Retraites : le fonds du tunnel, ou pas.
Le suspense intenable de la réforme gouvernementale sur les régimes de retraite va cesser. Eric Woerth annoncera son projet le 15 juin, à quelques jours des vacances d’été. Le ministre aura attendu le plus longtemps possible pour évacuer toute contestation et tout débat. Il savait, à l’instar de Nicolas Sarkozy, que les protestations ne pourraient se cristalliser faute de propositions gouvernementales concrètes. Cette date du 15 juin a été décidée mardi 8 juin au matin, par Nicolas Sarkozy lui-même, lors de son habituel petit-déjeuner hebdomadaire avec les responsables du camp présidentiel. A date, les points connus sont (1) l’allongement de la durée de cotisation, (2) le recul de l’âge minimal de départ à la retraite (actuellement de 60 ans), (3) le recul de l’âge permettant une retraite à taux plein (actuellement de 65 ans), (4) l’absence de prélèvement supplémentaire sur l’épargne, (5) une contribution modeste des hauts revenus, (6) un régime dérogatoire en cas de pénibilité médicalement prouvée par un médecin.
Deux nouvelles informations furent lâchée ce mardi, l’une par George Tron, l’ex-villepiniste devenu secrétaire d’Etat à la Fonction Publique: ce dernier a laissé entendre que les cotisations vieillesse de la Fonction publique devraient être relevées au niveau de celles du secteur privé (7,85% contre 10,55%). Cette augmentation retirait 720 millions d’euros aux rémunérations des fonctionnaires. Pour mémoire, le montant des pensions des fonctionnaires ne représente que 21% des 239 milliards de dépenses d’assurance vieillesse du pays, soit 49 milliards d’euros. L’autre information concerne la future contribution des hauts revenus, révélée par l’AFP : ces derniers supporteront une taxation spéciale et temporaire sur les hauts revenus, fixés à 11.000 euros par mois. Notez l’effort : il sera temporaire, alors que la réforme pour les autres sera définitive. Le seuil de 11 000 euros n’est pas anodin. Xavier Bertrand avait annoncé qu’il ne souhaitait pas que l’on affecte les classes moyennes supérieures.
Les bébés… à la consigne
Nadine Morano a également tenu bon, pour le plus grand désarroi des parents et des personnels de crèche. Le fameux décret qui prévoit l’augmentation du surnombre d’enfants par classe de crèche certains jours de semaine, a été publié mardi 8 juin. Désormais, les classes pourront être surchargées à 15% pour les crèches de plus de 20 places et à 10% pour les établissements plus petits. Le décret augmente également la proportion de personnels peu qualifiés dans les effectifs d’encadrement des crèches. La ministre de la Famille a expliqué qu’elle souhaitait en fait élargir la palette des recrutements, en l’ouvrant davantage aux titulaires de certificats d’aptitude professionnelle (CAP) et de brevets d’études professionnelles (BEP) Petite enfance ayant trois ans d’expérience. Surcharger les classes, réduire la formation de l’encadrement, … La logique comptable du gouvernement a encore frappé. Rappelons que le candidat Sarkozy avait promis d’augmenter de 200 000 le nombre de places en crèche. Il n’avait effectivement pas précisé qu’il pensait trouver une partie de ces places manquantes dans les établissements existants… Pour faire bonne figure, Morano a précisé que le gouvernement allait pérenniser les «jardins d’éveil», qui s’occupent des enfants entre la sortie de la crèche et l’entrée en école maternelle (à 3 ans). Le hic est que Luc Chatel a précisément identifié la suppression de la scolarisation des enfants entre 2 et 3 ans dans ses pistes d’économies demandées aux recteurs d’académie voici 15 jours…
La réforme territoriale… de l’UMP
Pendant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait été étonnamment discret sur ses projets en matière de réforme territoriale. A peine élu, il avait rejeté l’idée de supprimer les départements, proposée par la funeste commission de Jacques Attali constituée après son élection: «Je ne crois pas que les Français sont prêts à renoncer à la légitimité historique des départements» avait-il déclaré en janvier 2008. Un an plus tard, le Monarque félicitait son ancien mentor Edouard Balladur (dont il partage l’actualité ces derniers temps dans l’affaire du Karachigate), à propos de ses propositions de réforme territoriale. A l’époque, Balladur et sa commission suggéraient de fusionner les régions et départements volontaires.
Mardi 8 juin, les députés ont été seuls à voter en faveur de la réforme des collectivités. Leurs collègues supplétifs du Nouveau Centre se sont abstenus, sur instruction élyséenne. Ils voulaient s’opposer. La mesure phare de la réforme est la fusion des 6 000 conseillers régionaux et généraux en 3 471 conseillers territoriaux qui gèreront les deux échelons, régional et départemental. Ces derniers seront élus pour 6 ans, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Le nombre minimal de conseillers territoriaux a été fixé à quinze par département. Leur répartition géographique est loin de respecter la taille des territoires et procède plutôt d’un charcutage peu démocratique. Le mode de scrutin retenu, uninominal et non plus proportionnel sur liste, affaiblira grandement la parité et le pluralisme. On estime que la part des femmes élues, après cette réforme, tombera de 47% à 17%. Comme le rappelait Sophie de Ravinel pour le Figaro, «Il est donc à craindre que la réforme n’entraîne une forte régression du nombre de femmes élues locales.» Maigre lot de consolation, la réforme prévoit que (1) «lorsque les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste, le délégué suppléant est de sexe différent du délégué titulaire», et (2) un moindre remboursement des dépenses électorales pour les partis ou groupements politiques ayant un écart de plus de 2% entre les candidats des deux sexes.
Comme dit la maxime, les promesses n’engagent que ceux qui les croient.
Par Juan pour Sarkofrance