Ça commence à bien faire ! «LES PAUVRES DOIVENT PAYER» tel est le “maux” d’ordre de l’ultralibéralisme triomphant. Si “l’intelligence” a quelque part qui soit dans cette entreprise, elle tient uniquement dans l’art de nous plumer ! Les pauvres ayant le plus grand tort d’être les plus nombreux comme le soulignait Jules Renard – l’auteur de «Poil de Carotte» - ne pas manquer d’y ajouter «L’écornifleur» ! pour stigmatiser ces bandes de frères Raptout associés à Picsou qui ne cessent de s’inviter dans nos porte-monnaies pour nous délester de la portion congrue qui subsiste sur nos déjà maigres subsides. Parfaite illustration également de l’aphorisme toujours d’actualité de Montaigne, à presque 500 ans de distance : «Le profit de l’un est dommage de l’autre». Rien de nouveau sous le soleil. A ceci près qu’il brille toujours davantage pour toute cette oligarchie politico-margoulinesque dont l’insolence n’a d’égale que l’avidité.
Or donc, j’appris hier dès potron-minet - avant de mettre très tôt la clef sur la porte pour une journée longue et chargée - qu’EDF envisageait - sur l’injonction de la Commission européenne ! chef d’orchestre du grand air à la mode ultralibérale : “Par-ici-l’oseille” qui ne doit rien à Verdi non plus qu’à Puccini, Rossini ou autres Wagner, Vivaldi et Purcell - d’installer systématiquement chez tous les particuliers de France et de Navarre des compteurs électriques de nouvelle génération…
On ne dira plus «Viens voir mon compteur bleu», plaisanterie naguère entendue dans ma lointaine enfance quand l’opérateur public entreprit de renouveler son parc de compteurs, ce qui dans ma mémoire ne coûta pas le moindre maravédis aux usagers - autre temps, autre mœurs, nous étions par encore des “clients” qu’il faut plumer à tout bout de champ ! – ce qui n’eût pas manqué de faire regimber mes parents autant que leurs ami(e)s.
C’est que la facture va être drôlement salée : 230 euros. Et hop ! Passez muscade…Ça pousse sous les sabots d’un cheval, c’est bien connu. De quoi devrais-je encore me priver pour satisfaire à cette nouvelle exigence ? Et je ne suis pas la seule, avec mes 900 euros de retraitée privilégiée. Certains touchant encore moins, et j’imagine sans difficulté le même casse-tête chez les smicards, chômeurs – bien évidemment volontaires ! - et autres bénéficiaires des piteux “minima sociaux” lesquels ne portent que trop bien leur nom. Au moment même où ce pouvoir qui ne se prive décidément de rien, envisage des coups de rabot sur tout ce qui dépasserait au profit des plus démunis et précaires. Ils ont consciencieusement et systématiquement vidé les caisses de l’Etat : nous devons les remplir !
Comme j’ai toujours et encore mauvais esprit, je me demande qui va fabriquer ces compteurs et combien ils coûtent en réalité. Par ce qu’il y aura nécessairement des entreprises “amies” – multinationales désargentées – qu’il faut favoriser. En comptabilité analytique, on nommerait cela “prestations croisées”… Plusieurs entreprises ayant été mis en lice, je ne sais laquelle a été choisie entre les entreprises ayant répondu à l’appel d’offres — Landis & Gyr, Itron-Actaris et Iskrameco — d’ErDF.
Landis & Gyr est une société suisse dont il semble bien qu’elle soit dans le giron du puissant groupe allemand Siemens. Itron-Actaris a naguère défrayé la chronique économique apprends-je sur un article de l’Usine nouvelle du 26 février 2007 Le fabricant de compteurs Itron acquiert Actaris - Electronique… qui soulignait que “l’opération, qui devrait être bouclée au deuxième trimestre 2007, prévoyait la reprise de 580 millions de dollars de dettes”. Autrement dit, comme il faut bien que quelqu’un épongeât la facture, autant qu’elle soit à la charge des consommateurs ! Quant à Iskrameco, ce serait une société hongroise… Hé ! Hé !
