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La Route de la servitude

Publié le 10 juin 2010 par Copeau @Contrepoints
La Route de la servitude Selon les listes des meilleures ventes publiées par Amazon et Barnes&Noble; – les deux plus grandes librairies virtuelles au monde –, le livre le plus acheté actuellement par les Américains est La route de la servitude.

En pleine Seconde Guerre mondiale, Friedrich Hayek observa que la lutte contre le national-socialisme ne serait pas complète si l'on ne s'attaquait pas à la racine du mal totalitaire qui dévastait l'Europe. C'est pourquoi, en guise d'avertissement, il rédigea un court essai où il présentait simplement une série d'évidences sur les conséquences inévitables du contrôle de l'économie par l'État.

Hayek connaissait très bien les problèmes économiques dérivés du socialisme, grâce à son rôle central (avec son maître Ludwig von Mises) dans le débat sur l'impossibilité du calcul économique dans un système socialiste. Il savait pertinemment qu'aucune des formes du socialisme qui gouvernaient alors en Europe (communisme, fascisme et national-socialisme) n'apporterait aucun bien, mais seulement une plus grande misère. Mais il fallait encore montrer comment l'horreur profonde de l'État omniprésent, les massacres de masse, la destruction absolue de la liberté étaient des conséquences inévitables du collectivisme.

La thèse principale du livre est que les fins importent peu sur la voie du socialisme. Tous les régimes politiques qui suivent ce chemin terminent toujours par se ressembler comme deux gouttes d'eau, conduisant à la destruction de la démocratie et obligeant les gens à prendre la route de la servitude au pouvoir politique. Beaucoup arguaient (et arguent encore) du fait que le socialisme n'affecterait que la liberté économique, occultant le fait que sans propriété privé, nous sommes toujours à la merci des autres. Et quand l'unique propriétaire est l'État, la dépendance diffère très peu de l'esclavage.

Mais Hayek va plus loin. Pour ne prendre qu'un exemple, beaucoup s'imaginent qu'en fait il ne s'agit que d'un problème de personnes et que le socialisme peut être bon si les dirigeants le sont également. Ce que montre Hayek, c'est que ces dirigeants seront toujours les pires des criminels. Ce fait – corroboré à chaque fois par l'Histoire – se démontre facilement et logiquement : puisque pour gouverner de manière socialiste il faut imposer les fins collectives sur celles des individus, les dirigeants devront contraindre beaucoup de monde, vraiment beaucoup. Cette contrainte ira de l'amende jusqu'à l'assassinat, en passant par la prison et la torture. Seuls pourront diriger, dès lors, ceux qui n'auront pas peur de se salir ainsi les mains pour imposer leurs thèses, c'est-à-dire les éléments les plus vils de la société.

Le plus stupéfiant de ce livre est sa vivante actualité et l'intérêt qu'il suscite encore aujourd'hui. Ainsi, selon les listes des meilleures ventes publiées par Amazon et Barnes&Noble; – les deux plus grandes librairies virtuelles au monde –, le livre le plus acheté actuellement par les Américains est justement La route de la servitude. La publication de ce qui est présenté comme la « version définitive » de ce classique du libéralisme, présenté par Bruce Caldwell, dépasse ainsi le dernier livre de Stephenie Meyer, l'auteur de la saga Twiligh, et même la trilogie de Stieg Larsson. La recommandation de ce livre faite par Glenn Beck, un des analystes les plus en vue de Fox News, y est sans doute pour quelque chose.

C'est d'autant plus surprenant si l'on tient compte du fait que La route de la servitude fut publiée pour la première fois en 1943, a été rééditée à de nombreuses reprises et traduite dans des dizaines de langues. C'est clairement un des deux ou trois essais politiques et économiques les plus influents du siècle dernier, mais on reste surpris de voir un livre âgé de 65 ans détrôner les derniers best-sellers. Il faut certainement trouver une partie de l'explication de ce phénomène dans l'augmentation exponentielle de l'interventionnisme étatique qui est à l'origine de la crise économique actuelle et qui la prolonge encore.

Il est réconfortant de voir qu'au moins une grande partie des utilisateurs américains d'Internet reviennent aux classiques comme Hayek, cet Autrichien qui, en plein boom des théories collectivistes et alors qu'un grand nombre d'intellectuels occidentaux s'agenouillaient devant le socialisme soviétique, sut revendiquer les vertus de la liberté, de l'ordre spontané et des sociétés libres où les individus conservent le contrôle de leur propre vie. Raison pour laquelle il dédia son livre « aux socialistes de tous les partis », partant de la constatation qu'aussi bien la gauche que la droite défendaient (et défendent toujours aujourd'hui) l'étouffante intervention de l'État dans pratiquement tous les domaines de la vie. Une vision que Hayek dénonça avec une argumentation qui reste toujours autant d'actualité et que les internautes ont su apprécier.


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