C'est sans doute ce qu'il convient d'appeler la loi des séries. Depuis que le cirque blanc du ski mondial a planté sa tente en Amérique du nord, les descendeurs tombent comme à Gravelotte. Sur la piste de Beaver Creek, le premier à laisser des plumes sur la neige fut le champion du monde Aksel Lund Svindal. Fracassé à la réception d'un saut de plus de soixante mètres, le Norvégien est HS pour la saison et plus si complications…
À Aspen, ce sont les femmes qui ce week-end ont payé le prix fort. D'abord l'Autrichienne Alexandra Meissnitzer, puis la jeune Française Anne-Sophie Barthet. Fatalité ou pistes mal préparées ? N'étant pas un spécialiste, je ne me risquerai pas à trancher la question. Mais ces chutes à répétition rappellent combien le destin des descendeurs ne tient souvent qu'à une prise de carre ou une sortie de courbe hasardeuses.
Les magazines sportifs ont beau chaque hiver nous ressortir leurs lots de "skieurs de l'extrême", adeptes des bosses, du hors piste et de tout ce qui glisse, pourvu que ça permette de porter un bonnet ridicule voire une plume dans le derrière, c'est dans la descente que réside encore et toujours la vraie audace. Il faut avoir été en haut d'une piste olympique, avoir tâté le vertige d'un mur de départ pour comprendre qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter. Dommage d'ailleurs que, malgré des progrès indéniables, les caméras rendent si mal les reliefs et les pourcentages hallucinants des pistes où les meilleurs jouent les funambules.
Dans ces conditions, un départ n'est jamais anodin et le doute n'a pas sa place. Or, c'est précisément quand la chute intervient et qu'elle vient sournoisement saper les certitudes que se joue l'avenir du descendeur. Antoine Dénériaz, champion olympique en titre, qui a annoncé sa retraite cette semaine à 31 ans en est le parfait exemple. Sa descente aux enfers n'a suivi que de quelques semaines son sacre inattendu à Turin. Une terrible gamelle et toute la confiance héritée de la plus prestigieuse des médailles d'or volait en éclats. Il avait perdu son "mojo". Définitivement. Le ver était dans la pomme. L'esprit en vrac, après avoir connu les tourments d'un corps déglingué, "Tonio" passait la main, avouant humblement son incapacité à poursuivre plus loin sa carrière. Souhaitons à tous les crétins bondissants jouant les kamikazes médiatiques d'être capables d'en faire autant. Souhaitons surtout aux autres descendeurs tombés ces dernières semaines au champ d'honneur de pouvoir se relever en dépit du démon, qui désormais distille l'appréhension au creux de leur oreille…