Le lièvre de Patagonie (Claude Lanzmann)
Le titre de l’autobiographie de Lanzmann fait référence au livre de Silvina Ocampa « Le lièvre doré ». Les lièvres de ce livre tentent d’échapper aux chiens.
Avant-propos
Claude Lanzmann annonce qu’il n’a pas écrit directement ce livre mais l’a dicté à Juliette Simon, son adjointe à la direction de la revue Les Temps Modernes. Et quand Julie était empêchée, Lanzmann dictait à Sarah Streliski, talentueux écrivain. Lanzmann avait le désir d’écrire ses mémoires mais n’était pas sûr d’en avoir la force après l’effort colossal donné à la réalisation de Shoah.
Chapitre 1
Lanzmann révèle que la peine capitale - et les différentes administrations de la mort – auront été les grandes affaires de sa vie. D’abord après avoir vu le film « L’affaire du courrier de Lyon » puis les wagons de 1941 acheminant les Juifs vers les camps. Lanzmann évoque l’assassin Eugen Weidmann, un Allemand qui tuait froidement ses victimes qui fut guillotiné devant la prison de Versailles. Ce fut la dernière exécution publique en France. Lanzmann est très marqué par l’existence de la peine de mort en France et il le dit, évoquant la guerre d’Algérie et les condamnés à la guillotine suite à cette guerre. Lanzmann et sa maîtresse, Simone de Beauvoir militaient dans les années 60 contre la peine de mort et tentaient vainement d’empêcher les exécutions. Lanzmann rend hommage aux héros du réseau de Resistance anti-nazi la Rose Blanche qui ont été décapités à la hache. Il évoque également les exécutions en Chine qui se font d’une balle dans la nuque. Il pense qu’il y a une universalité des victimes et des bourreaux. Pour lui l’horreur a culminé à Camberra, en Australie. Dans le musée de la guerre il a vu des photos d’un Australien décapité par un Japonais. Le bourreau adressa à ses proches une lettre dans laquelle il racontait les détails de l’exploit. Lanzmann évoque ensuite les fusillés espagnols au temps des guerres de Napoléon et la représentation qu’en fit Goya. Lanzmann relate également l’exécution des anti-Franco par garrotage. Il s’interroge sur la prospérité de la peine de mort aux Etats-Unis et dans les pays arabes. Il avu des films sur ces exécutions qu’il a trouvés insoutenables.
Chapitre II
Claude Lanzmann aime la vie et se demande comment il aurait réagi s’il avait été torturé. Il évoque Baccot, un élève de la classe de philosophie qui voulut rejoindre le réseau de Résistance de Lanzmann, réseau communiste du lycée Blaise-Pascal. Il y avait également dans le lycée des vichystes et des proches de la milice qui avaient identifié les résistants. Par son contact, Aglaée, Lanzmann recevait et diffusait des dénonciations des crimes nazis, et des poèmes d’Aragon, d’Eluard, des textes de Vercors. Ce qui paraît incompréhensible à Lanzmann c’est qu’il y avait trois Juifs en hypokhâgne dans son lycée en 1943 inscrits sous leurs noms véritables et dont il faisait partie. Il vait une carte d’identité sur laquelle était inscrit le mot « Juif ». En 1938, Lanzmann était en 5è au lycée Condorcet et il fut terrorisé par la violence de l’antisémitisme dans ce lycée parisien. En octobre 1939, la famille Lanzmann partit pour Briaude. Son père y avait été envoyé comme « affecté spécial » pour la défense nationale. Les Lanzmann avaient des amis à Briaude. Ils ne se détournèrent pas des Lanzmann avec l’avènement de « L’Etat français ». Claude Lanzmann se