Laissez-moi à présent vous parler d'un auteur étasunien qui a bercé mon adolescence : Fritz Leiber.
Quand on est jeune dans les années 80 et qu'on découvre un genre littéraire qui nous plaît, la Fantasy (à l'époque, on parlait d'héroic fantasy...), on passe forcément par la case Tolkien. Bilbo le Hobbit, la trilogie du Seigneurs des Anneaux. Tout cela est merveilleux, extraordinaire, incroyable... Bref, les superlatifs me manquent ! Le problème avec Tolkien, c'est qu'il s'agit d'une immense montagne. Tout chez lui est grandiose : le monde qu'il a créé, la profondeur des personnages, son style... Alors, dépassé cela, il ne reste plus rien ! Je m'explique : surtout à l'époque (milieu des années 80), si vous cherchiez de la Fantasy, vous aviez du sous-Tolkien assez fadasse et très souvent sans aucune originalité...
Et puis, j'ai découvert un auteur qui a eu la très bonne idée de créer son univers avant celui du professeur d'Oxford.
Il s'agissait de Fritz Leiber et ce fut pour moi comme une révélation !
Au travers des trente-six nouvelles et du roman qui constituent le "Cycle des Epées", Leiber nous emmène dans l'univers incroyable de Newhon.
Dans les ruelles ou sur les toits de la tentaculaire cité de Lankhmar, on va suivre les palpitantes aventures de deux héros très originaux : Fafhrd, le "barbare" venu du Nord, et le Souricier Gris, le voleur à l'origine mystérieuse. Une solide amitié lie ces deux hommes qui se complètent parfaitement. Dans le duo, l'un amène une force incroyable, tandis que l'autre est d'une rare intelligence. Gouailleurs, roublards et bagarreurs, fêtards invétérés, les deux compères refusent toute autorité (même celle pourtant incontournable de la Guilde des Voleurs).
Menées à un rythme effréné, les histoires Fafhrd et du Souricier Gris nous emmènent parfois en dehors des murs de l'immense cité.
Magie, combats à l'épée (forcément !) et larcins sont le lot quotidien de ces deux personnages qui sortent vraiment des chemins battus (et rebattus !) de la Fantasy habituelle. Quand on sait qu'ils ont été créés par Fritz Leiber en 1934, on s'étonne parfois de l'impressionnante modernité de leurs aventures.
Et puis, en 1991, un an avant le décès de Fritz
Leiber, Howard Chaykin a la très bonne idée d'adapter le Cycle des Epées en bande-dessinée. Quand on sait que c'est au futur dessinateur de Hellboy que reviendra la lourde tâche de donner des traits à nos deux héros, on ne peut qu'adhérer.
Et là, ce fut encore un nouveau choc !
Mignola est capable, parfois en quelques coups de crayon, de donner une réelle impression de vie à ses personnages ! C'est vraiment magnifique. Si vous ne connaissez pas, je vous conseille de vous les procurer de toute urgence, d'autant que Delcourt vient de les rééditer en une intégrale.
En ce qui concerne les romans, vous n'aurez pas non plus besoin de trainer vos guêtres chez le bouquiniste du coin car la maison d'édition Bragelonne, en accord avec sa politique de réédition du fond historique de la Fantasy mondiale, vient de rééditer le Cycle des Epées (ou du moins les six tomes sur les sept que compte le cycle). Moi, je l'ai dans la première et deuxième édition qui, apparemment, sont beaucoup mieux que la version Bragelonne (traduction trop modernisée...).
Alors voilà, pour ceux qui ne connaissaient pas, j'espère vous avoir donné envie de vous enfoncer dans les méandres de Lankhmar... Pour les autres, je suis heureux si j'ai titillé en vous la nostalgie de Newhon, avec, pourquoi pas ? une envie de vous y replonger...
A.C. de Haenne