Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi, lorsque les beaux jours arrivent, je me sens pleine d’espoir et d’optimisme, poussant l’enthousiasme jusqu’ à astiquer de fond en comble mon petit chez moi. Comme si des placards tirés au cordeau, des fenêtres immaculées et une maison qui sent l’eucalyptus biologique allaient régler tous les problèmes et payer les factures à ma place, pfff ! Illusions, illusions… Mais bon, chaque année je sacrifie au rite, incorrigible naïve que je suis…
Seulement voilà : une fois, la cuisine astiquée à fond, les tiroirs continuent de couiner, les rayures du lave vaisselle n’ont pas disparu et la porte du frigo affiche toujours fièrement quelques belles bosses et creux, souvenirs narquois de nos déménagements… Et je me dis soudain que, justement, ce vieux frigo a fait son temps et qu’un Gorenje® « old timer » rouge cerise le remplacerait avantageusement, redonnant chic et pimpant à l’ensemble…
Oui mais… En y regardant de plus près, je réalise qu’une belle tranche de ma vie quotidienne est affichée là, dans un joyeux désordre qui, s’il n’est pas esthétique, n‘en est pas moins très révélateur…
Allons, les filles, que sainte So Chik brise ma plume à l’instant si vous n’avez jamais collé vous aussi au moins une de ces choses sur la porte de votre frigo :
La liste des courses, un grand classique avec le ticket du pressing, pratique sauf quand on les oublie le jour J… comme moi.
Chez les familles nombreuses, un planning des taches familiales pour éviter que tout le monde se carapate au moment des corvées : pas de contestation ni d’embrouille possible, « c’est écrit là ! » triomphe la mère (chez nous, chacun doit signer, ils détestent et moi j’adore).
Très florissants au printemps, des rappels à l’ordre anti-grignotage dans le genre « fais de la gym, pas la cuisine », « Jude Law n’aime pas les grosses » ou bien « Souviens-toi de cet adage : string et rillettes ne font pas bon ménage »…
Des photos de la famille, des copains, de nous bronzées en bikini blanc aux commandes d’un hors bord à Saint-Barth’ l’année dernière (ça c’est pour les plus chanceuses, moi, j’ai mon portrait pris à Thoiry avec un éléphant tendant la trompe pour attraper ma cacahuète. J’assume !)
Le dernier dessin de « petit trésor », si créatif dans son expression artistique. Dieu merci la porte du frigo permet d’exposer le chef-d’œuvre sans toucher aux murs…
Alors ? Bon, la porte du frigo c’est aussi celle que les ados ouvrent dix fois par jour pour farfouiller et faire des mélanges du genre thon-Nutella®-Roquefort, porte qu’ils claquent d’ailleurs invariablement en maugréant un « c’est relou, y’a jamais rien dans ce frigo, elle est nulle cette baraque j’te jure… »
Mais le frigo n’est pas seulement là pour stigmatiser nos imperfections parentales, il est aussi notre allié beauté infaillible : qui mieux que lui pourrait garder au frais notre crème de nuit magique à la perle de caviar qui coute juste 1 500 euros le kg… Horreur, Loulou a cru que c’était de l’houmous : 150 euros la tartine, plus le persil !!!
Vous voyez bien, les portes de nos frigos sont les témoins fidèles de nos tribulations quotidiennes. Alors tant pis pour le Gorenje® « vintage » sur lequel je n’oserais jamais afficher une telle mosaïque par peur de commettre un sacrilège : je garde mon vieux Whirlpool®. Après tout, il est comme moi, un peu cabossé par la vie… Rarement so chic, parfois so fun mais toujours so life !
Par Pascale Vignali
Illustration : Loirat 06 09 49 58 28