Les 15 et 16 juin prochains, une commission mixte paritaire tentera de mettre d’accord sénateurs et députés qui s’opposent sur le sujet des péages urbains. Les députés ont rejeté le projet en invoquant notamment les risques d’inégalités sociales qui s’ensuivraient et, une fois n’est pas coutume, en arguant qu’une « logique de taxation » était à l’œuvre. Les sénateurs en ont approuvé l’expérimentation dans les villes de plus de 300 000 habitants, à la discrétion des collectivités dans les limites d’un seuil défini par décret en Conseil d’État et sous la supervision du ministre des Transports. Le sens et la portée de ces expériences juridiques est souvent de faire passer doucement mais sûrement en notre République des mesures vouées à l’impopularité, de « faire mûrir l’opinion ».
L’implantation de péages urbains dans les grandes villes n’est pas un débat qui date d’hier. Lorsqu’en 2003 l’idée de permettre aux collectivités d’instaurer dans les communes de plus de 100 000 habitants une tarification des déplacements en ville avait été soulevée à l’Assemblée nationale, le Premier ministre de l’époque y avait opposé son niet, au nom du pouvoir d’achat.
Réduire les pollutions atmosphérique et sonore, débarrasser les villes de ses encombrants véhicules, rendre la ville à ses habitants : voilà quels en sont les buts affichés. Rien de nouveau sous le soleil, sauf un peu plus d’hypocrisie, car la première fonction de ce nouvel octroi qui n’en est pas un serait bien de remplir les caisses pour financer les grands projets qui fleurissent ces derniers temps.
Moduler les tarifs selon les périodes de la journée ou cantonner certains secteurs au péage permettrait que la réalisation de cette fausse bonne idée ne soit pas discriminante ? Voire… L’octroi qui en son temps tenait lieu à la fois de TVA et de droit de passage frappait les marchandises à l’entrée des villes et non les déplacements et ne touchait jamais que les marchandises les plus significatives, les denrées de base. La ressemblance avec les quelques euros qui seraient demandés à chaque personne désireuse d’entrer en voiture dans la capitale pour financer les travaux du Grand Paris n’est pas frappante. On comprend mieux, du reste, pourquoi la Mairie de Paris qui ne tient les rênes du Grand Paris que d’une main ankylosée n’est pas à l’avant-garde du projet. Il est vrai qu’elle semble en avoir d’autres en tête. Les Parisiens cyclistes ont pu constater avec stupeur l’appariation d’une nouvelle signalétique, coûteuse et canularesque, qui les enjoint d’emprunter un certain nombre de rues étroites de la capitale à contre-sens. Chacun sa méthode de dissuasion, le contribuable paie.
Veut-on faire de Paris une ville-musée plus ossifiée encore ? Un sanctuaire pour chochottes ? Un sanctuaire de quoi, d’ailleurs ? Une ville sans bruits et sans odeurs, couverte d’herbes folles ?
À Singapour, ville pionnière en la matière comme désormais à Londres, Milan ou Stockholm, des péages urbains ont été mis en place. Ajoutons immédiatement que l’automobiliste n’y est pas autant taxé qu’en France. Taxes sur le carburant, éco-redevance sur les poids lourds, péages autoroutiers, augmentation des amendes de stationnement de 11 euros à 20 euros, explosion des impôts locaux, cela suffit.
Une autre fois, nous parlerons des atteintes à la liberté de circulation mais cela est-il encore nécessaire ?
Bruno Sentejoie