Mon compte rendu de la réunion SFEN/CNAM d'hier ( voir la photo de la convocation ) ne peut être que dithyrambique : que de culture ! Que d'ingéniosité !
Parlons d abord du cadre général :le C2RMF ( centre de recherche et de restauration des musées de France a pour mission de mettre en œuvre, en liaison avec les conservateurs responsables des collections, la politique du service des musées de France de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Le LMRF laboratoire de recherche des musées de France est une équipe mixte de recherche (UMR 171) entre le CNRS (Département Chimie) et le Ministère de la Culture (Direction des Musées de France).
Situé dans les sous-sols du Palais du Louvre, cette unité a un périmètre pluridisciplinaire, entre les sciences chimiques et les sciences humaines et sociales. Ses grands thèmes sont l’identification chimique et structurale des matériaux du Patrimoine culturel, l’étude des procédés de leur élaboration et des mécanismes d’altération et de vieillissement .
Philippe Walter, le présentateur du 1er exposé est physicochimiste, co-directeur du laboratoire du centre de recherche et de restauration des musées de France.
En 1985, le Laboratoire installe un accélérateur de particules appelé Aglaé (accélérateur grand Louvre d'analyse élémentaire) long de 36 mètres pour des études de physique et chimie nucléaire adaptées aux oeuvres d'art. Les ingénieurs veulent répondre à une demande très limitative des conservateurs : « Étudiez ce que vous voulez mais sans toucher aux oeuvres et en particulier sans faire de prélèvement. » Il était évident que, pour avoir accès aux oeuvres les plus fragiles – papyrus égyptien, manuscrit enluminé, bijoux avec pierres précieuses serties, céramiques monochromes , dessins sur papier, peintures, etc., il fallait imaginer une analyse directe sur l'oeuvre elle-même, ce qui posait un problème de volume de l'oeuvre et de méthode d'analyse. Les ingénieurs d'Aglaé imaginèrent alors un faisceau de protons, extrait du tube de l'accélérateur à travers une fenêtre très mince en métal (quelques microns en aluminium), traversant une couche d'air remplacé par de l'hélium, et frappant l'oeuvre avec une énergie suffisante pour exciter la matière constituée de l'oeuvre qui émet des rayons, dont des rayons X caractérisés par des énergies spécifiques selon les éléments chimiques émetteurs. Des détecteurs enregistrent les informations qui sont traitées par une électronique adaptée. La méthode est rapide, non destructive et précise (qualitative et quantitative à partir de témoin). Aglaé, le seul accélérateur dédié à temps complet aux oeuvres et objets de musée et de bibliothèque, devenait unique grâce à l'aménagement du faisceau extrait et se mettait en lumière par l examen de quelques grandes pièces qui donnèrent des résultats spectaculaires : les yeux en cristal de roche et magnésite du magnifique scribe égyptien du Louvre , les rubis d'Ishtar de Babylone (3e siècle avant J.-C.), etc.
En réalité , le laboratoire ne s'interdit pas de faire appel à la panoplie de toutes les mesures analytiques possibles actuellement connues si cela s’avère nécessaire et ne se limite pas à l'usage d'Aglaé.
En outre la jonction en janvier 1999 du laboratoire et des ateliers de restauration des musées de France a entraîné de nouveaux besoins analytiques : sélectionner des appareils transportables, c'est-à-dire assez légers et pouvant fonctionner de manière autonome, et analyser directement l'objet sans prélèvement d'échantillon…Je ne donnerai pas à mes lecteurs la liste de toutes les méthodes possibles mais retenez que si les examens donnent la composition quantitative de tous les métaux ou combinaisons chimiques présents , mêmes à l'état de traces, cela donne en quelque sorte une identité génétique aux prélèvements ou aux tests opérés sur l'œuvre…rien de tel pour analyser le mode opératoire et les matériaux de l'artiste, les problèmes d'altération de retouches, de réparation ou surtout de faux !
Philippe WALTER a donné plusieurs exemples et mes photos vous les présentent …
L'un d'eux concerne l'usage des cosmétiques qui remonte en fait à la Préhistoire : il y a 4 000 ans, les anciens Egyptiens utilisaient le plomb afin de concevoir des fards autour des yeux dotés de vertus diverses, non seulement esthétiques ou religieuses mais pour certaines peut-être meme médicales. Pour mieux vérifier cet usage, les chimistes ont tenté d’évaluer l’impact de très faibles quantités de plomb sur une cellule de la peau. Résultat : à très faibles doses, le plomb ne tue pas la cellule. Il induit la production d’une molécule, le monoxyde d’azote, connue pour activer le système immunitaire.
