Villette Sonique 2010: Fuck Buttons + Thee Oh Sees + King Midas Sound @ Prairie Cercle Sud, Paris (06/05/10)

Publié le 11 juin 2010 par Hallorave

Orage, pluie et vents violents en cette matinée du 6 juin, le doute s’installait insidieusement quant au bon déroulement de cette dernière journée Villette Sonique prévue en plein air. D’autant plus dommageable, car le line-up s’imposait comme l’un des plus appétissants vu récemment à Paris: Washed Out, Magnetix, These Are Powers et l’enchainement magique King Midas Sound, Thee Oh Sees et Fuck Buttons, se suivant sur la même scène à partir de 18h15. Fort heureusement, les dieux semblent être avec le Parc et le soleil ose doucement mais sûrement pointer le bout de son nez à partir de 17h, profond soulagement, la fin d’après-midi s’annonce intense niveau transpiration.

Je débarque à la Prairie Cercle Sud pile-poil au début du set de King Midas Sound. Grosse scène, public venu en nombre consistant, le trio semble clairement attendu au tournant. Trio plus que suspect d’ailleurs si l’on s’attarde sur la provenance de chacun des membres formant le groupe en question: avec un trinidadien au chant et à la six-cordes, une japonaise aux bidouillages et un anglais aux machines, le doute était violemment permis. Fort heureusement, cet anglais, c’est Kevin Martin, poids lourd de la scène dub avec divers projets à son actif tels que The Bug, God ou Techno Animal et celui-ci reste le plus connu de la bande, se posant plus ou moins en tant que chef d’orchestre.

Basses massives, beats rigoureux et puissants, ce type à beau tirer la même tronche de truand/dealer de coke du Lower East Side depuis une bonne dizaine d’années, il assure sévèrement dérrière son quintal de potards qu’il manipule avec une finesse incontestable, mouvements amples et légère danse du ventre à l’appui.

Son compère trinidadien (Roger Robinson) n’est pas en reste, il paraît littéralement défoncé (sourire béat sorti de nul part toutes les vingt secondes, paupières lourdes, déambulation hésitante), mais pose un flow solide et compact sur les nappes de Martin; celui-ci se défend plus qu’honorablement dérrière son micro même si on ne retrouve pas forcément toutes les subtilités de son chant présentes sur le dernier album du combo. Sa guitare (toute pourrie à ce que me dira un mien ami) restera par contre quasiment inaudible.

Kiki Hitomi enfin, malheureusement limite inaudible également dérrière son micro, même sentence pour les trois bidouillages qu’elle effectuera tout au long du set, entendre sa voix aurait quand même été sympathique. Fort dommageable, car la finesse et l’ambiance fantômatique qu’on peut trouver sur le premier album du trio ne sera que partiellement retranscrite sur cette grande scène de la Villette, les basses de Martin bouffant à peu près tout le reste excepté la voix de Robinson. Malgré ça, ce concert de King Midas Sound restera de grande classe, ambiance moîte et urbaine à la Tricky période « Maxinquaye », envoûtant et hypnotisant en diable. À revoir dans un club enfumé à une heure avancé de la nuit.
 
Vif ravitaillement pendant que Thee Oh Sees s’installe, passage au Village Label et retour devant la scène, le quatuor en est encore aux balances, ce qui permet une analyse rapide et carrée du nouveau groupe de John P. Dwyer (ex-membre des excellents Coachwhips et Pink dans Pink & Brown). Formation offensive, deux guitares jouées au menton, une batterie et une potiche qui ne servira à RIEN si ce n’est taper trois notes sur son synthé et doubler les voix de cette tronche de cake cosmique de Dwyer, celui-ci sortant le grand jeu avec un marcel gris de compétition laissant entrevoir ses tatouages guerriers.

Encore plus de monde que pour King Midas Sound, la tension monte, les Oh Sees font inutilement durer les balances, tout le monde l’aura compris: le twist sera rude ou ne sera pas. Le suspense est insoutenable mais le doute est rapidement levé, la sentence est sévère: cet après-midi, ce sera tube sur tube. Limpide, clair et précis, aucune pitié, Thee Oh Sees ne pardonne pas et envoie d’entrée la pâtée galactique avec une fermeté assez impressionnante. Garage 60′s d’une évidence mélodique et d’une immédiateté proprement hallucinante, le quatuor la joue beaucoup plus punk que sur disque en accélerant les morceaux, ça joue sec et nerveux, la bave monte aux lèvres et la situation est parfaite pour que chacun puisse sortir ses moves secrets en toute tranquillité.

La premiers rangs s’activent avec frénésie, slams suicidaires et entrechocs furieux sont de la partie, l’ambiance est bon enfant, le soleil tape dur et le sourire reste collé sur toutes les lèvres. C’est simple, les Oh Sees ont trouvé la formule magique, chaque riff de Dwyer se cale illico dans ta tête pour le mois à venir et lorsque le batteur ne lésine pas sur les coups de triques et autres accélerations vengeresses, le jackpot est immédiat. Mention spéciale au guitariste mod également, qui joue des lignes de basse d’un groove assez fatal avec sa six-cordes. Un set qui passe bien trop vite, respect éternel pour Thee Oh Sees.
 
On passe au dernier groupe de la soirée, Fuck Buttons, duo d’Oxford, auteur d’un récent second album bien moyen par rapport à ce qu’on était en droit d’attendre d’eux. Pas grave, en live, ça dépote toujours autant, constatation déja faite en novembre dernier au mirifique Grrrnd Zero, concert dont je n’étais pas ressorti tout à fait sain audiblement parlant. « Surf Solar » retentit, je suis encore au bar, la quatrième vitesse est enclenchée immédiatement et me voilà déja devant la scène. Pas de changement, l’un face à l’autre, Andrew Hung à toujours autant l’air d’avoir envie de pisser quand il joue et Ben Power à toujours sa mèche d’adolescent pré-pubère plaqué sur le front, aucune surprise pour l’instant.

Le volume est poussé à fond, la doublette a l’air déterminée, le résultat ne se fait pas attendre: mur de son céleste, grésillant et électrique. La notion du temps se rétrécit, aucun intermède entre les morceaux, je n’ai absolument aucune idée de la durée du set du duo mais plusieurs morceaux sortent du lot. « Rough Steez », « Flight of the Featherd Serpent », « Olympians » et son passage un peu trop cosmique à la Jean-Michel Jarre sont de la partie, mais le tout se maintient de manière bien compact, les transitions passent à l’aise, et les déhanchements des premiers rangs se font de plus en plus tendus. Le tout s’aligne sur leur efficacité studio, efficacité que tu peux aisément multiplier par cent sur scène: intensité grondante, montées extatiques, nappes de sons crépitantes et cris de hyène enragé dans un microphone de gosse. Malgré un kick bouffant un poil trop les lignes mélodiques certifiées 100% kiff-passion du duo, le set reste de haute qualité, les tympans brûlent, les premiers rangs se dandinent avec une conviction toujours aussi intrépide, « Sweet Love For Planet Earth » est jouée en rappel, folie sur le monde, le morceau se finit dans un chaos assez indéscriptible, j’ai de la peinture sur les mains et l’épaule droite en miette mais un sale sourire bien niais qui ne veut pas quitter mon visage. Merci Fuck Buttons et chapeau bas à la Villette Sonique pour avoir su caler une programmation 2010 outrepassant avec délectation les limites du bon goût.

merci à Alain pour les photos !

King Midas Sound

Thee Oh Sees

Fuck Buttons