Une France douce et tranquille

Publié le 10 juin 2010 par H16

Quand on ne sait pas de quoi parler, il suffit d’aller faire un tour dans la rubrique « Faits Divers Sordides ». En général, on trouve rapidement de quoi s’alarmer. Mais le mieux, c’est quand, en plus de l’aspect Sang & Tripes, on peut ajouter une dosette de ministre qui va corser l’arôme…

Pour ce qui est du ministre, on a de surcroît le choix puisqu’on peut prendre du Chatel lyophilisé, au goût de sucrette un peu fadasse, ou une mignonette d’Hortefeux bien poivrée avec ce délicat fumet de testostérone de synthèse.

Par exemple, on pourrait parler de la récente introduction d’options innovantes au bac et au brevet. Pour le bac, il s’agit des cours de coutellerie / charcuterie. Relaté par la presse locale, cela nous a tout de suite cet inimitable parfum d’aventure orthographique et grammaticale propre aux banlieues riches d’une jeunesse parfois toute déçue.

On apprend ainsi que, malgré les vigoureuses actions préventives et finement calibrées du ministre en charge de l’Education Nationale (ou de son prédécesseur, peu importe), la violence s’étend à l’école, pourtant sanctuaire du savoir et de la citoyenneté écoconsciente et plein de bisous gnagnagna.

Dans le cas qui nous occupe ici, c’est un peu confus : un ancien élève a été poignardé dans son établissement, nous indique le titre ; il s’agit donc de son ancien établissement, en toute logique. Et il a été poignardé par un type qui n’est pas du lycée et qui aurait pénétré dans son enceinte grâce à un troisième larron qui lui, en était. Vous me suivez ? Deux personnes extérieures à ce lycée ont donc décidé de s’introduire subrepticement dans cet endroit pour s’y pouiller un bon coup.

On se perd en conjecture quant au QI des individus en question qui ont éprouvé le besoin compulsif irréfrénable de se battre dans un endroit dans lequel, selon toute vraisemblance, ils ne se plaisaient pas des masses, puisqu’avec une lecture attentive, on apprendra aussi que la victime avait été expulsée en mai de l’établissement dans lequel elle foutait le boxon, pour le dire gentiment.

Bref.

Luc Chatel, la sucrette de cette information palpitante, a donc décidé de bander ses petits muscles, de froncer violemment ses sourcils et de pousser jusqu’à faire une déclaration, paf, d’un coup comme ça : il condamne l’agression avec la plus grande fermeté.

Bam. Comme ça. Fermeté, condamnation, paf. Avec Chatel, ça ne traîne pas.

Nous voilà rassurés.

Ah non, zut, pas totalement : dans le même temps et de façon beaucoup plus discrète, c’est dans un collège que pendant qu’on se perforait à Aubervilliers, d’autres élèves de Lille exploraient la nouvelle option « self-défense » du brevet et se refaisaient le portrait à coup d’économe (pour rappel, il s’agit dans ce cas d’un épluche-légume et non d’un type prévoyant dans ses finances, cette espèce ayant totalement disparu de France depuis le milieu du XXème siècle environ).

Tiens, là encore on apprend que le pov’tibou qui a essayé d’éplucher son camarade de classe était un multirécidiviste de l’expulsion d’établissement. Je suppose qu’ici, Chatel va retrousser ses manches et condamner vigoureusement l’épluchage.

De loin, ces situations très différentes (au-delà des armes utilisées, sachons prendre du recul) montrent tout de même quelques similarités. Il semble ainsi maintenant clair qu’expulser un élève dont le caractère violent est avéré pour le placer dans un autre établissement, pas mieux et pas pire que le précédent, ne résoudra en rien le problème.

Certes, on n’est guère étonné : le personnel enseignant, les psychologues, le personnel médical, tous sont d’accord pour dire qu’il y a comme un petit souci dans la réponse apportée. Et cette remarque existe depuis des années. En réalité, on se demande un peu ce que fabrique le ministère. Et le précédent. Et le précédent avant lui.

Ah oui : il condamne fermement patati et est tout conforté dans sa résolution de traiter le problème patata.

Cette attitude toute déterminée et pleine de résolution ferme me rappelle les gélules de protéines à l’hortefax 2010, une molécule qui mime la testostérone dans ses effets indésirables sans aucun des effets bénéfiques.

