L'organisation des élections en Ayiti est toujours éclaboussée de scandales allant de malversations aux fraudes électorales, pour faire de la corruption sa raison d'être. Accusée de ces méfaits, leConseil Electoral (CE), l'organe prévu par la constitution pour assurer la passation du pouvoir à tous les niveaux de l'Etat connaît souvent une vague de démission ou sa pure dissolution. La branche exécutive en la personne du président de la République prévue aussi par la constitution comme garante de la bonne tenue des élections, est toujours tenue responsable. En effet, doté du pouvoir de former le conseil et de nommer ses différents membres, l'exécutif jouit de l'avantage de tout agencer en sa faveur, en dépit du fait que les membres du conseil viennent des partis politiques ou de différents secteurs de la société pour assurer la fiabilité de la machine électorale.
Les contentieux qui en résultent compromettent toujours la justesse des élections. A tort ou à raison, des citoyens choisis pour une réputation honnête, sont vilipendés. Incriminés pour vouloir favoriser un candidat au détriment d'un autre, faire une utilisation inappropriée des ressources ou frauder les résultats, ils font perdre au corps-administrateur toute sa crédibilité. Perdant confiance, les participants au processus refusent de s'y aventurer. Dépendant du cas, leurs revendications vont du renvoi du conseil dans son ensemble ou partiellement, de l'annulation des élections en cas de résultats falsifiés ou en s'y abstenant. Mis en ligne de mire, l'exécutif, qui est juge et partie dans l'organisation des élections, s'engage dans un jeu de force pour ne pas compromettre ses intérêts.
Si depuis la consécration des prescrits de la constitution de 1987, toutes les élections organisées génèrent les mêmes problèmes, il convient d'aborder le phénomène sous d'autres angles. L'appréhender via le caractère de ceux qui composent le CE induit en erreur, parce que ils arrivent tous indépendamment du secteur d'ordre moral ou pas, avec un comportement similaire qui provoque l'indignation de la collectivité. En toute logique, la crédibilité du CE ne dépend aucunement du caractère de ceux qui le composent. Il y a toujours un petit quelque chose qui fait détourner le plus honnête de sa moralité, dès que son intérêt ou celui de son groupe est menacé.
Sans vouloir excuser quiconque participant à l'organisation électorale d'une mauvaise action ou d'une violation des principes, il importe de revoir la nature de la gouvernance électorale, c'est-à-dire le système de gestion du processus, pour dépister le germe du mal inhérent à la conception même de cette structure de gouvernance. Les failles, judicieusement exploitées par tout individu politicien au pouvoir et qui contrôle directement ou indirectement le processus, reposent sur l'obligation faite par la constitution de former un conseil électoral provisoire pour les premières élections démocratiques, puis former un conseil électoral permanent ultérieurement.
En vertu de tout cela, il est compréhensible que l'exécutif s'attelle au provisoire plutôt que de se soucier du permanent. Son terme au pouvoir étant d'une durée de cinq ans, nettement plus court que celui du conseil électoral permanent, donne lieu au risque d'une perte de contrôle du conseil permanent par l'exécutif. Donc, créant des conditions pouvant discréditer un conseil électoral et le processus en général est un moyen de faire perdurer le provisoire, une forme transitoire qui met à nu l'état déficient du système électoral. Ce pour dire, autant qu'il s'agisse d'élections organisées par un conseil électoral provisoire, et de conseil électoral permanent à mettre en place, toutes élections organisées pour la passation du pouvoir seront toujours entachées de manipulations ou de mauvaises actions de part et d'autres. Seules des lois électorales permanentes peuvent garantir des élections acceptables dans le pays sans trop d'animosité contournant le processus d'organisation.