«Dans la gêne, il n’y a pas de plaisir» dit la sagesse populaire. Il faut bien évidemment entendre “gêne” dans sa double acception : manque d’argent et contraintes. Avec un salaire de secrétaire d’Etat – 10.000 euros par mois, ce que je perçois grosso modo pour un an ! – Fadela Amara ne doit guère se faire de soucis pour ses fins de mois. Non plus qu’elle ne semble s’embarrasser de règles morales lors même qu’un nombre toujours croissant de Français souffrent de la crise et qu’on leur promet de surcroît “du sang et des larmes” au nom d’un inepte et drastique plan d’austérité – purges et saignées ultralibérales dignes de Diafoirus et Purgon réunis -qui laissera le malade mourir… guéri !
«Ni pute, ni soumise» mais la simple pudeur ne semble guère l’embarrasser. La secrétaire d’Etat chargée de la Ville - qui s’est révélée d’une rare inefficacité d’anthologie quant aux problèmes des banlieues - ne connaît pas, en ce qui la concerne, de problèmes de logement. Elle disposerait donc d’un logement de fonction alors qu’il est notoire qu’elle vit dans un appartement HLM du XIIe arrondissement. Elle aurait demandé à payer un surloyer mais il lui a été répondu qu’elle était déjà sous le régime des loyers libres : environ 500 euros (700 charges comprises) pour un deux pièces de 54 m², même rue Nationale, c’est quand même cadeau !
Décidément, le “volatile” comme l’appelait le général de Gaulle ne chôme pas. C’est bien le seul par les temps qui courent. Le rythme des révélations sur les logements de fonction des ministres ou des hauts fonctionnaires s’accélère !
Juste 15 jours après les deux logements de fonction de Christian Estrosi : la fameuse “soupente” et l’ancien bureau minable avec un lit, deux mois et ½ après le luxueux appartement HLM (1200 euros pour 118 m² dans une rue fort sélecte du XVe arrondissement… prétendu au prix du marché ! qu’il ne connaît pas plus que d’autres le prix du ticket de métro ou de la baguette de pain) de Georges Tron, nouveau secrétaire d’Etat à la Fonction publique.
2 ans ½ après le scandale déclenché par l’appartement HLM - très haut de gamme et fort bien situé : 81 Bd de Port-Royal - de Jean-Paul Bolufer, directeur de cabinet de Christine Boutin quand elle fut ministre du Logement – télescopage qui ne s’invente pas ! – et 5 ans après le très luxueux duplex de 600 m² loué 14.400 euros par l’Etat et aménagé à son goût, toujours aux frais de la princesse, d’Hervé Gaymard, nouveau ministre du Budget – lequel n’avait pas craint d’affirmer que «les Français devraient se désintoxiquer de l’argent public» ! - c’est au tour de Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la Ville d’être épinglée par le Canard Enchaîné (qui s’en est fait une spécialité) comme le rapporte Libération du 2 juin 2010 Fadela Amara héberge des proches dans son logement de fonction.
En 2007, la chef de cabinet de Fadela Amara avait été épinglée : elle occupait un appartement HLM de 80 m² pour lequel elle payait le mirifique loyer de 420 euros par mois ! Et se disait prête à payer un surloyer «si la réglementation l’exige». A ma connaissance, la réglementation est beaucoup moins débonnaire pour le plus grand nombre des occupants du parc locatif HLM et les surloyers sont imposés à la moindre amélioration des revenus.
Je comprends en revanche qu’elle ne veuille pas quitter un appartement qui lui fut attribué il y a 23 ans quand elle était fonctionnaire en bas de l’échelle : «Cela fait 30 ans que je vis dans cette cité, j’y ai créé un tissu amical, je ne souhaite pas quitter cette cité, c’est ma vie». Cette cité fait partie de surcroît d’une zone urbaine sensible (ZUS) de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et je partage tout à fait son point de vue quant à la nécessaire mixité sociale : «Moi je pense qu’il faut que toutes les couches de la population soient mélangées, de façon à ce qu’on évite les ghettos et qu’on sorte de cette situation qui devient impossible, dans les banlieues par exemple».
Il faut toutefois que ceux qui ont acquis une certaine aisance mais souhaitent continuer à vivre dans les HLM acceptent de payer plus que les salariés modestes auxquels ils sont en principe destinés en priorité. Les surloyers permettant d’entretenir le parc existant et de construire de nouveaux logements.
Or donc, nouveau cas de népotisme dans le marigot de l’UM/Posture – le chef donne le “thon” : un proverbe chinois (?) ne dit-il pas que «le poisson pourrit par la tête» ? Pourquoi Fadela Amara bénéficie-t-elle d’un logement de fonction – qu’elle n’occupe pas ! - alors qu’elle dispose d’un appartement parisien ? Mystère et boule de gomme car c’est tout à fait contraire à la “jurisprudence Balladur” : entendre la circulaire nette et sans bavure qu’il avait adoptée précisément après le scandale provoqué par l’affaire Gaymard et aux termes de laquelle ne pouvaient prétendre à un logement de fonction que les ministres ne disposant d’aucun logement à Paris.
