Honoré de Balzac
Comme aspiré par un vortex, Sourya se laissait lentement attirer par les possibilités infinies d’une électronique aux machineries multiples. Ils en étaient fous au point d’expérimenter leur nouvelle matière sonore sur des consoles de jeux aptes à produire des petites notes animales. A la manière d’un Wyatt s’accompagnant d’orgues jouets sur Rock Bottom. Sur leur dernier EP, nos quatre musiciens allaient plus loin. En faisant leur cette idée suggérée par l’historien de l’art Jean Clair que « la mélancolie est profondément liée à la création ». Le plaisir charnel de la danse, ce rituel venu des âges que les Ménades perpétuaient fièrement, mêlée aux « langueurs monotones » s’exprimait pleinement dans les quelques trois minutes d’Akzidens. Toute l’histoire « visuelle » du monde défilait alors sous nos yeux, la statue d’Ajax nu méditant longuement, le tombeau des morts de Böcklin ou les solitudes de glace peintes par Gaspar David Freidrich. Le rock lorsqu’il mua, prenant les habits nouveaux de l’âge adulte, revendiqua cette prostration blême du regard qui se perd dans le ne sais quelle rêverie : des errances adulesentes des Beach Boys sur Don't Talk (Put Your Hand On My Shoulder) ou des Doors dans The End, en forme de rite initiatique, aux sombres désespérances d’un Ian Curtis au sein de Joy Division, personne à l’époque n’avait compris que ses paroles étaient comme autant d’appels au secours sur le terminal muet de l’indifférence urbaine. Il est intéressant de noter aujourd’hui qu’à l’heure de la satisfaction immédiate, de la jouissance digitale, Sourya s’offre un trip romantique en deux titres, Akzidens cité plus haut et Chimney aux élans romantiques, très dix-neuvièmistes, totalement assumés. Lamartine aux platines, Musset à la basse. Seule incartade légère, The Dance Of Star Gigolo, réinterprétation convulsive et joyeuse de The Ballad Of Star Gigolo, ose ce droit au bonheur que revendiquent les peuples libres, noyés dans les promesses reposantes d’un Consumérisme à la chaîne. Le EP se referme sur la reprise du tube The Ballad Of Star Gigolo dans sa version première, pop, fédératrice et intense. Nous nous posions clairement la question de l’avenir du groupe dès la sortie de Dawdlewalk. Il vient de nous répondre en deux morceaux élastiques/extatiques. Le deuxième album est en route, la révolution elle est en marche. Sourya, aux avant-postes de la Renaissance électronique française ! Là, à ce moment ultime, pour conclure, je me plaisais à imaginer en accompagnement musicale le prélude du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, choix dont la République s’honora aux grandes heures de l’ORTF toute de noir & blanc vêtue.
http://soundcloud.com/sourya-ep-preview/sourya-akzidens-radio-edit-160kbps-version
http://itunes.apple.com/fer/album/star-gigolos-ep/id374941411
10-06-2010 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 2021 fois | Public