fit un ami, un Juif polonais très brillant qui suscitait l’envie au point d’être attaché à un arbre par ses camarades mais sans que ces brimades soient antisémites. Cet ami, Freiman, fut raflé avec sa famille à l’été 1942. Le père de Claude était résistant et fournit des faux papiers à ses enfants. Lanzmann devint Claude Bassier puis Claude Chazelle. Le père de Claude fit inscrire son fils comme interne à Blaise Pascal sous son vrai nom après le bac en 1943 car il lui semblait que l’internat lui assurerait une meilleure protection. Son père était membre des Mouvements unis de la Résistance et il ignorait que Claude faisait partie des Jeunesses communistes. Le proviseur avait pris le risque d’inscrire trois Juifs dans on lycée. Claude était assigné par le PC à la réception de valises d’armes à la gare de Clermont-Ferrand. Il avait recruté une autre Juive, Hélène Hoffnung dans cette tâche. Baccot était devenu membre d’action du PCF et avait abattu des Allemands et des miliciens à Clermont-Ferrand. Il fut pris et se suicida. La question du courage et de la lâcheté est le fil rouge de ce livre et de la vie de Lanzmann. Il se reproche d’avoir été inconscient de ses faits de résistance. Lanzmann évoque les membres du commando spécial et leur courage, leur volonté de vivre malgré tout. Ils laisèrent des écrits enfouis dans la terre des camps qui furent retrouvés en 1945 et 1962. Lanzmann parle de son film « Tsahal ». Il a voulu démontrer que les jeunes combattants de l’armée israélienne sont demeurés en leur tréfonds les mêmes que leurs pères. Ils n’ont pas la violence dans le sang, ils savent donneur leur vie mais ils ne la mettent pas en jeu pour l’honneur.
Chapitre III
Lanzmann évoque le pilote anglais Richard Hillary qui mourut en 1943 dans l’accident de son bombardier. Lanzmann est passionné par les avions. Il devint lecteur à la Freie Universitat de Berlin en 1949 et prit l’avion pour la 1ère fois. Il avait peur d’aller à l’Est et se souvient que le Protocole de la conférence de Wannsee stipulait clairement « Peigner d’ouest en est » c’est-à-dire éliminer les Juifs d’ouest en est. Le père de Claude, la paix revenue, avait continué à vivre à Briaude et y demeura dix ans. Claude y passa ses vacances pendant l’été 1945. C’est là que Claude obtint ses brevets de vole à voile. Mais il avait dû abandonner car sa vie avait été happée par d’autres urgences. Seul le souci du vrai a animé Lanzmann. C’est pourquoi il a tourné « Tsahal », un film sur l’armée israélienne au cours duquel il a vu les pertes humaines. C’est Itzhak Rabin, alors ministre de la Défense, qui, en 1987, lui avait demandé ce film. Lanzmann avait d’abord répondu non. Car Rabin voulait un film sur la guerre d’indépendance. Lanzmann proposa un film sur la réappropriation de la force et de la violence par les Juifs d’Israël et Rabin lui avait ouvert les portes de Tsahal sans rien cacher. Lanzman a participé à la vie quotidienne des soldats et a piloté des tanks. Il a également pu embarquer sur un avion F16. Il a discuté avec un pilot qui a vu « Shoah » et qui a participé à la destruction du réacteur nucléaire irakien. Le pilote a dit à Lanzmann qu’il volait pour son pays mais aussi pour son grand-père mort dans la Shoah. Lanzmann a été amenédans un Phantom qui vole à 2500 km/h. Il a résisté à la pression et à la vitesse des deux avions et n’a pas vomi. Les pilotes ont tenu ça pour énorme.