Je tiens à souligner qu’ERDF – en charge de la distri-bution de l’électricité en France et qui a a reçu mission de piloter le déploiement des nouveaux compteurs intelligents (!) - est une filiale d’EDF (à 100 %) créée par la loi du 7 décembre 2006 sur l’énergie qui prévoit l’ouverture totale du secteur à la concurrence à partir du 1er juillet 2007 pour répondre aux exigences de Bruxelles dictées par la directive de 2006.
Autrement dit, l’opérateur historique de la production et de la distribution d’électricité - maintenant privatisé – continue d’avoir le monopole de la distribution et d’imposer ses décisions. Belle illustration de la concurrence voulue par Bruxelles ! qui nous fait nager en pleine connerie ultralibérale. Je ne puis m’empêcher de voir des analogies chaque jour plus flagrantes avec feu le système économique soviétique : d’énormes usines à gaz plus inopérantes les unes que les autres mais assurant de confortables largesses aux apparatchiks.
Qui bono ? La privatisation des fournisseurs de gaz et d’électricité - il en va de même pour l’eau, les transports en commun, les médias audio-visuels, etc… - est une source inépuisable de profits. Pour les dirigeants – faut bien financer la retraite dorée de Proglio ! réflexion de bon sens entendue hier de plusieurs personnes – et les actionnaires. D’où la nécessité d’augmenter sans cesse les tarifs. De 30 % selon leurs exigences récurrentes qu’ils finiront bien par obtenir. Nous sommes captifs.
Quousque tandem ? That’s the question… S’il ne tenait qu’à moi, je me ferais une grande joie de leur organiser une belle “reconduite” avec plumes et goudrons comme il sied aux barons voleurs et autres joueurs de poker ou truands du même acabit qui cachent des cartes dans leur manche ou pipent les dés.
Qui plus est, ce matériel – expérimenté en Indre-et-Loire - n’est même pas fiable ! Prétendument, parce que toutes les fonctionnalités ne seraient pas encore opéra-tionnelles. Air connu sous l’emprise de l’ultralibéralisme : les consommateurs doivent essuyer les plâtres tout en payant plein pot.
Le réseau de distribution d’EDF - lire l’interview de Vincent Hernandez, délégué syndical central de Force ouvrière pour ERDF et GRDF “Il est plus urgent de moderniser le réseau que les compteurs” – qui part à vau l’eau faute d’entretien et de modernisation – est loin d’être suffisamment performant pour que les consom-mateurs bénéficient des avantages qu’on leur fait miroiter en termes d’économie d’énergie… environ 50 euros par an pour une note de 400 euros selon ERDF.
J’aimerais bien ne payer “que” 400 euros ! Sans doute ne faut-il pas se chauffer car même en utilisant un chauffage relativement peu gourmand, ma note annuelle est plus proche de 1000 euros que de 400 euros, et encore pour un logement de taille modeste, environ 45 m², avec de surcroît une bonne isolation. Arrêtez de nous prendre pour de parfaits cons, SVP !
Encore une bonne louche de lait d’beu : à qui fera-t-on croire que c’est au niveau du compteur électrique individuel que l’on ferait faire des économies à l’usager ? L’objectif annoncé à quoi de faire rigoler un cheval mais grincer nos dents : consommer plus intelligemment, en régulant l’électricité consommée en fonction de différents paramètres, tels que l’occupation du logement, la météo ou encore les saisons. A moins d’être complètement stupides, il y a belle heurette que les consommateurs savent tenir compte de ces paramètres !
Jean-Louis Borloo ne craint pas d’être pris en flagrant délire de stupidité chronique en déclarant : «L’objectif, c’est que le consommateur paie moins cher en réduisant sa consommation». Si tel était le cas, point n’est besoin de dépenser 8 milliards d’euros pour ces compteurs et d’en faire peser toute la charge sur les seuls consommateurs. Ils eussent été amplement mieux employés à rénover le réseau de distribution et si nous n’avions pas désormais affaire à “l’Etat-Pénitence” il ne semblerait nullement incongru que l’Etat assumât le coût des infrastructures nécessaires à la satisfaction de besoins d’intérêt général. Preuve une fois de plus que nous revenons à la logique féodale des péages. Les multinationales ayant remplacé les seigneurs.
