Source : TOTALe Impunité, de Jean-Philippe Demont-Pierot
Le sous-sol canadien contient du pétrole sous une forme de bitume très visqueux mélangé avec du sable qui nécessite des techniques d’exploitation très complexes, énergivores et néfastes pour l’environnement.
Selon les projections faites par les ingénieurs, le Canada qui produit déjà un million de barils par jour grâce à ce sable bitumineux deviendra dans l’hypothèse d’une exploitation intensive, l’un des plus gros pays producteurs, dépassant l’Irak et l’Iran.
Jean-Philippe Demont-Pierot , auteur de l’enquête TOTALe impunité rappelle les raisons exposées par les associations écologistes pour s’opposer à l’exploitation des sables bitumineux.
1. Energivore !
Comme indique le journaliste Jean-Philippe Demont-Pierot, auteur de l’enquête TOTALe impunité, le problème réside dans le fait que ce « pétrole non-conventionnel n’en n’est pas vraiment et ne jaillit pas sous forme de geysers sur lesquels il suffit de mettre un robinet ! » En fait c’est du bitume, une sorte de boue visqueuse faite de sable et d’hydrocarbures qui affleurent dans des mines à ciel ouvert.
Il faut donc toute une infrastructure très complexe et coûteuse pour le traiter et le raffiner. Il faut un baril de pétrole conventionnel pour en extraire deux à partir du sable, au point que « Total envisage l’utilisation de mini-réacteurs nucléaires pour trouver l’énergie nécessaire à ce traitement », affirme Demont-Pierot.
D’après le CERI (Energy Research Institute), institut de recherche installé à Calgary, 25 réacteurs nucléaires produisant de la vapeur et de l’électricité seraient nécessaires d’ici à 2025 pour assurer la production de bitume.
2. Déforestation !
L’impact néfaste sur l’environnement est incontestable. Dans les régions productrices au Canada il faudra raser des forêts entières. A ce jour, près de 4 000 km2 de forêts (plus que la superficie du département du Vaucluse) ont été détruites et 200,000 km2, soit plus du quart de la superficie de la France, devraient l’être dans les années à venir.
3. Excès de déchets
Quant aux déchets miniers, ils couvrent déjà une superficie de 130 km2.
4. Raréfaction des ressources en eau
Il faut 6 barils d’eau pour produire un baril de pétrole canadien. Résultat : 25 % de l’eau douce de l’Alberta est utilisée pour le traitement du bitume, ce qui a pour conséquence une sécheresse très préjudiciable pour la région. Il faut ajouter à cela que des rivières ont été détournées pour fournir l’eau nécessaire au traitement de ce bitume.
5. Destruction de la biodiversité
Les oiseaux migrateurs, les animaux vivant dans les forêts rasées, sont menacés. 50 % des populations de caribous (espèce de cerfs) ont déjà disparu des zones du nord-est de l’Alberta. En avril 2008, cinq cents canards se sont retrouvés mazoutés.
6. Rejet massif d’agents polluants
Des dommages collatéraux, 3 000 tonnes de souffre sont extraites par jour et des métaux lourds se retrouvent dans l’atmosphère suscitant des pluies acides dévastatrices ou dans les nappes phréatiques. L’Alberta est ainsi devenue aujourd’hui la province canadienne la plus polluée au niveau atmosphérique.
7. Incidence sur la santé publique
Les médecins ont noté des taux de cancers et de maladies auto immunes dans la population locale nettement supérieurs à la moyenne nationale.
8. Impact sur le plan social
Le fait que les compagnies pétrolières ont fait venir une main-d’oeuvre payée à prix d’or (plusieurs milliers de techniciens et d’ouvriers qualifiés) a provoqué une très forte inflation des prix précarisant les populations locales d’origine indienne qui ne bénéficient peu des possibilités de recrutement.
Cela suscite des déplacements de ces populations et l’aggravement de conduites de désespoir (alcoolisme, toxicomanie, délinquance, prostitution, etc.).
9. Émissions de gaz à effet de serre
Au-delà de ces conséquences pour le Canada, la planète n’est pas épargnée. Selon les scientifiques, la production d’un baril de pétrole canadien issu des sables bitumineux émet trois fois plus de gaz à effet de serre (GES) qu’un baril de pétrole conventionnel, soit près de 750 kg de CO2. 100 millions de tonnes de GES seront ainsi rejetés dans l’atmosphère d’ici à 2015.
10. Le poumon de la planète menacé
De plus la destruction de la forêt boréale constituée de bouleaux et de conifères, 35 % du territoire canadien, qui « nettoie » actuellement l’atmosphère de 200 milliards de tonnes de CO2 chaque année ne pourra plus jouer ce rôle essentiel de poumon. Ainsi il s’avère impossible que le Canada respecte ses objectifs fixés par le protocole de Kyoto. Ses émissions de GES ont en effet explosé de plus de 25 % depuis 1990 malgré son engagement à les réduire de 6 % par rapport à la même année. La cause en est directement imputable à l’exploitation des sables bitumineux, ce qui fait de ce pays le plus mauvais élève de la communauté internationale en matière d’émission de CO2.