Toujours est-il que n’occupant pas personnellement cet appartement, situé Place de Fontenoy dans le prestigieux VIIe arrondissement… vous pourriez y voir l’imposant siège de l’Unesco - et jouissant d’une vue imprenable sur la Tour Effel selon Le Figaro du 2 juin 2010 - elle l’aurait prêté au moins à deux reprises à des proches. Elle y hébergerait depuis un mois son frère, jusqu’au début juillet et l’an dernier, c’est un autre de ses frères qui y aurait élu domicile. L’hebdo satyrique précisant que «à l’occasion, ces heureux sous-locataires ont le droit de profiter des talents du cuistot mis à la disposition de la sous-ministre et d’un maître d’hôtel». La vie de château, quoi ! Cette fort intéressante particularité avait d’ailleurs été soulignée par le Figaro, s’agissant de la «soupente» du pauvre Estrosi, occupée par sa fille.
Lequel quotidien souligne que les frères de Fadela Amara seraient «très exigeants sur ce qu’ils mangent, tant sur la qualité que sur la quantité», d’après un fonctionnaire cité par le Canard. Le week-end, ils bénéficient de plateaux-repas préparés à l’avance – au moins le personnel, de congé le samedi et le dimanche, échappera-t-il à leurs récriminations !
Je serais sans doute incomplète si, débordant le sujet, je ne vous faisais part d’une info qui m’a également fait bondir, lue dans un article consacré à la nouvelle croisade du député (apparenté PS) René Dosière, fin connaisseur en matière de dépenses publiques : il a épinglé souventes fois le budget de l’Elysée et s’attaque désormais également aux dépenses des ministères en même temps qu’il voudrait que les ministres qui exercent des fonctions électives rétribuées – maire ou président d’un Conseil général – ne puissent cumuler leurs revenus de ministres avec les indemnités afférentes à ces fonctions.
Avec 3 autres députés du PS – Aurélie Filippetti, Jean-Jacques Urvoas et Jacques Valax - il avait déposé un amendement dans ce sens à l’Assemblée nationale qui a été rejeté le vendredi 28 mai 2010 sans aucun commentaire de la part de la majorité ni du gouvernement, lis-je sur un article du Nouvel Obs en date du 29 mai Le Parlement refuse la réduction des indemnités des ministres cumulards : pour le cas où vous ne l’auriez pas encore compris, le serrage de ceinture imposé par la politique de rigueur – qui ne dit pas son nom ! - n’est qu’à l’usage du vulgum pecus et des con…tribuables. Vous pouvez être certains que nous serons plumés à sec – ail ! ouille ! ail ! ouille ! – et tondus rasibus par cette bande de Picsou et Frères Rapetout réunis.
Mais l’objet de mon légitime courroux va encore plus loin : dans le même article du Monde, Pierre Jaxel-Truer cite un ministre qui préfère rester anonyme. C’est donc «off» “parce que ce débat est démagogique” – tant que ça ? – et s’il se dit prêt, quant à lui, à éventuellement baisser son salaire, il s’insurge contre certaines dépenses dont – tenez-vous bien ! – les notes de frais présentées par des conseillers ministériels : des repas pris à l’Arpège. Restaurant gastronomique situé rue de Varennes dans le VIIe arrondissement
Comme je ne fréquente pas les “cantines” pour riches – celle où j’avais pris pension entre 1971 et 1972, rue des Prairies dans le XXe arrondissement et tenue par l’adorable Madame Letourneur me revenait à 10 francs de l’époque, tout compris (10 euros actuels compte tenu bien évidemment de l’inflation cumulée) – et qu’il est bien connu que la maison Kamizole ne recule devant aucun sacrifice, je me suis livrée à une petite recherche sur Google pour connaître les tarifs de cette prestigieuse “maison”…
Les conseillers des ministres – qui bénéficient déjà de salaires forts substantiels comparés à ceux du vulgum pecus – ne se mouchent pas avec le pied quant à leurs frais de bouche : il faut en effet compter environ 150 euros par personne pour le déjeuner et jusqu’à 360 euros par personne pour le dîner. Dans les deux cas, les boissons ne sont pas comprises.
Est-ce démagogique ou pire selon leur vulgate – populiste ! – de s’indigner qu’ils se gobergeassent ainsi aux frais de la princesse ? Lors même que l’on ne cesse de nous répéter que «les caisses sont vides» et pour une fois, ce n’est pas un mensonge : l’Etat est en faillite et ne tient que grâce au crédit. J’ai appris dernièrement que l’Education nationale avait été obligée d’emprunter pour payer les salaires des enseignants et autres personnels.
Comment des ministres – ordonnateurs – et des comptables publics – payeurs – peuvent-ils sans barguigner valider de telles notes de frais ? Ils sont responsables de l’utilisation des deniers publics et une telle gabegie devrait suffire à les déférer devant la Cour des comptes : abus manifestes de biens publics !