteur impartial capable de trouver une solution diplomatique entre l’Iran, les Etats-Unis et l’Europe ? L’enjeu n’est-il pas de mettre l’Iran au pied du mur et mobiliser la communauté internationale pour l’attaquer ?

Jusqu’à quand la fuite en avant des faucons israéliens ?

Lorsque l’on regarde certains membres du gouvernement de Netanyahou (Avigdor lieberman, fondateur du parti ultra-sioniste « Israel Beytenou », Ehud Barak un « faucon » spécialiste des opérations coup de poing, Eli Yishai, chef du parti ultra-orthodoxe Shass, au ministère de l'intérieur), force est de constater qu’Israël n'est aujourd'hui nullement dirigé par des démocrates sionistes-modérés. Cela explique l’acharnement du gouvernement à étendre les colonies, à chasser les palestiniens de Jérusalem-Est censée être la capitale d’un Etat palestinien, à maintenir le blocus sur la Bande de Gaza, etc. Une politique irrationnelle lorsque l’on observe ses effets contreproductifs. Israël légitime sa politique répressive par le motif de sécurité, mais force est de constater que le résultat est l’insécurité permanente. Le blocus a été maintenu pour affaiblir le Hamas, qui a en réalité obtenu ainsi plus de légitimité face au Fatah. Alors, jusqu’à quand cette fuite en avant ?

Beaucoup sont irrités par l’exception israélienne consistant à ignorer le droit international, les résolutions de l’ONU et les injonctions de paix. Cette politique irrationnelle conduit non seulement le processus de paix à une impasse, mais également mènera à un choc de civilisation. Car du moment où l’impunité d’Israël est couverte par l’occident, à l’encontre de ses propres principes de justice, cela ne fera qu’exacerber davantage les sentiments d’injustice et de frustration du monde arabo-musulman. Par conséquent, et sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, le conflit israélo-palestinien risquerait de muter en un clash Orient-Occident, une guerre de civilisations.

Hicham EL Moussaoui est analyste sur www.UnMondeLibre.org.


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