Un autre exemple concerne la tête en verre bleu achetée en 1923 par le musée du Louvre. Elle fut d’emblée attribuée au Nouvel Empire.
Outre le raffinement des couleurs, deux bleus jouant l’un avec l’autre, le style du visage permettait de l’assigner soit au règne d’Aménophis III (vers 1391-1353), soit aux alentours du règne du jeune Toutankhamon (vers 1336-1327), Le dossier était de surcroît troublé par l’ excitation qui régnait alors, car la tête fut achetée quelques mois seulement après la découverte du célèbre tombeau.(1922). La discussion fut âpre pendant les décennies suivant son achat pour essayer de mettre un nom sur ce visage car il y avait des ambiguïtés de style et des interrogations sur ces couleurs … Aucun musée n aime asseoir sa réputation sur des pièces douteuses ou de datation impossible … Le marché de l art égyptien , tellement actif avant les années 1920 et l espoir du lucre facile ont pu avoir inspiré l’art du faussaire de la tête bleue mais l’ enquête du Labo a pris soin d’étudier les techniques de fabrication et les matériaux employés à l’époque et de se constituer une base de données sures pour la composition analytique des matériaux employés dans l’Égypte antique…L’étude montre donc que la tête est de fabrication moderne
D 'autres exemples sont donnés ( retable de COLMAR etc;)
Maria Filomena GUERRA, est Directrice du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (UMR171), Palais du Louvre à Paris.
Physicienne nucléaire de formation elle présente un 2ème exposé passionnant sur l'or et l'argent utilisé dans les monnaies avant et après la découverte du Nouveau Monde …
Là encore une analyse détaillée et quantitative de tous les éléments contenus dans une pièce de monnaie notamment les célèbres pièces de huit espagnoles ou les monnaies portugaises permettent de localiser si l'or et l l'argent viennent de l'Afrique et de l'orient ou des nouvelles mines d'or découvertes en Amérique du sud ( la mine d'argent du POTOSI) et de caractériser la circulation et l'origine des matières précieuses à diverses époques ainsi que détecter les faux qui peuvent être proposés sur le marché des numismates.
Laurent CORTELLA à ARC-Nucléart définit le champ d activité de cette société.
Né, il y a quarante ans, de la nécessité de répondre aux besoins de préservation d’éléments du patrimoine historique et de conservation des vestiges archéologiques issus des fouilles sub-lacustres, ARC-Nucléart est devenu, en 1997, un groupement d’intérêt public culturel à l’initiative de plusieurs partenaires, l’Etat, le CEA, le Conseil régional Rhône-Alpes, la Ville de Grenoble, l’association ProNucléart. Implanté sur le site du centre de recherche du CEA-Grenoble, il a pour mission:
- la conservation et la restauration des objets en matériaux organiques (bois, cuir, fibres) produits par les hommes dans tous les domaines de leur activité
- la recherche destinée à étudier les matériaux dégradés et développer de nouvelles méthodes de traitements.
Fragilisés, les objets du patrimoine nécessitent, pour pouvoir être conservés et présentés au public, des opérations de consolidation et de restauration. Dans des locaux équipés d’installations de haute technicité, sur une surface de 3000 m2, une équipe pluridisciplinaire (chimistes, physiciens, techniciens, restaurateurs, conservateur, personnel administratif) se consacre à la sauvegarde du patrimoine, intervenant sur les collections des musées ou dans les monuments historiques, mais aussi sur les chantiers de fouilles pour assister les archéologues.
Le laboratoire ARC-Nucléart a été créé dans les années 1970 au centre CEA de Grenoble , après le développement d’un procédé de consolidation du bois, utilisé alors pour restaurer un parquet du XVIIIème siècle dans l’ancien hôtel de ville de Grenoble. Ce procédé « Nucléart », utilise les propriétés du rayonnement gamma pour désinsectiser d’une part, consolider d’autre part des matériaux poreux, à l’aide d’une résine radiodurcissable . L’activité de l’atelier a été complétée, depuis, par d’autres méthodes de traitement et de restauration pour des collections archéologiques, historiques et ethnographiques . Sa célébrité lui vient de son intervention sur la momie de RAMSES II atteinte par les champignons et qui n a pas résisté à une irradiation par les gamma du cobalt 60.