Les mânes scandinaves de Freddie Laker

Publié le 09 juin 2010 par Toulouseweb
Un projet long-courrier norvégien ŕ bas coűts.
Avec une belle régularité, l’idée revient sur le devant de la scčne : pourquoi ne pas transposer la formule low-cost ŕ des vols long-courriers ? Et de citer l’exemple d’Air Asia X, mais en évitant de s’appesantir sur les particularités du contexte asiatique. Kuala Lumpur n’est pas Oslo ou Stockholm !
Quoi qu’il en soit, voici que se précise un projet suédois de compagnie low-cost ŕ vocation longues distances, Feel Air. Elle annonce le début de ses activités pour la fin de l’année, son intention premičre étant de relier Stockholm et Oslo ŕ New York et Bangkok. Initialement, deux A330-200 ŕ 307 places devraient suffire ŕ la tâche, étant entendu que la flotte serait renforcée au fil des années.
Les deux fondateurs de la compagnie, Kai Holmberg et Otto Lagarhus, de sympathiques jeunes gens, affichent un bel optimisme et n’hésitent pas ŕ citer leurs deux modčles, Ryanair et, bien sűr, Air Asia X. Ce qui n’est évidemment pas trčs original en męme temps qu’incontournable. EasyJet tend ŕ s’embourgeoiser, le modčle économique d’Air Berlin n’est plus tout ŕ fait pur et dur tandis que Southwest Airlines, l’ancętre, manque sans doute de punch et n’a plus tout ŕ fait la cote chez les Ťentrepreneursť de la nouvelle génération.
Impossible de savoir si le projet est crédible. Et il semble préférable de ne pas jouer les oiseaux de mauvais augure en rappelant que des initiatives similaires, américaines et anglaise, ont lamentablement échoué il n’y a pas longtemps. Sous prétexte de soudaine basse conjoncture mais plus probablement parce que le modčle économique ne tenait pas vraiment la route. Pour qui pourrait en douter, il convient d’ajouter que Ryanair a considéré le concept long-courrier ŕ plus d’une reprise avant de l’oublier. Et, en cette matičre tout au moins, on peut faire confiance au savoir-faire de Michael O’Leary.
Feel Air entend proposer des tarifs inférieurs de 50% ŕ ceux qui prévalent actuellement et atteindre la rentabilité grâce ŕ des coűts trčs réduits. Cela, disent Holmberg et Lagarhus, en faisant voler leurs avions prčs de 17 heures par jour. Et c’est précisément sur ce point que l’on attendra avec impatience d’en savoir plus, ŕ moins, bien sűr, que l’option choisie soit celle d’horaires glissants. Sans quoi, en prenant l’exemple de Stockholm-New York, et sachant que les fuseaux horaires sont immuables, il est évident qu’un avion ne peut faire mieux qu’un aller et retour transatlantique par tranche de 24 heures. Ce qui donne évidemment beaucoup moins que 17 heures de vol, surtout au départ de la Scandinavie.
De maničre plus générale, Feel Air rappelle de maničre éloquente qu’il n’est plus vraiment indispensable de compter sur de grands investisseurs pour créer de toutes pičces une compagnie ŕ part entičre. Dans le cas présent, la mise de fonds annoncée atteint tout au plus 70 millions de dollars : les avions seront acquis en location-bail et tous les autres rouages seront externalisés. On retrouve ainsi la notion de compagnie aérienne virtuelle au sein de laquelle ce sont les fournisseurs qui prennent ŕ leur compte la plupart des risques.
Feel Air compte sur la bougeotte bien connue des Norvégiens, toujours pręts ŕ s’envoler vers le soleil. D’oů l’intention d’également desservir Miami, les plages de Floride étant la destination favorite de ces vacanciers au long cours. Des plages susceptibles d’afficher des attraits irrésistibles dčs que des tarifs trčs bas seront proposés.
Le projet paraît trop beau, trop simple, pour ętre vrai. Peut-ętre parce qu’il lui manque, apparemment, la petite touche de génie d’un Freddie Laker du XXIe sičcle ou encore l’arrogance commerciale d’un Michael O’Leary du Nord. A propos du premier, il faut maintenant ętre historien pour avoir un avis. Le second, quant ŕ lui, n’est peut-ętre pas la plus élégante des références. D’oů la tentation d’une appréciation empreinte de prudence. Aprčs tout, Feel Air pourrait bien réussir…
Pierre Sparaco - AeroMorning