Chapite IV
Nous voici en juin 1940. Lanzmann avait écouté le discours de Pétain à la radio. Claude avait un chien, Draggy, et son père lui dit qu’il ne pourrait plus le garder cr les Lanzmann devaient à présent passer inaperçus. Draggy était un bébé danois et dans quelques mois il serait trop grand. Le chien devait être vacciné et donné à quelqu’un mais le vétérinaire se trompa et lui infligea une piqure mortelle. Claude et son frère Jacques partirent aux vendanges dans le Gard. Ils furent protégés par Jacky, un marin que Claude vit se branler la nuit. Claude et Jacques gagnèrent leur premier argent. A leur retour, ils donnèrent tout leur gain à leur père qui sous-loua deux chambres à un certains M. Legendre, cadre supérieur dans une entreprise repliée à Briaude. Legendre habitait le 1er étage et son assistante également en vis-à-vis. A cette époque le père de Claude, Jacques et Evelyne vivaient avec Hélène, une belle normande de Caen pas juive du tout. Ils entendaient Legendre et son assistante faire l’amour, cela durait trois minutes. Jacques et Claude allaient les épier. Ils virent la maîtresse de Legendre nue. Claude imaginait qu’il la possédait. Legendre et Denise, son assistante, quittèrent Briaude au printemps 1941. Les choses sérieuses pouvaient commencer. Il y eut les lois antijuives d’octobre 1940 et de juin 1941 et les premières arrestation de Juifs étrangers. Le père de Claude avait creusé une cache dans laquelle ils devraient se réfugier en cas d’alarme. Leur père les entraîna à courir vers la cache en cas d’alarme et il chronométra ses enfants pour qu’ils soient de plus en plus rapides. Après les grandes rafles de l’été 1942, le père de Claude résistant, avait pris des contre-mesures. Il organisa des patrouilles nocturnes à bicyclette. Les Allemands avaient envahi la zone sud en novembre 1942. Ils étaient donc à Briaude. Claude Lanzmann raconte que sa mère et son compagnon, le poète Manny de Boully avaient été emmenés par les miliciens au siège de la Gestapo à Orléans où ils furent cuisinés un jour entier. Ils avaient des faux-papiers. Le poète s’appelait à ce moment Claude Pascal et Paulette, la mère de Claude, avait des papiers au nom de Aicha Bensoussan. Elle pensait que c’était un nom exotique mais se savait pas que c’était un nom juif. Claude dit qu’elle était juive de façon éclatante et que les miliciens l’avaient arrêtée au faciès. Quant à Manny, il était circoncis. Mais il avait si peur que son pénis s’était rétracté et les prétendus médecins allemands ne virent aucune circoncision. Le commissaire d’Orléans connaissait le poète Max Jacob mais aussi Manny et Paulette car il était lui-même poète. Il se porta garant d’eux auprès du chef de la Gestapo et arracha leur libération avec autorité. Il les emmena à la gare en partance pour Paris. Le commissaire s’appelait Jean Rousselot. Claude avait cinq ans quand revenant de l’école avec son frère et sa soeur il trouva sa maison de Vaucresson déserte avec un mot sur la table de la cuisine. Sa mère leur expliquait qu’elle n’avait pas d’autre choix que partir mais qu’elle les aimait.C ‘était en 1934, Claude était soulagé car il avait peur d’un accident quand il voyait ses parents se disputer. En 1942, une voyante lui avait prédit qu’elle ne reverrait pas ses enfants alors elle envoya Manny pour les voir. Many donna à Claude des nouvelles de sa mère.
