Magazine Culture
Dans le cinéma de Becker- qui trouve toujours un point d’intérêt dans la réunion subtile entre simplicité populaire et goût pour la psychologie de ses personnages- il y a souvent au cœur du drame un homme qui souffre, qui se questionne (cf. Un crime au paradis, Deux jours à tuer). Ici, Depardieu prête son corps massif à une apologie de la liberté (tout comme dans Mammuth), possible au travers des mots, de la culture, de la littérature. Une manière de s’extirper de ses chaînes (les a priori des potes au bistrot, le mépris d’une mère folledingue, les fantômes moqueurs du passé et de l’enfance) et de jeter sur sa vie un regard neuf, d’une perspective plus élevée, plus intellectuelle. Jamais pourtant Becker ne se révèle élitiste ou ne verse dans une ode à l’érudition, il affirme simplement la beauté d’un monde littéraire, le pouvoir que l’on acquiert par la culture (individuellement, et, collectivement) et le plaisir (immense) qu’il y a à prendre à "cultiver son jardin". Mais, La tête en friche, aux accents pagnolesques, c’est aussi et avant tout la rencontre de deux êtres (la vieille dame cultivée et l’ours analphabète) et celle de deux acteurs (géant Depardieu, charmante Gisèle Casadesus, du haut de ses 96 ans), qui rappelle l’essentiel de la vie et la base de tout art: le partage. "Nous ne sommes que des passeurs sur cette terre" dit Margueritte. Beau message pour un film simple et candide (dans le bon sens), loin d’être bête, et qui n’a d’anodin que son apparence.