madame ou mademoiselle… encore ?

Publié le 09 juin 2010 par Polluxe

Quand on est fonctionnaire, on est sollicité pour représenter l’administration au sein des commissions de révision des listes électorales. Jusque là rien que de très normal. Mais quand on consulte le formulaire de candidature, on ouvre des yeux ronds comme des billes : on peut y lire les mentions de « mademoiselle » et de « nom de jeune fille » !

Quand l’administration, les services publics mais aussi les banques et autres organismes se mettront-ils en conformité avec la loi ? C’est vrai que modifier un document pdf c’est compliqué : il faut ouvrir le document original sous Word et refaire une export en pdf. Ne parlons pas de modifier les bases de données, insurmontable…

Ces deux termes relèvent d’un usage obsolète et sexiste.  Obsolète car ils font référence au statut marital qui à l’heure du divorce, du PACS ou du non-mariage n’est plus un critère pertinent – doit-on appeler les femmes divorcées « mademoiselle » ? – d’où une différenciation entre les termes mademoiselle et madame qui tend à se faire sur un critère d’âge. Et sexiste bien sûr, car ces termes n’ont pas d’équivalents masculins, sauf à rajouter « nom de jeune homme » et « mondamoiseau » sur tous les formulaires. Le terme damoiseau utilisé dans le passé est d’ailleurs très joli.

La ministre des droits de la femme avait déjà fait une mise au point sur le sujet en… 1983 :

L’existence des deux termes différents pour désigner les femmes mariées et celles qui ne le sont pas constitue une discrimination à l’égard des femmes puisqu’une telle différenciation n’existe pas pour les hommes. Elle semble indiquer que le mariage confère à la femme une valeur différente alors que la valeur de l’homme n’est pas affectée par cet acte juridique et social. Il me semble important de préciser que ces termes constituent un usage qu’aucun texte ne codifie. Leur utilisation n’entraîne aucune conséquence juridique. Il s’ensuit pratiquement que personne -organisme ou individu – ne peut imposer à une femme la mention madame ou mademoiselle. Il incombe aux intéressées de choisir la désignation qu’elles préfèrent. Il en va différemment du nom des femmes mariées. En effet, c’est la loi du 6 fructidor An II qui fonde le droit au nom des citoyens français et ce droit est le même pour les hommes et pour les femmes. Cette loi dispose dans son article 1er « Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». Aucun texte ne prévoit non plus que le mariage emporte changement de nom des époux. Les papiers officiels ne doivent donc pas comporter d’autre nom que le nom légal.  L’apposition des mentions épouse, divorcée ou veuve, suivie du nom du conjoint est donc  contraire à la loi. Qu’il s’agisse des termes madame ou mademoiselle, ou du nom des femmes, le droit positif actuel n’établit pas de discrimination, seuls des usages abusifs sont la cause des difficultés qu’un grand nombre de femmes éprouvent à faire respecter leur droit. Il est important que les femmes connaissent ce type d’information tant auprès des organismes qui pour différentes raisons doivent prendre en considération l’état civil des citoyens, qu’auprès des femmes elles-mêmes qui devant l’ignorance et la mauvaise foi, en viennent parfois à douter de leur bon droit.

On va me dire que c’est un détail mais ce n’est pas si anodin que ça en a l’air : les mots structurent la pensée et influencent les mentalités. Et au au quotidien ça peut-être pénible. Cela donne d’ailleurs des dialogues amusants (on peut réutiliser, je ne mets aucun droit d’auteur sur ce dialogue) :

- « Madame » ou « mademoiselle » ?
- Mettez « monsieur » (regard interloqué de l’employé de banque).
- Euh… Bon, alors je mets « madame » ?
- Voilà… [en option et en souriant - sourire toujours... ] Vous devriez enlever la case « mademoiselle » de votre système, ce n’est pas conforme à la loi.

Ce genre de détail devrait pouvoir être réglé facilement.  Des circulaires (F.P. 900 du 22 septembre 1967 et 74-129 du 28 mars 1974) sont parues sur le sujet mais manifestement ce n’est pas si simple au vu des déboires de certaines, ici ou là. En attendant il y a une page Facebook contre mademoiselle pour ceux que ce combat quotidien intéresse.



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