Chapitre V
Claude partir à Paris avec des faux papiers. Il s’appelait désormais Claude Bassier. Quand il arriva, 97 rue Compan où sa mère et Monny habitaient, le concierge lui apprit que des Allemands en civil étaient venus la veille, sur dénonciation, arrêter Paulette. Mais qu’ils avaient proposé d’acheter sa liberté contre beaucoup d’argent. Elle n’avait pas d’argent mais négocia une somme plus faible. Manny et Paulette survivaient grâce au salaire de Manny qui était courtier en livres anciens. Paulete partit se réfugier chez sa soeur Sophie qui fut protégée des rafles par son mari vénitien. Claude put voir sa mère le soir même grâce au concierge. Paulette voulut honorer la négociation avec les Allemands seule contre toute sa famille. Elle se rendit au rendez-vous fixé par l’Allemand et lui donna un peu d’argent et promit de donner le reste plus tard. Elle ne revint jamais. Paulette voulut emmener Claude chez André pour lui acheter des chaussures mais elle était incapable de choisir. Cela dura longtemps et elle attira l’attention alors, effrayé, Claude s’enfuit. Claude a laissé sa mère dans une situation dangereuse et s’est jugé « antisémite » à cause de sa fuite et de sa lâcheté. En 1938, au lycée Condorcet, Lévy, un des camarades de Claude, se faisait rosser tous les jours sous le regard complice des surveillants. Et Claude n’avait su intervenir. Lanzmann a compris ce qu’il ressentait en lisant « Réflexions sur la question Juive » de Sartre. Il s’est senti autorisé à vivre. Il a lu son portrait dans ce livre. Claude évoque son grand-père maternel, Yankel qui a fui les pogroms en Russie pour venir à Paris et qui est mort d’un cancer de la vessie. Il fit fortune dans la brocante en vendant des meubles pour le cinéma à Hollywood. Un des fils de Yankel fut assassiné par la femme de celui-ci. Elle était enceinte et accoucha en prison. Yankel ne voulut jamais voir l’enfant. Itzhak, le grand-père paternel ressemblait à Chaplin et faisait rire Claude par ses mimiques. Il avait changé son prénom et était devenu M. Léon. Il venait de Biélorussie. Lui et sa femme Anne devinrent experts en mobilier ancien. Ses parents se disputaient souvent. Une nuit sa mère rentra alors que le père de Claude excédé l’attendait avec un couteau. Elle le défia et il sortit un petit pistolet et tira des coups en l’air. A 7 ans, Claude se sentait responsable de ses parents, de son frère et de sa soeur. La famille quitta Paris pour Vaucresson. Elle avait un chien baptisé Nanouk. Pendant un an, après le départ de sa mère, Claude et son frère se retrouvèrent en pension chez une veuve du Perche près de Nogent le Rotrou. Son père allait le voir et un jour il vint avec sa nouvelle femme, Hélène. Il ne voyait sa mère qu’une ou deux fois l’an. Les grands-parents paternels avaient coupé tout lien avec le passé pour se changer en paysan français au moins cinq ans avant la guerre ce qui leur permit de survivre dans la zone occupée en gardant leur patronyme.
Chapitre VI
En février 1944, Claude sut que son père était résistant. Il dit à son père que lui aussi résistait au sein des Jeunesses communistes. Son père lui fit une offre sérieuse, intégrer son fils dans les MUR et combattre les Allemands avec lui. La Gestapo était au courant de ce que faisait Claude et allait l’arrêter. Alors il quitta le lycée Blaise Pascal. Une demi-heure après son départ, la Gestapo arriva au lycée pour l’arrêter. Des communistes donnèrent à Claude l’ordre de rejoindre le maquis FTP mais ce n’est pas ce que le Parti lui avait dit à Clermont. Claude avertit son père qui fut étonné par le cynisme glacé du Parti. Le PCF condamna alors Claude à mort car il avait choisi son père plutôt que le Parti. Claude avait eu son bac avec mention ce qui lui permit d’obtenir le titre de « contrôleur des battages » et d’éviter le STO. Lui et son frère étaient