Par ailleurs, il semble bien qu’au moment de l’installation du matériel il ait été procédé à des réglages visant à rendre incompatible le nouveau compteur avec la puissance souscrite par client entraînant des dysfonc-tionnements à répétition dont le moindre n’est pas que le compteur disjoncte quand le client met en route certains appareils. D’où l’obligation de souscrire un abonnement supérieur et donc plus onéreux, est-il constaté dans un article du Monde du 8 juin 2010 La difficile mise en service des nouveaux compteurs électriques : foin donc de l’économie annoncée !
Je lis par ailleurs qu’ErDF estimerait à 1 ou 2 euros par mois sur 10 ans le coût des nouveaux compteurs électriques. Comme il s’agira plus vraisemblablement de 2 euros puisque les premières estimations avancées par ErDF ont explosé, nul besoin d’avoir fait math sup’ pour estimer le surcoût à la charge du consommateur à 24 euros par an… Il ne devrait rester que des clopinettes sur l’économie annoncée.
En effet, ErDF avançait jusqu’à présent un coût global d’environ 4 à 5 milliards d’euros, chiffre qui devrait être multiplié par deux selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) – laquelle recevrait 900 millions d’euros par an pour moderniser les équipements électriques en France ! - soit entre 8 et 9 milliards d’euros, à la charge des usagers via le Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Coût qui “intègre la fourniture et la pose des compteurs, la fourniture des concentrateurs chargés de collecter les données de chacun des compteurs pour les réémettre vers le système de gestion et d’exploitation d’ErDF et la création des systèmes informatiques de gestion et d’exploitation des données”.
Sans doute demain nous fera-t-on intégralement payer les factures de remise en état du réseau de distribution, des centrales nucléaires, etc… Bref, tout ce qu’EDF a négligé depuis des dizaines d’années. Faut bien se payer sur la bête – entendre les con…sommateurs. Que cela ne gêne nullement Jean-Louis Borloo – au demeurant atteint de la redoutable et contagieuse “maladie de la taxe folle” selon lequel «il n’y aurait “rien de déraison-nable” à ce que le coût de l’installation soit supporté par les usagers, ceux-ci profitant ensuite des économies engendrées» n’est pas fait pour me surprendre.
Ce n’est pas la cerise des prétendues économies que nous devrions réaliser qui nous fera passer l’indisgestion de ce gâteau aussi empoisonné que la pomme de la marâtre de Blanche-Neige : évidente tarte à la crème comme je l’ai suffisamment démontré… combien aimerais-je la lui retourner en pleine poire comme l’entarteur sut le faire à moult reprises contre des personnalités !
Mais peu importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse : nous devons succomber sous le poids des charges diverses que refusent d’assumer les multinationales qui ont réussi à se faire concéder la quasi totalité des services publics. Parfaite illustration du credo ultralibéral : «privatisation des profits, nationalisation des pertes» et comme l’Etat est devenu une entreprise tout aussi ultralibérale : maintenant payez, braves gens !
Sur ces dérives qui nous entraînent fort loin de l’idéal démocratique autant que de la justice sociale, je ne peux que vous conseiller de lire le Monde diplomatique de juin 2010. Un passionnant dossier «Après l’orgie spéculative, l’austérité pour (presque) tous»… Et entre autres, l’article de Serge Halimi Le gouvernement des banques qui démontre brillamment comment les politicards – de droite comme de gauche, aux Etats-Unis comme en Europe et en France - deviennent les meilleurs relais des multinationales. Lobbyistes de tous les pays unissez-vous !
Il faut toute la prétention stupide et le culot imbécile d’un Alain Minc pour oser prétendre que «L’intérêt général peut être servi ailleurs que dans l’Etat, il peut être servi dans les entreprises» !
Je crois plus volontiers le constat amer autant que lucide de François Hollande en 2006 – ça ne s’est pas arrangé depuis, bien au contraire ! – «Une haute bourgeoisie s’est renouvelée au moment où la gauche arrivait aux responsabilités en 1981 (…) c’est l’appareil d’Etat qui a fourni au capitalisme ses nouveaux dirigeants (…) Venus d’une culture de service public, ils ont accédé au statut de nouveaux riches, parlant en maîtres aux politiques qui les avaient nommés».