« Les batailles d’experts sur les mystères de la minéralité… », Article de la RVF, N°542, juin 2010
L’article écrit par Sophie de Salettes pose précisément la question de la définition de la minéralité du vin, en terme d’élément de bouche tactile ou aromatique.
Je vous invite à lire cet article oscillant entre idées et conjectures théoriques et pratiques.
A défaut de preuves formelles et scientifiques, voire sensorielles et définitoires, il convient de nous montrer prudents lorsque nous évoquons la minéralité d’un vin. Or, pour des raisons psycho affectives et sociétales, l’emploi du sème « minéral » parcourt les comptes rendus selon une tendance modale qui relèverait d'une imitation plus ou moins heureuse de ce qui serait dans l'air du temps!
Et, cet emploi est tellement galvaudé que les détracteurs de la notion de la minéralité trouvent leur grain à moudre à lire de tels vacillements langagiers, à faire trembler les sols, chez les dégustateurs-scripteurs qui voudraient se persuader de boire du carbonifère aux tannins jurassiques !
N’empêche… elle existe bien cette minéralité !
Comment expliquer les différences de structures et de teneurs aromatiques de vins issus de sols différents?. Larcis Ducasse et Pavie Macquin, deux grands vins de deux propriétés voisines de cinq mètres à peine et produisant deux antithèses de buvabilité, en raison des différences d'argiles des deux sols...
Comment expliquer qu'un descriptif de bouteille mystérieuse annonce toujours ses caractéristiques ampélographiques?
David Lefebvre, journaliste spécialisé en sciences agricoles et viticoles, écrit sur le site L’Oenothèque Alsace le 18 avril 2005: « Le fait est que selon les viticultures, selon la densité de plantation, selon la qualité des sols viticoles et leur entretien, selon les terroirs, selon la surface entre les racines de la vigne et la terre et la qualité des échanges, les vins diffèrent notablement par leur minéralité ». Puis, « Ces derniers [= les minéraux] interfèrent directement sur la sapidité du vin - il est en effet remarquable d’observer que sans sel, les aliments sont insipides. Les minéraux agissent aussi indirectement sur les composés du vin ».
Et de conclure selon une logique biologique, et ses incidences aromatiques :
« L’approche biologique favorise les échanges entre la vigne et le sol, ce qui doit renforcer la minéralité des vins, en particulier lorsqu’elle est exprimée dans la sapidité du vin plus qu’au niveau aromatique, c’est à dire par le biais des sels minéraux que la vigne a capté dans le sol. »
Cette
capacité d’échange minéral entre le sol et la vigne est forcément inaltérée par
des processus fermentaires (fermentation alcoolique ou fermentation
malolactique), puisque seules les matières organiques végétales ou animales
sont fermentescibles.
Les écrits scientifiques de D. Lefebvre, la vision fine et intelligente des vins par le prisme de la géologie de D. Sériot sont des preuves suffisantes. Nous savons que la minéralité ne peut pas se réduire aux traits définitoires en terme de saveur, de toucher ou de structure moléculaire. Elle est une composante complexe, indivisible quant à ce qui la fait naître et ce qui la fait repérer, infiniment complexe, et donc non réductible à aucun de ses aspects.
De là, reste la difficulté à nommer cet insaisissable!
Isabelle