Et le dernier exemple de la cure d’hortefax 2010 que la France subit est, là encore, dans la rubrique des faits divers sordides, illustration courante des petits soucis auxquels la République Démocratique Populaire du Bisounoursland est confrontée de façon un peu trop fréquente récemment.

Pour le coup, la police a réussi à choper l’un des (présumé) agresseurs/violeurs/voleurs qui sévissait il y a quelques semaines en Isère. Et comme par hasard, on tombe là encore sur un multirécidiviste joyeux, fringant et en liberté, qui aura donc réussi à ajouter à son palmarès un nombre assez consternant de crimes que le citoyen républicain réprouvera en faisant, par exemple, une grève de bisous.

De son côté, le ministre qui fait les poussières s’occupe de l’Intérieur a donc saisi au vol tout naturellement et dans l’humilité et la modestie qui le caractérisent l’événement pour le commenter ainsi :
« Ces interpellations sont une nouvelle démonstration qu’il n’y a pas d’avenir, en France, pour les délinquants. La puissance publique finit toujours par l’emporter sur les crapules. »

Vent de panique chez les députés. Stupeur au gouvernement. Tronches terrorisées au Parti Socialiste (Dray a déjà fait sa valise). Le retour au calme ne fut possible que lorsqu’il fut bien compris que les crapules dont parlait Brice étaient celles qui n’avaient pas de mandat électoral.

On appréciera au passage la précision chirurgicale du ministre quand il parle de « délinquants » pour des minables raclures de collecteur d’égouts qui ont séquestré, violé, volé, torturé des citoyens républicains qui auraient nettement préféré passer en mode bisou.

On goûtera aussi au sel hortefoïde lorsqu’on notera qu’il aura fallu autant de temps et autant d’actes ignobles avant que la République chope le dernier étron, ce qui relativise prodigieusement la déclaration du ministre (pour le coup, il est bien plus à blâmer que les policiers qui eux, ont réellement fait leur travail sans faire le bruit que leur patron qui s’agite provoque avec ses phrases étourdissantes de niaiserie).

Ces quelques faits divers, même en tenant compte du montage en épingle qu’offre la presse dans ces cas-là, montrent en réalité que quelque chose de pourri s’est installé dans le paysage : il y a, à n’en pas douter, un lien direct entre la violence qu’on observe à l’école et celle qu’on retrouvera, ensuite, dans la rue, tous les jours. Il y a un lien aussi entre le laxisme et l’absence de réponse concrète, ferme et durable dans le temps, entre les différents systèmes qui, en pratique, encadrent l’individu au moment où il se construit puis au moment où il est indépendant et théoriquement responsable de ses actes.

Depuis des décennies, on a instillé l’excuse (sociale, économique, conjoncturelle, etc…) et la fuite sprintée dans l’utilisation de toute force pour contrer la violence pour les ériger en méthode indépassable de « résolution » de conflits.

On a, d’un côté, encouragé les gens à se reposer sur l’état au moindre petit bobo de la vie, à la moindre contrariété, cherchant dans le Léviathan une réponse à toutes leurs interrogations et une solution à tous leurs malheurs, petits ou gros (mais d’abord petits). On aboutit à tout une caste de crevettes sans carapace, molles et grégaires, incapables d’imaginer qu’une (grosse) partie de la solution réside d’abord en elle.

De l’autre côté, on s’est empressé de créer un boulevard à la comprenite, la comprenure et au comprenage social, qui permettent d’insérer le pov’ti’déçu dans un contexte où on admet sans peine que toute autre voie que la violence et le crime est impossible. On y aura ajouté une dose de « c’est notre faute » à la fois culpabilisante, électoralement bénéfique et financièrement juteuse, et l’affaire fut vite pliée : moyennant un cheptel de crevettes molles et grégaires toujours plus nombreuses et toujours plus molles, on arrivera à camoufler un nombre de raclures toujours grandissant.

L’emmerdant, c’est l’effet ciseau, lorsque le nombre des derniers augmente plus vite que le nombre des premières.

Et lorsqu’il se produit, les discours à la testostérone artificielle et les les sourcils méchamment froncés semblent alors foutrement insuffisants.