Un hangar au bord de l’eau, la baie de San Francisco derrière, peut-être Alcatraz au loin, des bateux qui passent, des mouettes qui strient le ciel; la lumière du jour finissant, les longues ombres portées, la douceur du soleil de novembre sur le sol noir brillant. Des lignes droites, poteaux, piliers, grilles horizontales et verticales structurant l’espace; quelques diagonales, poutres, rayons lumineux, voile d’un bateau à l’arrière plan. Comme une nature morte, comme un Weisberg ou un Morandi.
Craneway Event est un film de Tacita Dean, de près de deux heures, montré à la Frith Street Gallery à Londres jusqu’au 23 juin. Merce Cunningham avait créé Stillness spécialement pour Tacita Dean dans son studio new-yorkais, assis en silence avec 4′ 33″. Elle le retrouve en novembre 2008, filmant trois jours de répétition avec une quinzaine de ses danseurs : la caméra est plus libre, plus proche que pendant une performance, et on observe la construction de la danse séparément de toute musique. Ce n’est pas vraiment un documentaire, même si on reconnait toutes les
particularités de la chorégraphie de Cunningham, c’est plutôt un long essai sur la forme et la lumière, et la manière dont les corps les habitent. C’est un tribut, un mémorial, émouvant mais pas sentimental, aussi dur et dépouillé que le chorégraphe, bien plus réussi que celui de Boris Charmatz. On pourra voir ce film à Paris à la Galerie Marian Goodman du 11 juin au 23 juillet, et de nouveau à la Cinémathèque un seul jour pour le Festival d’Automne le 8 novembre; dommage qu’on ne montre pas Stillness en même temps. Quelques intéressantes critiques, en anglais : The Guardian, Art Review, Canadian Art, et le NYT.