Nous devions attendre 15 minutes et interviewer Mick Jones pendant 45 minutes. Finalement –magie de la promo ! - les chiffres se sont inversés. Victor H., le réalisateur, est hilare. Il filme la balance et nos tractations avec les attachées de presse (« c’est mieux qu’une interview, tout le monde se fout des interviews, je vais couper dès que vous entrez dans la loge»). Mascarpone relit les questions qu’il n’aura pas le temps de poser et commande les bières. J’attends en acceptant un nouveau demi, servi dans un verre en plastique.
Je buvais déjà dans un gobelet de camping lorsque j’ai entendu pour la première fois London calling. Ce devait être dans une fête d’anniversaire. Les murs étaient recouverts d’un crépi orangé, censé évoquer la Méditerranée en plein Massif central. Il y avait une reproduction de Matisse au mur (les nanas bleues, à poil) ; je pourrais décrire toute la pièce. Les lotissements, comme une armée d’occupation, déferlaient sur les campagnes. Le monde devenait chaque jour plus juste et, fort logiquement, plus laid.
Le lendemain, ma grande sœur m’a prêté l’argent pour acheter le disque et une de ses amies en maillot de bain vert et blanc m’a fait écouter The magnificent seven, « d’un autre album, un triple. » Pendant quelques minutes, j’ai même arrêté de regarder les brides blanches quadrillées de fines rayures vert d’eau et les épaules bronzées.
La suite est une histoire de fan et la moitié de la terre peut en dire autant sur le Clash. Je sais. Mais j’ai des excuses : j’attends. A l’autre bout du bar, Mascarpone finit par froisser et balancer toutes ses feuilles.
- Tant pis. De quoi tu vas lui parler, toi ?
- De maillot de bain.
- Ah. Je crois que c’est à nous.
Bonjour Monsieur Jones. En fait, nous avons très peu de temps pour discuter…
Oui je sais, désolé. Nous sommes arrivés à Paris avec beaucoup de retard, le show d’hier à Londres était épuisant. Désolé. Voulez-vous boire quelque chose ?
Nous avons décidé de ne vous poser que trois questions, une sur chacun de vos groupes. Commençons par Carbon/Silicon. Est-ce toujours aussi facile de prendre une guitare et d’écrire un couplet, un refrain?
Oh, je n’utilise plus de guitares. J’en joue simplement sur scène et en studio. Le reste du temps, je me balade, je trouve une mélodie, je rentre chez moi en courant. J’évite d’écouter de la musique pour être sûr de conserver cette mélodie et je l’enregistre sur une cassette, un ordinateur… En gros, je fais « la la la » sur une cassette (rires). Il n’y a rien et puis vous en faites quelque chose, simplement avec « la la la », vous voyez ? Bien sûr, parfois, il faut se battre un peu pour capturer une idée.
Donc ça se passe « à la Mozart », en entendant les notes…
En quelque sorte, et Tony (NDR : Tony James, ex Generation X, son alter ego dans Carbon/Silicon) est Salieri (rires). Ou peut-être est-il Mozart, je ne sais plus…
Ca fait tout de même une différence. S’il est Mozart, c’est lui qui va devenir célèbre !
(Rires). Vous savez, nous allons tous devenir célèbre. Alors…
Dans Carbon/Silicon, on entend votre songwriting pop. Il n’a pas bougé. Ces morceaux sont l’écho de titres comme Stay Free, Funny names…
Parlons de Big Audio Dynamite. Ce groupe a été rejeté par les fans du Clash. Pourtant vous avez sorti avec lui des morceaux fantastiques. Quel souvenir gardez-vous de BAD ?
C’était un bon groupe, je crois. Mais pas du tout en accord avec son époque. Malgré notre son très contemporain, ça n’a jamais vraiment collé. C’est peut-être aussi de ma faute : je voulais faire quelque chose de totalement différent de mon premier groupe. J’ai poussé au maximum pour éviter toute comparaison…
La fin de BAD était vraiment bizarre. Des noms différents (BAD, BAD II, Big Audio…) , des musiciens différents…
Oui, nous avons fait durer trop longtemps, je pense. C’était comme au football, nous descendions de division en division (rires). On se disait « nous nous payons du bon temps, hein ? Ca se passe bien ? » Mais nous n’étions pas dupes.
The globe, en tout cas, est une sorte de chef d’œuvre.
Nous avions vraiment mis l’ordinateur, le sample au centre de cet album. Ces techniques ont conditionné le son, l’écriture. Mais l’ensemble sonnait encore rock. Je crois que ce disque est réussi, oui. Aujourd’hui, les lois du copyright, les droits le rendraient tout simplement impossible. Nous piquions de partout. C’est vraiment l’album d’une époque précise.
Le Clash donc… Que pensez-vous quand vous rencontrez aujourd’hui des gens de 15 ans qui vénèrent la musique du groupe, portent des perfectos…
C’est sidérant. Nous ne voulions pas en faire une institution. Mais c’est impossible de se rendre compte du sens que cela prend pour les gens, surtout après le split. Quand je vois de types aussi jeunes dans le public, pfff… je me dis, ils reconnaissent quelque chose, quelque chose qu’ils croient perdu, fini parfois. Après la mort de Joe, peut-être que les gens ont réalisé qu’il était vraiment parti mais qu’il restait notre musique. C’est un peu difficile à expliquer, n’est-ce pas…
Avec le Clash, le look était capital…
Oui, plus de 40 % du truc (rires).
Alors comment décririez-vous le look de Carbon silicon ?
En gros, nous portons des capes et des masques… en tout cas nous devrions, ce serait parfait (rires). Ou votre look, un peu comme ça, ces manteaux, cette cravate peut-être (rires).
Oui, pour finir, nous voudrions vous dire que… bon le Clash, enfin, je me souviens de la première fois où je vous ai entendu et puis quand j’ai acheté une guitare, eh bien… c’est cliché, hein… vous avez du l’entendre 150 fois mais puisque l’on se rencontre, donc…
Je crois que je vois ce que vous voulez dire. Merci beaucoup. And take care, guys.
http://www.myspace.com/carbonsiliconinc
Federico Mascarpone et Syd Charlus
WHAT'S UP DOC?
envoyé par callicore75