donc les représentants de l’ordre dans la campagne où ils étaient. En 1941, le ministère de l’Education nationale de Vichy avait eu l’idée de faire rédiger une dissertation à la gloire de Pétain. Lanzmann refusa de la rédiger. Le proviseur lui conseilla de quitter le collège mais le fit revenir un mois plus tard et garda cela secret. Claude raconte l’opération de résistance qu’il vécut à Briaude en 1944. Elle fut arrêtée par un milicien. Heureusement, le père de Claude arriva et fit partir le milicien. Le 6 juin 1944, Claude et son frère Jacques était à Ventauges prêts à se battre contre les Allemands. Mais ils n’eurent pas à le faire car les Allemands attaquèrent le 11 juin et la compagnie de Claude se replia. Jacques partit pour d’autres combats et le père de Claude avait été appelé ailleurs. Claude faillit mourir d’anthrax à cause de ce qu’il mangeait. Il fut sauvé par un injection d’antibiotique. Claude participa à une embuscade contre les Allemands près d’Aurillac. Claude n’avait pas pu sauver son ami Rouchon et le regretta même s’il savait qu’il aurait été tué en tentant de l’aider. Il se l’est reproché toute sa vie. Lanzmann participa à une autre attaque le 14 août 1944. Il dût se replier car les Allemands étaient expérimentés et mieux armés. Fin août 1944, l’Auvergne était libérée. LE père de Claude entra dans Briaude à la tête de deux colonnes de maquisards. Les maquisards d’Auvergne furent intégrés aux FFI. Jacques était réapparu, après avoir échappé en Provence à un peloton d’exécution allemand. Claude et Jcques partirent pour Paris pour revoir leur mère et Monny. La guerre était finie pour eux.
Chapitre VII
Paulette fit habiller ses fils de costumes sur mesure et fort chers. Mais ils repartirent aussitôt pour annoncer à leur hiérarchie qu’ils voulaient redevenir civils. Monny adopta les frères Lanzmann comme s’ils étaient ses enfants. En janvier 1945, Claude fut inscrit comme interne en classe de lettres supérieures au lycée Louis-Le-Grand. Le soir de son arrivée, une réunion s’y organisa pour protester contre le procès de Brasillach. Les élèves proposèrent de donner le nom de Brasillach à une des salles du lycée. Les élèves, de jeunes bourgeois, avaient peu souffert de la guerre. Jean Cau s’éleva contre eux suivi de Claude. Le surveillant général intervint. Aucune salle de Louis-Le-Grand ne porta le nom de Brasillach. Jean Cau et Claude devinrent amis. Cau rachetait des marchandises aux soldats états-uniens et les revendaient au marché noir. Jean Cau et Claude Lanzmann étaient amateurs de femmes. Ils allaient chasser des femmes près de l’Ecole Militaire avec Monny qui les aidait. Ils draguaient en famille. Monny glorifiait Claude pour en faire un objet de convoitise. C’est ainsi que Claude rencontra Elise, une bourgeoise du XVIè. Elle fut sa maîtresse pendant un an. Elle voulait que Claude lui enseigna la philosophie pendant qu’elle mordiallait le sexe bandé de son amant. Au lycée, Lanzmann rencontra Gilles-Gaston Granger qui lui conseilla de lire « L’Etre et le néant » de Sartre. Il connut également Gilles Deleuze. Lanzmann se souvient de son maître de philosophie, Ferdinand Alquié, qui était de Carcassonne. Il se souvient d’un cours sur les perversions sexuelles dans lequel il parlait d’une femme qui ne pouvait atteindre l’orgasme qu’en étranglant une tourterelle. Il faisait l’éloge de l’amour abstrait, sans les enfers conjugaux. Il avait fréquenté les prostituées et avait connu auprès d’elles des formes d’amour authentiques. Claude se retrouva au bordel avec son père et son beau-père. C’était le Sphinx, boulevard Edgar Quinet. Jean Cau voulut y aller aussi mais c’était trop cher alors avec Claude ils allèrent au one-two-two près des Galeries Lafayette. Mais ils s’enfuirent la queue basse dans un concert d’injures. Peu après, Marthe Richard fermait les maisons closes.
