Parmi les endroits que j’affectionne au Louvre il y a la section des objets d’art du début du XIXe située au premier étage de l’aile Richelieu. Dans l’une des salles on découvre cet ensemble composé d’une table et d’un fauteuil de toilette en cristal et verre églomisé (ce qui veut dire comprenant une dorure intérieure), et bronze doré. J’ai remarqué que le premier réflexe des femmes qui arrivent dans la salle est de se regarder dans le miroir. Vu la beauté de ce meuble je comprends que c’est tentant. La notice du musée nous apprend que cet ensemble a vraisemblablement été acquis par la duchesse de Berry en 1819 et placé dans son château de Rosny-sur-Seine.
Essayons un peu d’imaginer Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, devant sa table de toilette
vers 1820. C’est une jeune femme de 22 ans, comme toutes les femmes de son époque elle évite le soleil pour préserver
la blancheur de son teint, pour se farder elle utilise de la poudre de riz et une petite touche de rouge. Le XIXe siècle est la période où les femmes
utilisent le moins de maquillage, celui-ci est réservé aux actrices sur scène ou aux prostituées. Marie-Caroline lave rarement sa chevelure par crainte des
rhumes mais la brosse longtemps, elle sait que l'odeur de ses cheveux est censée troubler les hommes. Pour se parfumer la jeune femme utilise un nouveau produit qui fait fureur, c'est l’eau de
Cologne qui connaîtra un succès constant tout au long du XIXe siècle. Pour ses vêtements la jeune femme achète chez Leroy l’ancien fournisseur de l’ancienne cour impériale qui habille les
élégantes dans les salons aristocratiques. Les robes blanches raccourcies ont le bas orné d’une guirlande de lys et les manches ouvragées. Les tissus à la mode sont le drap mérinos, le velours et
la lévantine l’hiver, la percale, la mousseline, la soie et le crêpon l’été. La tendance est aux couleurs tendres et sentimentales : lilas, héliotrope, réséda…
Bien sûr tout ceci est réservé aux classes supérieures, pour les paysannes et les femmes du peuple ces soins de beauté restent inaccessibles.
Marie-Caroline, duchesse de Berry (1798 – 1870), naît dans une famille de la noblesse française qui a émigré en Italie pendant la Révolution. Revenue en France pendant la restauration elle épouse le duc de Berry, un proche de la famille royale, qui est assassiné en février 1820. Très impliquée dans son époque elle soutient l’activité industrielle de manufactures et d’artisans, c’est aussi une mécène reconnue pour les peintres les musiciens et les écrivain. Elle se distingue également par son action caritative.
Mais la duchesse de Berry est restée dans l’histoire à cause de sa tentative de soulèvement royaliste en 1832. Après révolution de 1830 elle s'imagina que son fils pourrait être proclamé roi de France sous le nom d’Henri V et débarqua en Vendée pour tenter de rallier la population à sa cause et déclencher une insurrection. En fait la tentative ne rencontra qu’un maigre succès et la duchesse fut rapidement arrêtée par la police de Thiers, nouveau ministre de l’intérieur. Emprisonnée elle accoucha d’une fille, fruit d’un mariage secret contracté avec un noble Italien. Pour la discréditer aux yeux de ses partisans le gouvernement rendit public cette naissance et cette union puis l’expulsa hors de France, elle finit alors sa vie en exil.