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Pour ou contre Grétry ?

Publié le 10 juin 2010 par Philippe Delaide

Vaste débat que je me permets d'ouvrir. La note de Jean-Christophe Puceck dans Passée des arts tente de réhabiliter ce compositeur français, à la jonction de la fin du XVIIIème siècle, passé il est vrai dans un profond oubli depuis un certain nombre de décennies.

L'occasion d'ouvrir à nouveau la question de l'intérêt de l'œuvre d'André-Ernest-Modeste Grétry, notamment par rapport à ce fameux "goût français", est fournie par le dernier enregistrement de sa Tragédie Lyrique Andromaque, réalisé en effet par Hervé Niquet à la tête du Concert Spirituel.

J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer ce compositeur dans le cadre de l'interview de j'avais donnée de Jérôme Correas et où nous avions évoqué cet art trop vite oublié de l'opéra comique avec les représentations de la Fausse Magie que cet ensemble avait donnée l'année dernière. Le propos de Jérôme Correas est plus spécifiquement de tenter de réhabiliter l'art du parler / chanter, et que le XIXème et XXème siècles ont largement balayé.

Gretry Andromaque
Dans le cas d'Andromaque, ont est plutôt dans le registre de la Tragédie Lyrique. A l'écoute de la version tendue et nerveuse d'Hervé Niquet, on ne peut être que marqué par la filiation naturelle avec Christoph Willibald Gluck, notamment avec la présence si spécifique des chœurs, particulièrement importante dans les moments critiques du récit dramatique. En même temps, Grétry continue à incarner une certaine forme d'archaïsme quand on sait qu'à la même époque, WA Mozart établit avec Da Ponte les bases d'un opéra bouffe d'une richesse musicale et textuelle qui bouleversera pour très longtemps l'art lyrique.

On part donc, à l'écoute de cette Andromaque, avec un certain préjugé, de peur de s'ennuyer dans les méandres d'une composition répondant aux strictes codes  de l'époque, sans grande audace.

Au fil de l'écoute, on est agréablement surpris mais pas franchement conquis à vrai dire.

La nervosité de l'interprétation d'Hervé Niquet, la tension de la ligne qu'il imprime s'avèrent alors indispensables pour faire sortir le peu de "jus" que cette œuvre peut nous révéler. Si l'on cherche ensuite à écouter et, surtout analyser (ce qui n'est jamais vraiment bon en matière d'écoute musicale, avouons-le), on trouve cà et là quelques idées intéressantes avec une poignée de beaux passages et surtout les racines profondes du style français. Il y a bien entendu la forme pré-romantique avec les grands élans lyriques des solistes comme des chœurs, annonçant les grandes compositions lyriques d'Hector Berlioz. Mais on y dénichera également les archétypes indicibles d'un Pélléas debussien parfois palpables, avec les prémisses de cette prosodie à la française, si spécifique.

De façon en tout cas certaine, je ne resterai pas aussi marqué par ce disque que je l'avais été par le Calllirhoé d'André Cardinal Destouches (cf. note du 2 avril 2007), composé 70 ans avant l'Andromaque de Grétry, enregistré par le même chef il y a trois ans, et dont les audaces harmoniques et l'intensité n'ont vraiment rien à voir.

Les interprètes vocaux se montrent toutefois tenaces et réussissent à nous convaincre tout au long du récit. Ils passent sans encombres les quelques embûches techniques que le compositeur sème parfois. C'est notamment le cas de Karine Deshayes incarnant une Andromaque avec un engagement certain et une réelle plénitude.

A noter enfin la belle initiative renouvelée du label Glossa d'éditer cet enregistrement sous forme d'un livre disque de présentation très soignée avec un vrai travail d'analyse sur Gretry et son andromaque. Glossa a édité des exemplaires numérotés. J''ai le privilège d'avoir acheté le N° 1 121 sur 2 800 exemplaires imprimés !

Enregistrement d'une cohérence et d'une densité indéniables permettant de faire une découverte intéressante.

J'ai choisi pour extrait l'aria d'Andromaque que je trouve la plus belle et exemplaire de cette tragédie en trois actes : "Murs sacrés ! que n'a pu conserver mon Hector (Acte I / Scène 4) qui annonce de façon saisissante les arias "sérieuses" de Jacques Offenbach !


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