Monny décida de faire commerce d’originaux de poèmes avec le consentement des écrivains à qui il remettait le produit de la vente moins la commission. La mère de Claude tenait un salon littéraire où son fils était convié. Il y croisa Jean Cocteau et Francis Ponge. Ponge était atteint de priapisme à une époque où le viagra n’existait pas. Cau pensait que pour réussir dans les lettres il devait devenir le secrétaire d’un écrivain célèbre. Claude reçut à l’époque la meilleure note en philo devant Deleuze et Le Goff, le futur pape de l’histoire médiévale. Ca n’arriva qu’une fois et Claude ressent une injustice commise envers Deleuze. Aux lettres qu’il avait envoyées, Cau ne reçut qu’une seule réponse, celle de Sartre qui accepta que Cau soit son secrétaire. Lanzmann devint ami de Gilles Deleuze. Au lycée Louis-Le-Grand existait une cellule d’élèves communistes. Lanzmann s’y rendit pour demander que soit exécuté la sentence de mort prononcée contre lui par le Parti. Le secrétaire comprit et voulut arranger les choses et proposa à Claude de reprendre la carte. Pour Lanzmann il n’y avait pas urgence. Le secrétaire était Jean Poperen. Claude eut une violente dispute avec sa mère qui lui coupa les vivres. Il loua avec ses derniers sous une soutane de curé. Il fit la quête soi-disant pour les sourds et muets. Ce fut un échec, sa mendicité ne lui avait même pas rapporté de quoi amortir la location de la soutane. Il retourna chez sa mère déguisé en curé et elle lui balança deux gifles. Le lendemain, Lanzmann alla au lycée avec sa soutane. Il sortit une bouteille de champagne de sa poche pour fêter sa prétendue conversion. Il alla à Deauville pour continuer sa quête. Puis il retourna à Paris, vola des livres de philo à la librairie des PUF par défi avec ses camarades. Il se fit prendre en voulant voler des livres de Jean Hyppolite sur la Phénoménologie de Hegel. Le flic l’ammena au commissariat c’était un privé payé par les PUF. Lanzmann dût ramener le livre aux PUF après avoir été giflé et insulté par les flics. Les PUF avaient porté plainte. Monny lui trouva un avocat. L’avocat suggéra le soutien de l’auteur du livre volé que Claude connaissait et l’aide du prof de philo de Claude. S’il était condamné, cela lui interdirait l’accès au concours. Pour Hyppolite, le vol de son livre par un Khâgneux était la reconnaissance suprême. Hyppolite écrivit une longue lettre circonstanciée témoignant de la génialité philosophique de Claude. Alquié, lui aussi, adressa au tribunal une lettre élogieuse. Lanzmann fut condamné à 4 800 francs d’amende avec sursis.
Chapitre IX
Deux événements autour desquels la vie de Claude devait se nouer advinrent en 1946. La venue à Paris de sa soeur Evelyne et sa rencontre avec Judith Magre. Elle ne s’appelait alors ni Judith ni Magre. Elle s’était inscrite au Cours Simon où elle apprenait à devenir la très grande actrice que l’on sait. Lanzmann vécut six mois de passion torrentielle. Il fit l’amour avec elle toute la nuit qui précéda le concours d’entrée à l’Ecole Normal et échoua évidemment. Judith partit en tournée et le laissa sans nouvelles, il souffrit comme une bête. Elle disparut de sa vie pendant 15 ans. Ils se revirent au début des années 60 et se marièrent en 1963. Evelyne tombe amoureuse de Deleuze. Pendant la guerre, elle avait été baptisée pour être protégé. Elle se donna tout entière à la chrétienté. Un jour, Deleuze demanda à Claude d’annoncer à sa soeur qu’il voulait rompre avec elle. Claude était incrédule devant la lâcheté de son ami. Evelyne reçut la lettre de rupture de Deleuze et voulut mourir. Il fallut ne pas la lâcher un instant. C’est Serge Rezuani qui la ramena à la vie. Ils se marièrent à Briaude. Elle s’inscrivit au Cours Simon. Elle se fit remodeler le nez et prit un nom de scène, Evelyne Rey. Deleuze reprit Evelyne mais l’installa dans une rue sinistre, dans un deux pièces meublé. Elle était malheureuse et exilée. Lanzmann rompit avec lui mais continua de l’admirer. L’amitié n’était plus. La violence du suicide de Deleuze le ressuscita. Evelyne joua au théâtre dans les villes bretonnes. Puis elle joua des pièces de Sartre. Serge Rezvani, dans le ressentiment, écrivit deux livres salissant la famille Lanzmann, « les années-lumière » en 1967 et le « Testament amoureux » en 1981. Claude fit un procès et put faire retirer les passages diffamatoires des rééditions. Rezvani lui écrivit en 2003 pour lui demander pardon. Evelyne était tombée amoureuse de Sartre. Il l’aima follement. Sartre avait installé Evelyne à deux pas de chez lui dans un hôtel particulier. Evelyne avait beaucoup d’amis, hommes et femmes. Sartre payait l’appartement et lui donnait de l’argent. Elle était heureuse. Elle resta fidèle jusqu’à ce qu’elle décida de le quitter. Elle eut ensuite une liaison avec Robert Dupuy, un avocat chaleureux. C’était l’époque de la guerre d’Algérie. La famille Lanzmann était pour l’indépendance. Evelyne jouait dans les Séquestrés d’Altona que Sartre avait écrit pour elle. La pièce ne fut pas comprise. Les Lanzmann signèrent le Manifeste des 121 appelant les conscrits à refuser de servir en Algérie. Evelyne qui travaillait à la télévision d’Etat vit ses engagements annulés. Simone Signoret signa également le manifeste en connaissance de cause. Cela était d’autant plus méritoire. L’appartement de Sartre-Beauvoir fut plastiqué par l’OAS. Evelyne fut aimée de Norbert Bensaïd, médecin et psychanalyste, qui ne réussit jamais à quitter sa femme il le lavait tant de fois promis. Evelyne fut la maîtresse de Ahmed Taleb Ibrahimi qui serait ministre des Affaires étrangères du 1er gouvernement algérien. En septembre 1969, Evelyne reprit les Séquestrés mais ne voulut pas jouer la première. Elle explosa en sanglots puis elle finit par accepter de jouer. Sartre lui en voulut. Elle tomba malade aussitôt la fin des représentations. Elle eut une pleurésie purulente du poumon droit. Claude Roy, amoureux d’elle, lui rendait visite tous les jours mais la femme de Claude, Loleh Bellon lui posa un ultimatum, « c’est elle ou moi » alors il rompit avec Evelyne. Alors Evelyne réalisa un film sur les femmes tunisiennes car elle ne voulait plus entendre parler de théâtre. Elle partit là-bas en août et septembre 1966. Dans l’après-midi du 18 novembre 1966, Pierre Lazareff, directeur de France Soir appela Lanzmann pour lui dire qu’un malheur était arrivé. Norbert Bensaïd ouvrit à Claude, le visage décomposé, Evelyne s’était suicidée en avalant des barbituriques. Elle avait laissé une lettre pour Sartre, une lettre pour Claude et une lettre pour son amie Dolores Ruspoli. Si elle avait pu l’appeler avant de s’empoisonner il Claude eut accouru et aurait empêché cela. Quand Jacques Lanzmann, prévenu par son frère arriva, il lui dit : « Claude, jure-moi que tu n’en feras pas autant ! ». tout Paris vint, tous ses amants, sauf Deleuze et Rezvani. Pour Claude le coupable était Claude Roy et il ne voulait pas qu’il vienne à l’enterrement. Sartre lui envoya une dure lettre. Alors Roy ne vint pas. Lanzmann avait trouvé injuste la désignation de Claude Roy comme bouc-émissaire avec le temps et avait la paix avec lui. Le film d’Evelyne « Beya ou les femmes de Tunisie » fut diffusé le 3 janvier 1968 à la télé.